Pas facile d’arriver à gérer le quotidien avec des enfants! L’un de vous a-t-il tendance à en faire plus que l’autre? Voyez pourquoi il est important de trouver un équilibre dans le partage des tâches et de la charge mentale. Des parents témoignent et des spécialistes offrent leurs conseils.Il y a longtemps qu’on s’intéresse au partage des tâches dans les couples. Le concept de la charge mentale est plus récent et a été popularisé il y a une quelques années. Cette charge est souvent plus difficile à partager que les tâches quotidiennes. Voici la réalité de deux familles.
Chloé et Dominique, parents de Willy, 20 mois, et de Nora, 3 ½ ans, ne sont pas trop de deux pour accomplir toutes leurs tâches. « On travaille à temps plein selon un horaire semblable, de 8 h à 16 h 30, alors on essaie de bien se partager les responsabilités », dit Chloé.
Le matin, les parents habillent chacun un enfant. Maman les amène à la garderie et papa va les chercher en fin de journée. « Au retour, Chloé s’occupe des enfants pendant que je prépare le souper, explique Dominique. Elle fait ensuite le lavage et la vaisselle pendant que je donne les bains. » La fin de semaine, les parents essaient de faire quelques tâches avec les enfants, comme ramasser les feuilles sur le terrain. Ils ont un grand calendrier sur leur frigo pour inscrire les rendez-vous, les fêtes et les activités. Cet outil les aide à partager la charge mentale puisqu’ils peuvent voir ce qui s’en vient et planifier ensemble qui fait quoi.
Comme la charge mentale est difficile à voir et à mesurer, elle n’est pas facile à diviser.
L’organisation familiale de Vanessa et Guillaume, parents de Mila, 3 ans, et de Livia, 7 ans, est plus compliquée. La maman a deux emplois qui l’occupent 45 heures par semaine et son conjoint travaille en alternance de jour et de nuit. La liste de leurs tâches comprend des suivis médicaux réguliers pour leur fille aînée, une grande prématurée aux besoins particuliers.
Il y a un an, le couple a réalisé qu’il devait revoir son partage des tâches et de la charge mentale. « En plus des rendez-vous de Livia, du ménage et du lavage, je m’occupais des réparations et de l’entretien du terrain parce que je suis manuelle, raconte Vanessa. Je gérais aussi nos comptes, je faisais beaucoup de transport pour les filles et je planifiais les gardiennes quand nos horaires atypiques le demandaient. C’était trop! » Son conjoint qui avait la responsabilité de planifier et de préparer les repas jugeait leur répartition égale. « Il ne voyait pas la charge mentale qui pesait sur mes épaules », dit la maman.
Le poids de la charge mentale
La charge mentale réfère à la gestion des activités essentielles à la vie d’une famille. C’est la prise en charge de tâches et de responsabilités qui n’ont pas forcément de lien entre elles, mais dont il faut s’occuper en même temps. Par exemple, penser à qui peut garder les enfants un soir, prévoir le souper pour ce soir-là, s’assurer qu’on a les ingrédients tout en n’oubliant pas de confirmer un rendez-vous chez le dentiste qui a lieu plus tard dans la semaine.
Ces activités qui se passent dans la tête sont invisibles. « C’est ce qui rend la charge mentale complexe », soutient Isabelle Courcy, professeure adjointe au Département de sociologie de l’Université de Montréal. Quand le lavage est fait, ça se voit. Mais planifier des rendez-vous médicaux, ça ne se voit pas. Il faut considérer la charge mentale comme un travail qui fait appel à plusieurs compétences, comme la gestion, la planification, l’organisation et la mémorisation », ajoute la sociologue qui a dirigé un rapport sur la charge mentale et ses effets sur la santé et le bien-être des femmes.

Ce travail peut devenir très lourd, surtout s’il n’est pas partagé. La charge mentale de Vanessa, par exemple, a mené son couple au bord de la séparation. « On a pris une pause de 4 mois avec une garde partagée, confie la maman. Cela a amené Guillaume à s’organiser certains jours pour s’occuper des filles, aller aux rendez-vous avec Livia et trouver une gardienne quand il travaillait en temps supplémentaire. Son premier matin avec les filles, il m’a écrit pour me dire : “Wow, je ne sais pas comment tu faisais pour arriver à l’heure! »
Les signes d’une surcharge mentale
Un mauvais partage de la charge mentale est associé à plus d’insatisfaction dans le couple et peut mener à des séparations. Une charge mentale trop importante génère aussi de la fatigue, des difficultés de sommeil et du stress. Cela peut également entraîner des symptômes d’anxiété et de dépression.
La psychologue Lory Zephyr constate qu’une charge mentale trop lourde peut parfois nuire au sentiment de compétence parentale. « Une maman qui porte une plus grande part de la charge mentale, peut être très épuisée, donne-t-elle en exemple. Cela peut l’amener à échapper certaines choses comme parent, à se sentir coupable d’avoir moins bien fait certaines choses et à se dévaloriser. »
Parmi les signes de surcharge à surveiller, la psychologue mentionne une sensation d’épuisement en continu, de l’irritabilité et une perte de plaisir pour des activités qu’on aimait. « Le bain des filles, qui était habituellement un moment de plaisir, était devenu une corvée, avoue Vanessa. C’est là que j’ai réalisé qu’il fallait revoir les choses. »
La charge émotionnelle
« Il y a une charge que je ne peux pas m’enlever et que je ne sais pas nommer. C’est lié au bien-être de mes enfants, confie Vanessa. Par exemple, si j’ai laissé ma grande à l’école et qu’elle pleurait, je vais avoir en tête une inquiétude toute la journée. » Cette charge a bel et bien un nom : il s’agit de la charge émotionnelle et elle fait partie de la charge mentale. « Elle survient, par exemple, lorsqu’un parent est confronté à la déception, à la tristesse ou à la colère de son enfant, explique Lory Zephyr. Des préoccupations peuvent alors accompagner le parent toute la journée parce qu’il se demande quoi faire pour aider son enfant. » Cette charge est difficile à partager. « Parler de ses préoccupations peut toutefois apporter un soulagement pour sentir qu’on n’est pas la seule personne à s’en faire », estime Isabelle Courcy.