Lecture: quoi penser des mots étiquettes?

Lecture: quoi penser des mots étiquettes?
Par Marie-Ève Bergeron-Gaudin, Orthophoniste
La méthode d’apprentissage des mots étiquettes est née pour faciliter la vie des élèves. Mais est-ce vraiment une bonne idée?

Depuis le début de l’année scolaire, j’assiste à un apprentissage important de mon grand Jules de 7 ans : celui de la lecture. J’avoue que je suis émerveillée. Plusieurs enfants apprennent assez facilement à lire en première année. Pourtant, cette compétence est complexe. La méthode d’apprentissage des mots étiquettes est née pour faciliter la vie des élèves. Mais est-ce vraiment une bonne idée?

Les mots étiquettes sont des mots écrits sur du papier ou collés sur les murs de la classe, avec ou sans illustration, que les élèves voient souvent. L’exposition fréquente à ces mots laisse penser que les élèves en viendront à les lire facilement, sans avoir à les décoder son par son, lettre par lettre.

Cette méthode est toutefois critiquée parce que des études démontrent notamment que la plupart des mots doivent être décodés de 3 à 8 fois avant de pouvoir être bien reconnus et compris automatiquement. Des élèves qui tentent d’apprendre « par cœur », donc de reconnaître sans décoder un grand nombre de mots étiquettes risquent d’en venir à les confondre parce qu’ils les ont mal enregistrés.

Actuellement, il est recommandé de réserver l’apprentissage par mots étiquettes principalement aux mots fréquents de la langue française comme à, dans, il et un. Ces mots sont courts, très utiles et permettent aux élèves d’être fonctionnels plus rapidement en lecture. Il y a aussi certains mots dont le décodage est très difficile qui peuvent être reconnus plutôt que décodés, par exemple monsieur et femme.

Dans sa classe, au début de l’année, mon grand Jules a appris plusieurs associations entre les sons et les lettres. Lorsqu’il en apprenait une nouvelle, il avait souvent comme devoir de lire une liste de mots qui présentaient cette association (ex. le son « é » peut s’écrire é comme dans bébé et vélo).

Il est plus logique d’apprendre des mots regroupés sur la base de leurs ressemblances sur le plan d’une ou de lettres, que sur le plan du sens. Ainsi, un élève pourrait apprendre à reconnaître les mots liés à la fête de Noël, mais ces mots ne l’aideraient pas à mieux comprendre les associations entre les sons et les lettres.

Et vous, avez-vous des grands qui apprennent à lire cette année? Comment apprennent-ils? Comment cela se passe-t-il?

 

Pour apprendre à lire, un enfant doit :
  • être conscient des sons;
  • connaître les lettres;
  • apprendre toutes les associations entre les lettres et les sons (ex. : la lettre s sonne « sss »);
  • parvenir à fusionner les sons associés aux lettres (ex. : « s » avec «i» fait « si »).
À partir de là, il sait décoder les syllabes.

On l’oublie, comme adultes, mais les associations entre les lettres et les sons sont très compliquées! Une lettre peut être associée à plusieurs sons (ex. : c peut sonner «k» ou « ssss ») et un son peut être associé à plusieurs lettres (« fff » peut s’écrire f ou ph). Ce n’est pas un problème pour les adultes, qui ont appris à reconnaître automatiquement les mots, mais c’est tout un défi pour les apprentis lecteurs! Les mots étiquettes réservés à un petit nombre de mots fréquents peuvent, dans ces cas, aider les élèves et les motiver.

 

14 février 2018

Naître et grandir

Photo : GettyImages/ktaylorg

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