Je ne connais pas ce petit garçon. Mes enfants non plus d’ailleurs. On ignore la couleur de ses cheveux ou de ses yeux. On ne sait pas s’il aime le chocolat, les petites autos ou les superhéros. On ne l’a jamais vu de notre vie. Pourtant, Noakim a un dessin de mon fils placé au dessus de son lit. On y voit un bonhomme à côté duquel mon dessinateur en herbe a voulu qu’on écrive : « Mon bonhomme, il est debout. C’est pour guérir Noakim. » Il est là parmi une multitude d’autres dessins. Comme une lumière au bout d’un tunnel sombre qui a plongé Noakim et sa famille dans une noirceur insupportable durant plusieurs semaines.
À la suite d’une gastro, suivie d’un rhume qui a dégénéré en otite, pneumonie et méningite virale, Noakim a développé le syndrome de Guillain-Barré. Du jour au lendemain, cette petite boule d’énergie de presque 2 ans a cessé de marcher, de s’asseoir et de boire. Quand ses muscles respiratoires se sont mis en grève à leur tour, les soins intensifs de l’hôpital ont pris le relais pour l’aider à respirer et soulager sa douleur avec de la morphine et des analgésiques neurologiques. Jour après jour, son état s’est dégradé.
Évidemment, ses parents sont restés près de lui pour lui souffler des mots d’amour. Que pouvaient-ils faire d’autre? Comment faire entrer le soleil dans cette pièce froide remplie de machines et de médicaments? Comment insuffler un peu d’espoir et d’énergie dans ce petit corps paralysé par un ennemi sans visage?
La marraine du grand frère de Noakim leur a suggéré cette idée simple et géniale: demander à leurs proches et aux amis de leurs amis de leur donner des dessins d’enfants pour que les murs blancs de sa chambre d’hôpital se transforment en soleils multicolores, en fleurs immenses, en gribouillis magnifiques et en bonshommes souriants. De bouche à oreille et de courriel en courriel, leur demande est arrivée chez nous. Noakim est entré dans ma vie et dans celle de mes enfants.
« Mon dessin va le guérir? », a demandé mon fils.
« Je ne sais pas mon coeur, mais je sais que grâce à toi, à tes soeurs et à d’autres enfants, chaque fois que Noakim ouvrira les yeux, il verra la vie en couleur plutôt qu’en noir et blanc. Ça va peut-être lui donner envie de se battre pour retourner jouer dehors. Qui sait? »
Le temps a filé. Un beau jour, j’ai reçu ce message qui s’adressait à ceux dont les enfants avaient envoyé un dessin :
« Croyez-le ou non, la montagne de dessins semble avoir eu des effets inespérés. Car le petit Noakim était encore intubé et fortement paralysé vendredi. Mais, hier après-midi, il jouait avec ses jouets dans son lit, respirait par lui-même, buvait son gobelet de lait et mangeait des "popsicles"!!! Même les neurologues n’en reviennent tout simplement pas! C’est comme s’il y avait eu un gros "déclic" samedi. Puis, toute la fin de semaine, les progrès ont été exponentiels! On dirait bien que plus rien ne l’arrêtera. »
Aujourd’hui, Noakim est guéri. Les dessins ont pris le chemin de sa chambre et la vie a repris son cours. Il marche, il court, il rit avec son grand frère comme si rien ne s’était passé sauf que maintenant « chaque instant ordinaire est extraordinaire. Notre bonheur est presque exagéré », m’a joliment écrit sa maman qui attend un bébé.
Je l’ai vite dit à mes enfants. En observant la photo, mon petit garçon a tout de suite reconnu son dessin sur le mur. Très fier, il m’a dit « Maman! Ça a marché! »
Grâce à Noakim et à ses parents, mes enfants ont goûté à la saveur sucrée du verbe « donner ».
Merci Noakim.
12 mai 2010