La conciliation travail-famille se fait pas mal mieux quand on fait les deux un après l’autre, et pas en même temps! Récit d’une journée mouvementée.On s’en attendait un peu. Il avait beaucoup plu la veille et le froid de la nuit avait transformé la ville en une sinueuse patinoire où valsaient sans contrôle les voitures et les piétons. À la radio, ce matin-là, l’animateur avait plus de facilité à nommer les commissions scolaires où les écoles étaient ouvertes que l’inverse.
Par chance, j’avais la possibilité de travailler de la maison. Alors j’ai dit aux garçons : « Vous pouvez rester couchés, aujourd’hui il n’y a pas d’école! On reste à la maison! »
Ils étaient déjà debout, je pouvais donc oublier la grasse matinée. Je me suis levé et me suis fait un premier café, en regardant mes courriels. À 6 h 25 du matin, ça fait tôt pour « entrer » au bureau!
Les frères se chamaillent un peu, rien d’anormal, mais j’en profite pour leur dire qu’aujourd’hui, c’est congé pour eux, mais que papa, lui, doit travailler même si on est à la maison. Ils me disent d’accord! J’ai compris assez vite que c’était ce genre de « d’accord » qui sert plus à faire taire le parent qu’à confirmer que le message était bel et bien compris.
Ce jeudi-là, j’ai gagné un dan sur ma ceinture noire du multitâche. Gérer un dossier au téléphone, en anglais (je ne suis PAS parfaitement bilingue), en préparant un dîner à deux garçons qui s’obstinent pour avoir l’assiette mauve, à qui j’essaie de faire comprendre silencieusement de l’index et de mes sourcils froncés que je suis au téléphone parce que PAPA TRAVAILLE… Ce fut plus compliqué que je ne l’aurais cru quelques heures auparavant, enivré par la joie de cette journée de faux congé...
Et ça, ce n’est rien. Je crois vraiment avoir mérité le prochain niveau de papa pieuvre quand nous avons dû sortir pour faire une commission…
J’avais bien pris la peine d’avertir les deux loups surexcités : « attention, c’est vraiment glissant, marchez en pingouin! ». Je me retourne pour barrer la porte et la deuxième seconde n’a même pas le temps de s’écouler que j’entends le plus jeune chigner. Je me retourne, il est à 4 pattes sur la glace mouillée par la pluie. Je vais le voir. Mon cellulaire se met alors à sonner; c’est le travail. Tout en discutant au téléphone, j’agrippe son manteau et relève d’un coup le petit détrempé. Au même moment, un livreur arrive avec un colis et me demande de signer son pad électronique. Mon autre garçon tire sur mon manteau pour me faire savoir que lui aussi est tombé et qu’il est tout mouillé. Mon plus jeune gèle des mains et veut que je l’aide.
Je ne sais plus où donner de la tête.
Mon corps est littéralement divisé en deux. Mon côté gauche est au bureau, mon côté droit tente de gérer la vie familiale qui déraille et glisse, littéralement.
Mais on s’est rendus à 18 h sains et saufs. On a soupé, on s’est lavés, on a lu l’histoire et on s’est couchés. Je dis « on », parce qu’après avoir dit bonne nuit à mes gars, je suis allé m’endormir avant eux sur le divan.
La conciliation travail-famille se fait pas mal mieux quand on fait les deux un après l’autre, et pas en même temps!
1 mars 2019
Photo : GettyImages/Geber86