Je regardais l’appareil sur mon ventre, puis l’écran; c’était bien l’intérieur de mon ventre qu’on voyait à l’écran. J’en avais bien deux en dedans.
« Jumeaux, jumeaux, jumeaux ». J’entends encore ce mot qui résonnait dans ma tête. Je regardais l’appareil sur mon ventre, puis l’écran; c’était bien l’intérieur de mon ventre qu’on voyait à l’écran. J’en avais bien deux en dedans.
Je me souviendrai toujours de ce matin de septembre 2009. Jour d’une échographie recommandée par mon médecin de famille. Elle avait suivi mes grossesses précédentes. Nous avions déjà deux belles grandes filles, sages comme des images, deux anges, avec qui nous n’avons eu aucun problème de discipline. Cette fois, mon médecin croyait important de discuter d’une amniocentèse avec un médecin spécialiste. C’est que je ne rajeunissais pas et, à 37 ans, les risques d’anomalies étaient plus élevés.
Malgré tout, je n’étais pas inquiète. Je suis d’un naturel calme et plutôt optimiste. J’étais tellement malade depuis le début de cette grossesse que je ne doutais pas de la santé du bébé. Au contraire. J’étais tellement grosse que j’ai parlé à mon médecin de la possibilité d’avoir des jumeaux. Elle a entendu le cœur. Puis, elle me l’a fait écouter. Il battait bien. Il battait seul. Elle a eu beau chercher, elle n’en entendait qu’un seul.
La fameuse échographie
Cette fois, contrairement aux deux grossesses précédentes, nous ne voulions pas connaître le sexe du bébé. La médecin spécialiste, une obstétricienne, nous a alors demandé de ne pas regarder l’écran le temps qu’elle place le fœtus en s’assurant de cacher son sexe.
C’était long. Comme si elle ne trouvait pas le bébé, comme si elle voyait quelque chose d’anormal. Puis, elle a retiré l’appareil, elle a éteint son moniteur de même que l’écran devant nous. Elle nous a regardés : « J’ai une nouvelle à vous apprendre. Ce n’est pas une mauvaise nouvelle, mais c’est une drôle de nouvelle. »
Une drôle de nouvelle. Je ne comprenais pas ce qu’elle voulait dire. Mais le grand écran s’est rapidement rallumé et ils sont apparus là, devant nous, plus grands que nature. Deux bébés. Un, deux. « Il n’y en a pas un, mais deux », a précisé l’obstétricienne. Sans l’ombre d’un doute, il y en avait bien deux. J’avais bien vu. Et les deux bougeaient très bien.
Nous sommes sortis de la salle d’échographie en pleurant tous les deux, nous attirant le regard des autres femmes enceintes et des secrétaires médicales. Puis, toujours sous le coup de l’émotion, nous sommes retournés chacun à notre travail, comme si nous vivions une journée normale, alors que nous avions le sentiment que toute notre vie venait de changer.
Des émotions difficiles à vivre
Mon conjoint et moi pensions la même chose. Un regard suffisait pour nous comprendre. Nous n’étions pas certains de vouloir un troisième enfant et maintenant nous attendions des jumeaux.
Nous étions déchirés entre le bonheur de devenir parents de jumeaux et l’anxiété de ne pas savoir ce qui nous attendait, de plonger dans une aventure que nous n’avions pas vraiment envie de vivre. Nous devions gérer des sentiments contradictoires et parfois même dérangeants.
Des émotions difficiles à vivre et qui génèrent une certaine honte. La honte de ne pas se réjouir davantage alors que des couples essaient sans succès d’avoir des enfants. La honte d’avoir envie de se réveiller, de souhaiter que tout cela ne soit qu’un rêve.
Un signe du destin?
Je pensais à ce fameux soir d’été; il faisait beau et chaud. Nous venions d’emménager dans notre nouvelle maison, plus belle et plus grande que la première. Nous étions bien, nous étions heureux. Nous avons parlé d’avoir un troisième enfant, des pour et des contre. Nous avons finalement convenu « d’un seul essai », convaincus que si nous devions en avoir un autre, la vie nous ferait un signe. Maintenant, le signe nous apparaissait assez clair.
Au bout de quelques semaines, nous avions fait le deuil d’une vie de famille tranquille et avions réussi à surmonter nos peurs. Nous étions encore loin de nous douter de ce qui nous attendait, de l’ampleur du défi que nous aurions à relever. Mais nous étions enfin contents et fiers d’avoir la chance de bâtir une belle grande famille.
5 novembre 2015