TDAH: remettre en question ses croyances

TDAH: remettre en question ses croyances
Par Dr Nicolas Chevrier, Psychologue
Après une évaluation complète, le diagnostic tombe. Je suis donc confronté à un choix que je dois faire pour mon fils.

Ça commence souvent à la maternelle. On nous convoque pour discuter du comportement de notre enfant. Dans notre cas, il y a eu un événement hors de l’ordinaire. Je m’en souviens comme si c’était hier. Un élève de 6e année intimide Toshiro, qui est alors en 3e. Akira, 5 ans, est témoin de la scène. Il court vers le 6e et, du haut de ses trois pommes, saute sur lui, le prend par le cou et lui crie au visage :

- Si tu touches à mon frère, je te casse la gueule!

C’est le dernier épisode d’une série qui dure depuis le début de la maternelle. Sa mère et moi sommes convoqués à la direction. « Vous savez, nous dit la directrice, si ça continue Akira pourrait avoir à refaire sa maternelle l’an prochain! » Ma conjointe me regarde longuement et je sais ce qu’elle pense. Elle veut que j’accepte finalement de faire évaluer notre fils. Akira est envoyé chez une collègue neuropsychologue pour une évaluation complète.

Quelques mois plus tard, voici le diagnostic : trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Et selon la neuropsychologue, ce n’est pas un cas léger. Quelles sont nos options?

Mon dilemme : choisir ou non la médication?

Eh bien, il y a d’abord la médication et ensuite la psychothérapie. Et c’est là que la réalité me frappe. La médication? Je suis moi-même reconnu pour mes prises de position professionnelles contre l’utilisation systématique de la médication en psychothérapie. Les recherches sont claires, les traitements de psychothérapie sont aussi efficaces que les médicaments pour traiter les troubles anxieux ou dépressifs. De plus, la psychothérapie permet des effets à moyen et à long terme, effets absents dans ce type de médication.

Aussi, dans ma pratique, le recours à la médication, c’est seulement quand la psychothérapie ne fonctionne pas et, bien sûr, c’est le médecin qui doit alors prescrire. Je suis donc confronté à un choix que je dois faire pour mon fils.

On m’explique que les médicaments ne sont pas utilisés pour « guérir » le problème, mais bien pour en atténuer ses effets. La médication permet à l’enfant de mieux contrôler les déficits causés par le TDAH. Grâce à elle, l’enfant contrôle mieux son impulsivité. Aussi, il ne vit plus d’épisode douloureux après avoir demandé à un ami pourquoi il a les oreilles décollées ou après avoir pincé les fesses de la professeure pour « savoir ce qu’elle dirait ».

Cela lui permet également de se concentrer, de rester en place durant les explications du professeur, ce qui l’aide grandement à apprendre. Il est aussi plus facile pour lui de ne pas rester pris dans des pensées qui l’empêchent de bien raisonner. Ainsi, finie la chanson en boucle qui pollue son esprit et son jugement.

Remettre en question mes croyances

Mon premier réflexe est de refuser la médication. Je constate toutefois que l’utilisation de la médication pour le TDAH est d’un autre ordre que celle qu’on en fait en psychothérapie. À la lumière des informations qu’on me donne, je réalise que je dois assouplir ma croyance. Après tout, on parle du bien-être de mon garçon. Je décide donc d’accepter de faire l’essai de la médication pour quelques semaines.

En gros, la médication pour lui c’est comme avoir des lunettes. Les lunettes ne « guérissent » pas la mauvaise vue, mais elle permet de se déplacer comme les autres, de lire, d’apprendre et de communiquer. C’est ce que j’ai constaté avec la médication. Elle permet à Akira de faciliter ses apprentissages, de se faire des amis, de fonctionner dans un groupe et surtout d’avoir une bonne estime de soi à un moment de sa vie où c’est crucial pour le développement de sa personnalité.

Quand je vois les progrès des quatre dernières années, je suis content d’avoir été capable de remettre ma croyance en doute. De doubleur de maternelle, Akira est passé à premier de classe. Non seulement il est plus attentif en classe, mais il a su développer des liens forts avec son entourage sans avoir recours à des pitreries continuelles. Il se démarque dans son équipe de sport grâce à sa détermination et aux efforts qu’il met. Il peut se valoriser en public grâce à sa vivacité d’esprit et ses remarques pleines de bon sens.

Mais nous aussi avons grandi grâce à cette épreuve. Je suis aussi fier d’avoir su mettre mon ego de père de côté et d’avoir pris la meilleure décision pour le bien-être de mon fils. Un fils dont je suis aujourd’hui si fier.

 

24 janvier 2017

Naître et grandir

Photo: GettyImages/GCShutter

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