Apprendre de ses enfants

Apprendre de ses enfants
Je dois laisser mes garçons découvrir et je dois le faire avec eux pour redécouvrir à leur façon le monde qui nous entoure.

Il y a quelques jours, mon fils voulait me montrer la chose la plus merveilleuse et impressionnante du monde. Il criait (j’étais aux toilettes), c’était pressant (lui, pas moi, quoi que…), je devais venir voir ça le plus rapidement possible. « Viens papa! Tu croiras pas ça! » Mais qu’est-ce que mon garçon avait découvert de si extraordinaire? Un tableau de Picasso dans le grenier? Une cure contre le cancer?

Eh bien non. En fait, mon garçon voulait me montrer que lorsqu’il brasse son lait avec son doigt vite, vite, ça fait des bulles. Et j’étais censé ne pas en croire mes yeux.

Sans trop réfléchir, j’ai souri et répondu : « ben oui mon loup, c’est normal! »

Quelques heures plus tard, monsieur ne voulait pas sortir du bain parce qu’il voulait voir le tourbillon d’eau qui s’échappait. Et là j’ai agi en père blasé, en le pressant de sortir parce qu’il « niaisait ». Je dis père blasé, mais je me retiens de ne pas dire « crétin ».

Apprendre à redécouvrir

Ce soir-là, lorsque mes loups dormaient, j’ai pris une sorte de résolution. Je devais à présent faire l’effort de réapprendre à découvrir ou plutôt d’apprendre à redécouvrir. Je l’ai tellement regardé, quand j’étais petit, cette « tornade » d’eau qui, dans ma tête, ravageait un village imaginaire avant de disparaître dans le trou du bain! J’étais qui, moi, pour ne pas laisser la chance à mon gars de s’imaginer la même chose?

Je n’ai aucunement le droit de rabaisser la graine de scientifique en lui qui s’émerveille devant la réaction du lait lorsqu’on le brasse.

Mon plus vieux n’a que 5 ans. Je suis mieux de m’y faire, ce n’est que le début! Car moi aussi j’ai cru pouvoir faire carrière comme photographe un après-midi d’automne dans un parc. Je n’aurai donc pas le droit d’être blasé quand mon gars va me montrer ses magnifiques photos noir et blanc de la lumière du soleil à travers les branches dénudées à sa première année de Cégep, comme s’il était le premier humain à penser à cette composition d’image.

À travers les yeux de mes garçons

Oui, j’ai vu plein de choses. Mais jamais comme mes gars les verront, et elle est là, la mince différence. Je dois laisser mes garçons découvrir et je dois le faire avec eux pour redécouvrir à leur façon le monde qui nous entoure. Parce que non seulement je pourrai ainsi redécouvrir toute la beauté qui fait ce monde, mais ça me permettra de connaître mes enfants, de les comprendre, de comprendre leur vision des choses.

Si moi, ce soir-là, je voyais juste mon garçon qui n’écoutait toujours pas ma consigne en mettant (encore) son doigt dans son verre, lui voyait peut-être le résultat surprenant d’une potion magique à un ingrédient. Il était peut-être le druide idolâtré d’une tribu de guerriers. Ou un créateur hors pair d’un système de « bulletage » de lait. Je ne sais pas, et je ne le saurai pas parce que moi, je lui ai pété ses bulles en souriant presque de façon condescendante et en lui disant que sa magie, elle, était normale. Au fond de lui, il le savait peut-être même déjà, mais il voulait que j’embarque avec lui dans sa folie.

Alors la prochaine fois mon loup, on va ajouter ensemble un ingrédient à la potion magique. Je serai le bras droit du druide, question d’apprendre.

Mais juste une fois, parce que les doigts dans les verres, en général c’est non! ;)

 

4 mars 2017

Naître et grandir

Photo : GettyImages/Choreograph

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