La parentalité positive expliquée

Tous les parents veulent le bien-être de leur enfant, mais tous n’ont pas le même style d’éducation. Parmi les différentes approches, plusieurs adoptent la parentalité positive, aussi appelée éducation bienveillante. Découvrez cette façon de voir la relation avec votre enfant.

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L'ABC d'une approche bienveillante

Chicanes, opposition, crises… Et si vous vous mettiez à la place de votre enfant pour comprendre ce qu’il vit et mieux gérer les situations difficiles? C’est ce que propose la parentalité positive.

Par Nathalie Vallerand

Chicanes, opposition, crises… Et si vous vous mettiez à la place de votre enfant pour comprendre ce qu’il vit et mieux gérer les situations difficiles? C’est ce que propose la parentalité positive.

Récemment, Livia, 5 ans, est entrée à la maternelle. Après quelques jours, elle s’est mise à pousser sa petite sœur de 4 ans, Doralie, au retour de l’école. « Je voyais bien que quelque chose n’allait pas, raconte Sandra, sa maman. En parlant avec Livia, j’ai compris que commencer l’école, prendre l’autobus, passer la journée dans un groupe, c’était beaucoup de changements pour elle. La solution pour se sentir mieux, c’est elle qui l’a trouvée : jouer seule dans sa chambre après l’école. »

Écouter et respecter les besoins de l’enfant : c’est beaucoup ça, la parentalité positive. « Avec cette approche, l’enfant apprend à avoir confiance en lui, à parler de ses émotions, à communiquer dans le respect et à reconnaître ce que les autres ressentent, indique la psychoéducatrice Marie-Hélène Chalifour. Il apprend aussi à être autonome et responsable de ses actes. »

La parentalité positive s’appuie sur les travaux de plusieurs chercheurs portant sur l’importance de l’empathie dans la communication. Elle repose aussi sur les dernières découvertes concernant le développement du cerveau. « Chez un jeune enfant, la région du cerveau qui permet de raisonner, de résoudre des problèmes et de résister aux impulsions, est encore en formation, indique Marie-Hélène Chalifour. C’est aussi le cas du système limbique, qui sert à contrôler les émotions. Des connexions restent encore à faire entre ses neurones. Cette immaturité du cerveau explique plusieurs comportements de l’enfant, et l’éducation bienveillante en tient compte. »

Guider son tout-petit

Avec l’éducation bienveillante, le parent cherche à guider son enfant au lieu de le contrôler ou de le dominer, explique Marie-Hélène Gagné, professeure titulaire à l’École de psychologie de l’Université Laval. « L’enfant est un peu comme une plante à cultiver ; et le parent, un jardinier qui l’aide à grandir le mieux possible », dit celle qui fait des recherches sur le programme de formation pour parents Triple P (pratiques parentales positives).

Selon la parentalité positive, un enfant qui se comporte mal cherche à exprimer un besoin.

Selon l’approche bienveillante, un besoin se cache derrière chaque comportement dérangeant d’un tout-petit. « L’enfant de 3 ans qui en tape un autre n’est pas méchant, donne en exemple Marie-Hélène Gagné. Il vit une frustration et il ne sait pas comment l’exprimer. C’est à l’adulte de lui apprendre à le faire correctement. » Il est ainsi conseillé de regarder les situations du point de vue de l’enfant afin de mieux le comprendre. Cela demande donc au parent de prendre un moment pour se questionner sur les comportements de son enfant.

Moins de rapports de force

Le parent qui adopte des pratiques parentales positives a toujours de l’autorité, mais il l’exerce avec douceur. « Quand il y a un problème, le parent implique son enfant dans la solution, dit Marie-Hélène Chalifour. Le parent veut le rendre responsable plutôt que de le faire obéir par la peur. »

Avec cette approche, les punitions ne sont pas utilisées, car elles feraient de la peine et pourraient humilier l’enfant au lieu de lui apprendre à bien agir. Quand l’enfant se comporte mal, le parent va préférer lui donner une conséquence logique ou l’encourager à poser un geste de réparation.

Certaines personnes accusent ce mode d’éducation d’être trop permissif. Marie-Hélène Gagné n’est pas d’accord. « Le parent bienveillant ne laisse pas son enfant faire n’importe quoi. Il y a des règles. Toutefois, au lieu de confronter son enfant, il lui demande de coopérer. »

Si la parentalité positive ne fait pas l’unanimité, les parents qui l’adoptent se montrent toutefois satisfaits. D’après une étude réalisée auprès de 295 parents ayant suivi la formation Triple P, cette approche les fait se sentir plus compétents. « Les parents disent aussi vivre moins de stress et observent une baisse des comportements difficiles chez leurs enfants », souligne Marie-Hélène Gagné.

Comme la parentalité positive favorise le développement d’un lien d’attachement sain entre le parent et l’enfant, elle a souvent pour effet de faciliter la coopération de l’enfant.

Le piège du parent parfait?

Mais attention, la parentalité positive n’est pas une méthode miracle! Avec cette approche, les crises et les conflits diminuent, mais il y en a encore. Ce n’est pas non plus la clé pour devenir le meilleur parent au monde. « Si on met la barre trop haut, on risque de se sentir incompétent et de culpabiliser », avertit la psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers.

Les parents doivent se donner le droit à l’erreur. C’est normal d’être parfois irritable, d’être tanné de toujours répéter ou de réagir fortement à un comportement de votre enfant. « Même si vous n’êtes pas toujours à 100 % dans la parentalité positive, ça ne fait pas de vous un mauvais parent. L’important, c’est de vous faire confiance et de faire de votre mieux. S’il vous arrive de crier après votre enfant, vous pouvez lui dire que vous n’auriez pas dû et que vous êtes désolé. Vous lui montrez ainsi à reconnaître ses erreurs et vous devenez un bon modèle », rassure la psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers. En mettant en pratique les notions de la parentalité positive, le parent chemine, tout comme son enfant, et il ressent plus de plaisir à être parent.

 

Comment s'y prendre?

Comment vivre la parentalité positive au quotidien avec votre enfant? Voici 7 stratégies efficaces.

Comment vivre la parentalité positive au quotidien avec votre enfant? Voici 7 stratégies efficaces.

1. Privilégier les consignes positives

« Ne cours pas, ne tape pas ton frère… » Ce type de phrases attire l’attention de l’enfant sur ce qu’il ne doit pas faire, ce qui ne l’aide pas à respecter la consigne. « Quand on lui dit de ne pas courir, son attention se porte sur le mot courir, ce qui pourrait l’encourager à courir », explique la psychoéducatrice Marie-Hélène Chalifour. En effet, un tout-petit peut avoir de la difficulté à se contrôler pour respecter un interdit, car le mécanisme censé l’empêcher de poser un geste interdit (inhibition) se développe très lentement dans le cerveau.

À l’inverse, les consignes positives dirigent l’attention de l’enfant vers le comportement souhaité. Elles sont donc plus faciles à respecter. C’est pour cette raison qu’il est préférable de privilégier les consignes positives. Par exemple, au lieu de dire : « Ne saute pas sur le sofa », dites-lui : « Sur un sofa, on s’assoit. »

Une autre bonne idée : vous concentrer sur ce qui est vraiment important. Quand il y a trop de règles, l’enfant en oublie. C’est ce que fait Sonia, maman de trois enfants. « J’ai affiché une pancarte avec les cinq règles de la maison : je partage, je parle calmement, je range, je mange assis, je respecte les autres et les choses. Chacune est représentée par une image. Pour en rappeler une, je leur montre l’image. »

2. Le faire réfléchir

Pour responsabiliser votre enfant et diminuer son opposition, vous pouvez lui poser une question au lieu de lui donner un ordre. C’est un truc qu’utilise Sandra, maman de deux fillettes. « Quand elles oublient d’apporter leur assiette sur le comptoir après le souper, je leur demande : “Qu’est-ce qu’on fait après le repas?” Elles sont contentes de donner la réponse… et de le faire. » Lorsque votre enfant réfléchit, il se sent grand et responsable. Il coopère plus.

Un autre truc est de laisser votre enfant décider de petites choses pour satisfaire son besoin d’autonomie et d’affirmation. « À l’heure du bain, vous pouvez, par exemple, lui offrir de se rendre à la salle de bain dans vos bras ou en sautant comme une grenouille », suggère Marie-Hélène Chalifour.

3. Reconnaître ses émotions

Lorsqu’un enfant vit une émotion difficile, il est tentant de dire : « Arrête de pleurer », « Ce n’est pas grave », « Calme-toi »… C’est ce que faisait Sonia avant. « Maintenant, j’essaie de ne pas nier les émotions de mes enfants. L’autre jour, ma fille était triste après une chicane avec une amie pour des crayons. Au lieu de dire que ce n’était pas grave, j’ai dit : “C’est vrai que c’est plate de se faire enlever ses choses. Je te comprends.” Elle n’en a plus reparlé. » Reconnaître l’émotion de l’enfant le réconforte, car il se sent compris.

Faire preuve d’empathie envers votre enfant au lieu de dire simplement « non » peut aussi limiter les frustrations. Lui dire, par exemple : « Je sais que tu aimerais avoir un biscuit, mais c’est bientôt l’heure du souper. Tu en auras un pour le dessert. »

4. Éviter les étiquettes

« C’est long t’habiller, tu es lent! » C’est normal que certains comportements de votre enfant vous énervent, mais il est important de ne pas le rabaisser. En plus de lui faire de la peine et de nuire à son estime de soi, cela peut renforcer un mauvais comportement. L’enfant qui se fait traiter de « tannant » en vient à croire qu’il l’est vraiment et il va agir comme tel.

Si votre enfant fait un dégât, il est préférable de décrire la situation sans le juger ni l’accuser. « S’il renverse son verre de lait, par exemple, vous pouvez dire : « Oups, il y a du lait par terre. Qu’est-ce qu’il faut faire quand ça arrive? », conseille Marie-Hélène Chalifour. Vous pouvez ensuite lui demander de nettoyer avec vous.

5. Préférer la réparation à la punition

Si votre enfant fait une bêtise, l’idéal, c’est de lui permettre de la réparer. Contrairement à la punition, la réparation lui montre les comportements acceptables. Corriger son erreur l’aide aussi à se sentir mieux. « Lorsqu’une de mes filles fait de la peine à l’autre, je lui demande de s’excuser auprès d’elle avec un dessin ou en lui rendant service », raconte Sandra.

Les conséquences naturelles ou logiques sont une autre façon de responsabiliser l’enfant. Un exemple de conséquence naturelle : si votre enfant refuse de mettre ses mitaines, vous le laissez avoir un peu froid aux mains. Pour la conséquence logique, c’est le parent qui l’applique. Par exemple, votre enfant lance son jouet? Vous lui enlevez.

6. Encourager les bons comportements

Mettre votre énergie à renforcer les bons comportements de votre enfant au lieu de gérer ses comportements dérangeants peut aussi être efficace. Il est bon de le féliciter en décrivant ce qu’il fait de bien. Dire : « Tu as mis ton pyjama tout seul. Bravo! » Plus vous accordez de l’attention positive à votre tout-petit, moins il a de comportements dérangeants. C’est ce qu’observe Marie-Hélène Gagné, professeure titulaire à l’École de psychologie de l’Université Laval.

7. Éviter de lui prêter des intentions

Au magasin, votre enfant de 2 ans montre du doigt un toutou et vous pensez qu’il le veut. Et s’il voulait simplement vous dire qu’il reconnaît cet objet? « Si vous lui dites “non”, il va insister, se mettre à pleurer devant tant d’incompréhension », écrit la psychologue Isabelle Filliozat dans son livre J’ai tout essayé. Vous aurez plus de chances d’éviter la crise en disant : « Oui, c’est un toutou. Tu aimes les toutous. » Même conseil avec un enfant de 3 ans qui veut toujours tout. À cet âge, le verbe « vouloir » veut dire plein d’autres choses. Par exemple, « Je veux de la crème glacée » peut vouloir dire que votre enfant voit de la crème glacée, qu’il aime ça ou qu’il se rappelle en avoir mangé hier.

S’il vous arrive aussi de penser que votre enfant fait exprès de faire certaines choses pour vous pousser à bout, sachez que votre tout-petit n’a pas la capacité de vous manipuler. « Il ne vous cherche pas, assure Marie-Hélène Chalifour. S’il vous dérange, c’est que quelque chose ne va pas. » Il est bon d’essayer de trouver ce que c’est : A-t-il faim, soif, chaud? Est-il fatigué ou a-t-il besoin de bouger?

Parfois, un enfant agit mal parce qu’il manque d’attention positive. La psychoéducatrice conseille ainsi de passer chaque jour un bon moment à jouer avec votre enfant, le coller ou lui dire des mots affectueux.

Je vais exploser!
Il peut parfois arriver que vous vous sentiez à bout. Mais vous mettre en colère contre votre enfant n’est pas la solution. Cela lui fera peur en plus de lui donner un mauvais exemple. « Prendre trois grandes respirations avant d’intervenir peut vous calmer, dit la psychoéducatrice Marie-Hélène Chalifour. Au lieu de vous dire que vous n’en pouvez plus, pensez à un moment positif avec votre enfant. » Vous rappeler que votre enfant ne fait pas exprès pour vous fâcher et que son cerveau est encore en formation peut aussi vous aider à rester calme dans les situations difficiles.
Prenez aussi le temps de réfléchir à ce que réveille en vous le comportement de votre enfant. Posez-vous des questions. Par exemple : « Ai-je des attentes irréalistes envers moi-même ou envers mon enfant? Une situation me rappelle-t-elle quelque chose que j’ai vécu dans le passé ou une peur qui m’habite? » Répondre à ces questions pourrait vous aider à adopter une approche plus bienveillante.

 

À retenir
  • La parentalité positive invite le parent à se mettre à la place de l’enfant pour mieux le comprendre.
  • Cette approche amène le parent à éduquer son tout-petit en le guidant plutôt qu’en le contrôlant.
  • Les pratiques parentales positives encouragent la réparation et la collaboration plutôt que la punition.

 

Naître et grandir

Source : magazine Naître et grandir, mars 2018
Recherche et rédaction : Nathalie Vallerand
Révision scientifique : Annie Goulet, psychologue

Mise à jour : Août 2023

 

Ressources

Sites sur les pratiques parentales positives

Livres

  • Découvrir la parentalité positive : pour être parent du coeur, M. Miller, Éditions du Trécarré, 2019, 216 p.
  • Développer l’estime de soi de son enfant; les fruits d’une éducation bienveillante, P. Krantz Lindgren, Éditions Eyrolles, 2017, 192 p.
  • Effets positifs du programme Triple P - Pratiques Parentales Positives chez les familles québécoises, M.-H. Gagné et C. Bacque-Dion, Collection Phare, 2018. jefar.ulaval.ca/triple-p
  • J’ai tout essayé!, I. Filliozat, Éditions Marabout, 2013, 252 p.
  • Le bonheur d’être un parent imparfait, S. Deslauriers, Guy Saint-Jean Éditeur, 2017, 192 p.
  • Les 101 règles d’or de l’éducation bienveillante, G.-M. Valet, Éditions Larousse, 2016, 208 p.
  • Les ateliers Filliozat: comprendre et éduquer son enfant: les outils concrets de la parentalité positive pour transformer votre quotidien, I. Filliozat, Éditions Marabout, 2022, 269 p.

 

Photos : gettyimages/Tatyana Tomsickova, gettyimages/Steve Debenport