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Des enseignants du primaire ont réduit, ou même éliminé, les devoirs à la maison en raison de la pandémie. Qu’en pensent parents et experts?
14 octobre 2020 | Certains enseignants du primaire choisissent de diminuer la charge de devoirs et de leçons en raison de la pandémie. Cette stratégie ne fait pas l’unanimité ni chez les experts en éducation ni chez les enseignants ou les parents – seuls les enfants semblent tous bien d’accord!
« Avant je donnais des leçons, mais j’ai changé mon fonctionnement depuis le début de la pandémie, dit Annie, enseignante de 6e année dans une école de l’est de Montréal. Je trouve qu’il y a suffisamment de stress présentement dans les maisons et je considère que la période de devoirs et leçons est une source de stress, chez beaucoup de familles. »
Comme plusieurs de ses collègues, Annie a adapté sa méthode d’enseignement à la situation inédite dans laquelle l’année scolaire se déroule. « Pour les parents et les enfants qui sont intéressés, des exercices complémentaires sont proposés chaque semaine via une plateforme virtuelle. C’est optionnel », précise-t-elle.
Des devoirs plus légers…
Pour Sophie, enseignante de 2e année dans la région de Québec, des devoirs sont toujours prescrits, mais ils sont plus légers. « J’en donne pour réviser des mots de vocabulaire, des notions en mathématique, mais rien de trop prenant pour les enfants et les parents, dit-elle. Cela prend normalement 10 à 15 minutes, trois fois par semaine dont une période faite le week-end. »
Selon elle, il serait contre-productif de ne plus en donner du tout : elle constate que plusieurs de ses élèves ont accumulé un retard académique. « Le confinement et la fermeture des écoles ont fait mal à certains élèves dont ceux qui ont des difficultés ou des troubles d’apprentissage », laisse tomber cette enseignante dont l’école est située en milieu défavorisé.
… et même aucun devoir
Plusieurs parents constatent un changement dans le poids des devoirs et des leçons donnés. Au Centre de services scolaire des Patriotes, par exemple, certains établissements ont annoncé aux parents en début d’année qu’aucun devoir ne serait donné à la maison. Cette décision aurait été prise afin de « se concentrer sur les apprentissages à l’école » et de ne pas « surcharger les enfants », indique la maman de deux fillettes qui fréquentent l’une de ces écoles.
La même politique a été adoptée par une école du Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys. « Je n’étais pas super content, avoue Philippe, père de deux enfants en 1re et 2e année. La principale raison est le transport du matériel : la direction souhaite minimiser les allers-retours des cahiers et des livres entre la maison et l’école, à cause du risque de transmission du virus… Mais en vérité, à quel point le coronavirus peut-il se propager de cette façon? C’est flou. »
Qu’en pensent les experts?
Si la pandémie semble remettre à l’avant-plan la question de la pertinence des devoirs et des leçons, il n’en demeure pas moins que le sujet est controversé dans le milieu de l’éducation. « Ça ne date pas d’hier, dit Rollande Deslandes, professeure émérite à l’Université du Québec à Trois-Rivières et chercheure au Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire. Déjà en 1989, le livre The Battle over Homework* exposait la tension que les devoirs pouvaient générer entre les parents et leurs enfants, à l’heure du souper. »
Selon Rollande Deslandes, il n’y a pas consensus quant aux résultats d’études sur les bienfaits, au primaire, des devoirs sur la réussite scolaire. « Un enfant qui réussit bien va probablement aimer l’école, note-t-elle, et il va faire ses devoirs, il va même en demander. Et c’est l’inverse pour un enfant qui a plus de difficultés : il aurait peut-être besoin d’en faire, mais il haït ça! On peut alors se demander : les devoirs vont-ils plutôt l’aider dans son parcours, ou plutôt lui nuire? »
La présidente de l’Association québécoise des enseignantes et des enseignants du primaire, Julie Fontaine, se questionne aussi sur l’objectif des devoirs et des leçons. « Si l’élève n’a pas compris l’exercice en classe, il ne le comprendra pas plus seul à la maison, illustre-t-elle, et s’il a bien saisi, alors pourquoi lui demander de le refaire une fois sa journée complétée? »
Elle évoque l’état de fatigue dans lequel l’enfant, très stimulé, peut se retrouver à la fin de sa journée d’école : « C’est comme demander à un parent de rouvrir son ordinateur après le souper, après sa journée de travail… »
Par ailleurs, elle rappelle que les devoirs et les leçons, surtout à partir de la 5e année, peuvent aider l’enfant à apprendre à gérer son temps et son matériel, à s’organiser et à planifier. « Le plus important, c’est de lire le plus souvent possible, souligne-t-elle. Dans un monde idéal, l’enfant ferait de la lecture tous les soirs, seul ou avec un parent. »
C’est quoi, un bon devoir? -
Il est axé sur la qualité et non la quantité.
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Pour être de qualité, il doit être efficace et donc en lien avec l’apprentissage.
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Il doit être bien expliqué par l’enseignant.
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L’élève doit comprendre quel est l’objectif.
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Il doit susciter l’intérêt de l’enfant.
Source : Rollande Deslandes, professeure émérite à l’Université du Québec à Trois-Rivières et chercheure au Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire
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*NDLR Le livre, écrit par le psychologue Harris M. Cooper, n’a pas été traduit en français.
Maude Goyer – Naître et grandir
Photo : Gettyimages/Zolga_F