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Nous répétons, répétons et répétons, mais souvent nos enfants n’écoutent pas! Pourquoi? La réponse de la psychologue Isabelle Filliozat.
26 mai 2016 | « Ne lance pas tes jouets! », « Ne grimpe pas sur la table! », « Mets tes souliers! » Nous répétons, répétons et répétons encore et, malgré tout, nos enfants ne nous écoutent pas toujours. Mais pourquoi? La réponse d’Isabelle Filliozat, psychologue française et auteure de plusieurs livres sur la parentalité.
D’emblée, aucun tout-petit ne cherche à faire fâcher ses parents, à les défier ou à prendre le pouvoir sur eux, a-t-elle affirmé lors d’un récent atelier à Montréal, organisé par Projet famille en harmonie. En fait, les tout-petits veulent bien faire et ils veulent faire plaisir à papa et maman. Ils sont d’ailleurs heureux de respecter les demandes de leurs parents lorsqu’ils ont en main les ressources pour le faire. Le problème se trouve souvent dans la façon dont les demandes sont formulées, croit Isabelle Filliozat qui a expliqué pourquoi les ordres, les limites et les interdictions ne sont pas efficaces.
Des règles plutôt que des limites
Même si on répète de nombreuses fois « Ne dessine pas sur la table! » à un tout-petit, il est fort probable qu’il continuera à le faire. Devant cet interdit, l’enfant sait seulement ce qu’il ne doit pas faire, mais il n’a aucune idée de ce que ses parents attendent de lui.
En plus, l’interdiction attire l’attention de l’enfant sur ce qu’il ne doit pas faire. Comme son attention est portée sur l’action interdite, le tout-petit a tendance à la faire, surtout qu’en raison de son cerveau en développement il a de la difficulté à retenir ses impulsions et à bien traiter la négation, a expliqué Isabelle Filliozat. Ainsi, lorsqu’il entend « Ne dessine pas sur la table! », l’enfant comprend « dessine » et « table ». Il ne faut pas alors s’étonner que le tout-petit prenne son crayon, regarde son parent et… dessine sur la table! Il ne veut pas défier papa ou maman, mais c’est ce que comprend son cerveau.
Puisque les enfants adorent les règles mais pas les limites, la psychologue invite les parents à formuler leurs demandes sous forme de procédure, comme lorsque l’on explique les règles d’un jeu : dans la situation A, on fait B et, dans la situation C, on fait D. De cette façon, les parents offrent à leur enfant des ressources pour savoir comment agir dans différentes situations. Voici quelques exemples :
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« Dans le carré de sable, tu peux creuser avec ta pelle ou faire des pâtés. Sur le gazon, tu peux lancer ton ballon » au lieu de dire « Ne lance pas du sable! »
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« Quand tu n’es pas content, tu tapes du pied » au lieu de dire « Ne lance pas les jouets! »
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« Lorsque tu dessines, les crayons restent sur la feuille » au lieu de dire « Ne dessine pas sur la table! »
De cette façon, les parents génèrent l’image du comportement attendu dans la tête de leur enfant.
Le cerveau n’aime pas l’interdit
Isabelle Filliozat a aussi expliqué qu’en raison de son cerveau préfrontal, tout humain a besoin de liberté, de faire appel à son libre arbitre et de sentir qu’il a un pouvoir sur lui et sur son environnement. C’est pourquoi il est naturel qu’un humain, adulte ou enfant, se rebelle face à un interdit. Les contraintes sont d’ailleurs vécues comme un stress majeur par l’humain, surtout entre 18 mois et 3 ans et entre 13 ans et 16 ans, moments où se développe particulièrement le cerveau frontal.
Ainsi, elle suggère de reformuler les ordres et les « Il est interdit de… » pour réduire l’opposition de l’enfant et lui faire sentir qu’il jouit d’une certaine liberté et qu’il a un pouvoir sur sa vie. Ainsi, la consigne « Avant de se mettre à table, on se lave les mains » sera plus efficace que l’ordre « Va te laver les mains! » lancé avant chaque repas. Il est toutefois normal qu’un tout-petit oublie la consigne. Pour la lui rappeler, un seul mot suffit : « Mains! » Ce mot consigne ne doit toutefois pas être prononcé sur un ton impatient ou fâché, car il fait office de rappel et non d’ordre. Ainsi, l’enfant se sent libre. De même, le matin, mieux vaut remplacer le traditionnel « Habille-toi! Mets ton chandail, ton pantalon et tes bas! » par un simple « Chandail! » et, une fois qu’il est mis, « Pantalon! », « Bas! », etc.
Reformuler ses phrases sous forme de règles, de consignes et de rappels demande de l’énergie, reconnaît Isabelle Filliozat, mais c’est beaucoup plus efficace que de poser des limites. Et, comme elle l’a répété à quelques reprises durant l’atelier, « Ne me croyez pas sur parole, faites-en l’expérience! »
Marilyne Dubois – Équipe Naître et grandir
Photo : iStock.com/Viktor_Kitaykin