Les chicanes: c'est ça notre vie

Les chicanes: c'est ça notre vie
C’était une journée comme les autres qui commençait depuis la pause de l’école et du boulot. Keven Beauregard savait qu’il allait inévitablement faire face à l’indomptable routine…

C’était une journée comme les autres qui commençait. En fait, une journée comme les autres depuis le début de cette crise, depuis la pause de l’école et du boulot. Je savais qu’après la 8e cuillère de café déposée dans la machine, j’allais inévitablement faire face à l’indomptable routine…

Mais de quelle routine? Celle qu’on retrouvait souvent le soir, déguisée en bourrasque après le retour du travail. Un peu comme la tempête dans le Magicien d’Oz, sauf que, dans notre version, Dorothée laisse traîner ses beaux souliers rouges dans l’entrée et se pogne pour une niaiserie avec l’épouvantail…

Vous vous en doutez, ici comme ailleurs, les enfants se chicanent. Que ce soit deux frères, un frère et une soeur, trois soeurs, six frères (faites le combo que vous voulez), la flammèche est inévitable. Pour un jouet « volé », un mot mal placé ou un espace pas assez grand sur le divan… toutes les raisons sont bonnes pour crier après l’autre.

Si j’avais deux petits lionceaux, je les verrais souvent en petites boules en train de se mordiller les oreilles l’un l’autre. Quoique des fois, on n’est pas loin de ça!

Je disais donc que c’était une journée comme les autres. Moins de 10 minutes s’étaient écoulées depuis notre première activité que déjà le ton montait entre les deux frères. Comme la veille et l’avant-veille pis l’avant-avant-veille. Bref, ça faisait trop « d’avant » à mon goût. J’ai donc tenté de les raisonner.

« Les gars, est-ce que c’est possible de passer une heure sans chicane? TOUS LES JOURS, aux 30 minutes vous vous chicanez! Ça devient vraiment fatigant! »

C’est là que mon plus vieux m’a lancé : « Ben papa, c’est ça notre vie. »

J’ai craqué et j’suis passé de « à boutte » à « rire fort ». Je n’ai pas pu me retenir. Sa phrase aurait pu finir par « ...deal avec! » que ça n’aurait pas été plus surprenant.

La surprise (et le rire) passée, sa phrase a résonné dans ma tête, et l’écho avait pas mal de sens. Je me battais contre quoi à vouloir que mes gars ne se confrontent jamais? Dans quel monde de licornes je croyais vivre?

Il y avait une telle résignation dans sa réplique! C’était totalement désarmant. Bien sûr, j’aurais pu répondre que c’est quand même possible de faire un effort, de tenter de s’entendre, etc. Mais à quoi bon… sa réplique valait 1 000 $. Il venait de marquer un solide point et je lui concédais la victoire. Tout ce que je me suis permis de faire, c’est de m’imbiber un peu de cette belle et, disons-le, naïve résignation.

D’ailleurs, j’ai numérisé de vieilles cassettes VHS de famille récemment. Du temps où les gens se plaçaient devant la caméra comme pour prendre une photo, où tout le monde lui disait salut de la main. Du temps où la caméra vidéo ne traînait pas dans nos poches. Dans ce temps-là, j’avais environ 8 ans, et mon frère 10. Et devinez quoi? C’était la même game. On se chicanait sur les mêmes accords, en se criant les mêmes refrains.

C’était ça notre vie!

 

29 mars 2020

Naître et grandir

 

Photo : GettyImages/Fertnig

Partager