Ce jour-là, la tempête était passée, mais les pleurs continuaient. Le fils de Keven Beauregard était incapable de s’arrêter…Les enfants avaient bien dormi. Tout s’annonçait pour un être un bel avant-midi relax. Mais ce qui devait arriver arriva; une parenthèse à ce bonheur matinal.
Je crois être rarement vraiment fâché, mais c’est déjà arrivé. Habituellement, un simple avertissement fonctionne.
- Là, les gars, je suis vraiment, vraiment, sur le bord de me fâcher.
Mon plus jeune fils arrive à régler ses remords d’un simple (mais sincère) « j’m’excuse papa », agrémenté d’un câlin. Mon plus vieux, lui, ne gère pas aussi facilement. Parfois, mon p’tit bout d’homme éclate et, à ses yeux, pour une fraction de seconde (des fois plusieurs fractions collées), je deviens le pire papa du monde (et il le dit exactement dans ces mots).
Ce jour-là, la tempête était passée, mais les pleurs continuaient. Il était incapable de s’arrêter. Je voulais tenter de comprendre, de l’aider à remettre le bouchon, alors je lui ai demandé ce qu’il avait.
« JE SUIS PAS NORMAL! » a été sa réponse nette et sans détour. C’était gros comme constat quand même…
- Qu’est-ce que tu veux dire mon loup?
- Ben c’est pas normal que je sois fâché contre toi comme ça!
Dans sa tête, ça ne fonctionnait pas qu’il m’aime autant, mais qu’il me haïsse 3 secondes et quart. Vous allez me dire que, oui, c’est normal. J’ai eu le même réflexe et j’ai banalisé.
- Ben oui, t’es normal, t’étais juste fâché!
Et voilà, problème réglé! Mais pas tant que ça finalement… Après lui avoir dit ça, j’ai poussé un peu la réflexion et je suis retourné le voir.
- En fait, la vérité, c’est que non, mon homme, t’es pas normal. Moi non plus, maman non plus et ton frère pas plus. Pis c’est ben correct comme ça. On est tous différents et c’est ça qui est beau.
Il me regardait, comme gelé. Son cerveau analysait fort ce que je lui disais. C’était différent, mais je sais qu’il pouvait comprendre, alors j’ai continué.
- C’est quoi être normal? Quel humain a établi le barème de la normalité? Il n’y a pas un petit gars en 3e année quelque part qui est « LE » petit gars normal. On est tous un peu spéciaux, avec nos qualités, nos défauts, pis la façon de les gérer. Toi, tu gères difficilement tes émotions, pis tes émotions sont grosses comme la Terre. Tout ça va se placer avec le temps.
On s’est fait un câlin.
- Tu comprends ce que j’essaie de t’expliquer?
- Je pense que oui.
Le concept était gros et mon explication grossière. Mais je pense aussi qu’il a compris la base. La vie s’occupera de tout lui nuancer ça comme elle sait si bien le faire!
14 octobre 2020
Photo : GettyImages/Juanmonino