Du gribouillage au bonhomme, les dessins de votre enfant changent en même temps qu’il grandit.
Par Nathalie Vallerand
Du gribouillage au bonhomme, les dessins de votre enfant changent en même temps qu’il grandit.
Dessiner est un geste naturel chez tous les enfants. La première fois survient par hasard. « Le bébé met ses doigts dans sa purée et constate que cela lui permet de faire des traces, décrit Denise Berthiaume, auteure du livre Les arts plastiques en milieu éducatif et ex-enseignante en techniques d’éducation à l’enfance. Il réalise que l’action de sa main a un effet et il aime ça, donc il recommence. »
La petite Lili, 14 mois, a commencé à faire de la peinture vers 9 mois. « Au début, sa grand-maman ou moi mettions ses doigts dans la gouache et guidions sa main, dit sa maman, Cloée, qui a plastifié la première “oeuvre” de sa fille et l’a affichée sur le réfrigérateur. Maintenant, elle fait elle-même de beaux gribouillages. »
Un enfant peut commencer à tenir un crayon vers 10 mois. Bien sûr, il a du mal à le garder dans sa main, il le tient parfois à l’envers, l’échappe, le porte à sa bouche et s’amuse à le faire tomber par terre. Il réussit d’abord à faire des traces sur le papier, sans plus. Puis, il fait des mouvements d’aller-retour. « Les premiers gribouillis de votre enfant sont incontrôlés, mais il améliore peu à peu sa coordination oeil-main et maîtrise mieux ses mouvements à force de dessiner », explique Dominique Carreau, chargée de cours à l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal et spécialiste en arts plastiques à la petite enfance.
Ainsi, vers 18 mois, l’enfant gribouille en faisant des traits circulaires continus qui se recoupent (comme une spirale). Et puis un jour, entre 2 ans et 3 ans, il trace sa première forme fermée, un cercle tout croche. Même s’il y arrive un peu par hasard au début, votre enfant apprend vite qu’il doit lever son crayon quand le trait se referme pour former un cercle. Il répétera ce geste, encore et encore, comme Étienne, 2 ans, qui ne se lasse pas de faire des ronds. « Il dessine des ronds en disant “nez, yeux, bouche”, raconte Élisabeth, sa maman. Et récemment, il a commencé à mettre beaucoup de couleurs dans ses dessins. »
Votre enfant associe ensuite des lignes et des cercles. « L’adulte pense souvent que c’est un soleil, dit Dominique Carreau. Mais l’enfant a peut-être dessiné un chat ou un tracteur. Il peut aussi changer d’idée d’une minute à l’autre. Lorsqu’on lui dit que c’est un soleil, on limite son imaginaire. Il vaut mieux décrire ce qu’on observe ou lui demander ce qu’il a dessiné en évitant de le contredire. » En fait, vers 2 ans à 3 ans, l’enfant sait que son dessin peut représenter quelque chose, mais il lui donne souvent un sens une fois qu’il l’a terminé!
« Regarde mon bonhomme »
C’est entre 3 ans et 4 ans qu’un enfant décide du sujet du dessin avant de le faire, et non après. Cependant, il est encore difficile pour vous de reconnaître de quoi il s’agit. C’est aussi pendant cette période qu’il commence à dessiner des bonshommes. Ceux-ci vont évoluer avec le temps, comme en témoigne William, le papa de Claire, 4 ans. « Il y a un gros changement entre les bonshommes qu’elle dessinait à 3 ans et ceux d’aujourd’hui qui sont plus détaillés. Ils ont maintenant un cou, des doigts, un nombril, des cheveux frisés. »
Les premiers bonshommes sont souvent constitués d’un rond pour la tête et de deux lignes rattachées à la tête pour les jambes. Deux autres lignes s’ajoutent ensuite : elles partent du côté de la tête pour représenter les bras. Les yeux, le nez, la bouche, les cheveux et d’autres éléments apparaissent au fur et à mesure. Plus tard, l’enfant ajoutera un cercle ou un carré sous la tête pour représenter la partie centrale du corps.
Même si les bonshommes qu’il dessine ont habituellement tous leurs membres, votre enfant peut parfois en oublier certains. C’est normal. « Il dessine ce qui est important, explique la spécialiste en arts plastiques Dominique Carreau. Si son bonhomme court, il n’a pas besoin de bras. »
Autre fait intéressant à savoir : de façon naturelle, l’enfant ne va pas dessiner de bonhomme allumette, dit Dominique Carreau. Quand il le fait, c’est qu’il essaye d’imiter un dessin qu’il a vu faire par un adulte. Il est donc préférable de le laisser complètement libre dans la façon dont il choisit de dessiner une personne. Si on laisse l’enfant faire, ses dessins sont beaucoup plus expressifs, car ils représentent son univers imaginaire et symbolique, ajoute la spécialiste en arts plastiques.
Entre 4 ans et 5 ans, les personnages et les objets que trace l’enfant flottent dans l’espace. Ils sont côté à côte, mais ne sont pas forcément reliés entre eux par un thème ou posés sur une surface. Entre 5 ans et 6 ans, les éléments commencent à composer un ensemble. Par exemple : l’enfant dessine un paysage derrière ses personnages ou décide de raconter une histoire en organisant les divers éléments qui se trouvent sur son dessin. Les dimensions de la tête ou des membres peuvent encore être anormales et les couleurs n’ont pas toujours de lien avec la réalité. L’enfant représente ce qu’il connaît des objets, et non ce qu’il voit. Mais il est de plus en plus habile et ses dessins deviennent plus réalistes avec le temps.
Mon enfant ne veut pas dessiner |
Faut-il insister? Le mieux, c’est de rendre cette activité encore plus intéressante pour lui. Par exemple, vous pourriez coller de grandes feuilles sur le sol, en dessous de la table de la cuisine ou dehors. Une autre idée : dessiner à la craie, sur le trottoir. Votre enfant pourrait aussi dessiner à la lumière d’une lampe de poche ou dans une cachette. « Une autre idée est de lui proposer de faire le dessin “le plus laid du monde”. Ça fonctionne bien avec les enfants qui ne veulent pas dessiner parce qu’ils ne se trouvent pas bons », dit Dominique Carreau. Il se peut aussi que votre enfant trouve que vos dessins sont plus beaux que les siens et que ça le décourage. Dans ce cas, il vaut mieux le laisser dessiner seul. |
Des habiletés pour mieux apprendre
Le dessin permet à votre enfant de développer des habiletés qui l’aideront à mieux apprendre à l’école. « Par exemple, il utilise des habiletés d’observation et de représentation mentale qui lui permettent de se faire des images dans sa tête, indique Natasha Rouleau, ergothérapeute et chargée d’enseignement clinique à l’Université de Montréal. Ça lui sera utile plus tard pour résoudre des problèmes en mathématiques et en géométrie, ainsi que pour comprendre des textes. »
Pour organiser les différents éléments de son dessin, il doit aussi visualiser les objets dans l’espace (perception spatiale). Cette habileté l’aide à comprendre les caractéristiques des personnes et des objets, comme leur forme, leur volume et leur position dans l’environnement. Cela aidera, encore une fois, pour l’apprentissage des mathématiques et de la géométrie.
Le dessin développe des habiletés qui aideront votre enfant plus tard, dans ses apprentissages à l’école.
En dessinant, votre tout-petit s’habitue aussi à tenir un crayon, à diriger et à contrôler sa main. Il développe ainsi sa motricité fine. « Cela l’aidera quand il commencera à apprendre à écrire », dit Natasha Rouleau. Mais il y a plus. « Les recherches démontrent que les habiletés en motricité fine sont un facteur de réussite scolaire, non seulement en écriture, mais aussi dans les autres matières », ajoute-t-elle. Il semble en effet que les tâches complexes qui demandent une bonne motricité fine activent les zones du cerveau associées aux apprentissages.
Ce lien avec la réussite scolaire concerne surtout la motricité fine acquise avec des outils tels que des crayons, des craies, des pastels, des pinceaux, etc. « Plus l’enfant cherche à être précis quand il dessine, par exemple en ajoutant des détails à ses dessins, plus il améliore sa motricité fine », explique l’ergothérapeute.
C’est pourquoi elle trouve que les cahiers à colorier peuvent être utilisés à l’occasion. « Quand l’enfant essaie de colorier sans dépasser, il exerce sa précision. Il serait donc dommage de ne pas lui faire faire de coloriage sous prétexte que ce n’est pas bon pour la créativité », ajoute Natasha Rouleau. Plusieurs spécialistes, en effet, sont contre les dessins à colorier. Dominique Carreau est du nombre. « Le coloriage ne permet pas à l’enfant de faire appel à son imaginaire comme c’est le cas avec le dessin libre. De plus, cela peut lui donner l’impression que les dessins qu’il doit colorier sont plus beaux que les siens. »
Plusieurs experts préfèrent ainsi les dessins à compléter aux simples coloriages. L’enfant doit alors ajouter ses propres dessins sur une page sur laquelle figure déjà un dessin. Comme ce dessin n’occupe qu’une partie de l’espace (ex. : une mare ou un arbre), il peut alors le compléter avec les dessins de son choix : grenouilles, fleurs, oiseaux, personnages...
Enfin, il y a d’autres façons d’apprendre à votre enfant à manier le crayon avec précision que de lui donner des cahiers à colorier. L’ergothérapeute Natasha Rouleau suggère de tracer une série de petits points, de dessiner plein de ronds et les colorier, de colorier de petites surfaces (ex. : yeux ou taches d’un animal, mandalas)… Et n’oubliez pas d’adapter vos attentes à l’âge de votre enfant. Avant l’âge de 4 ans, il est rare que les dessins ou les coloriages d’un enfant soient précis.