J’étais enceinte de quelques semaines. C’était rassurant et chaleureux de voir toutes ces cartes de remerciements et ces photos de bébés collées sur le mur entre le stéthoscope et le thermomètre. Comme, à l’époque, je n’y connaissais encore rien en bébé, c’était le genre de signes extérieurs qui me sécurisaient. Quand j’ai aperçu de surcroît l’air amical de cette femme qui allait m’aider à devenir une maman, j’ai senti d’emblée que je pouvais lui confier mes peurs. Au lieu de dire simplement « Bonjour! », j’ai donc lancé du haut de mes 26 ans :
- Docteure, je vous préviens, je refuse d’allaiter! N’essayez pas de me convaincre. C’est une zone réservée. Aucun bébé ne se suspendra à mon sein. Juste d’y penser j’ai la trouille. Trouille d’avoir mal, d’attraper des mastites, de crevasser et de finir à 30 ans avec des seins déformés qui pendouillent!
Visiblement surprise et amusée par mon discours enflammé, elle m’a regardée droit dans les yeux et, en souriant, m’a répondu calmement :
- Je comprends ton point de vue, mais si tu fais attention, il y a peu de chance que cela t’arrive. Par contre, il y a tellement d’éléments nutritifs dans ton lait et d’anticorps que ce serait dommage de ne pas en faire profiter ton bébé. Imagine un instant la chair de ta chair collée contre ta peau qui se nourrit sainement grâce à toi.
Évidemment, son bla-bla éducatif m’a légèrement fait craquer pour cause de culpabilité. L’espace d’une seconde, j’ai donc essayé de me visualiser avec mon bébé, mais tout ce que j’ai réussi à distinguer, c’est une silhouette un peu floue. Lorsque l’image est devenue claire, ce n’est pas moi que j’ai vue assise sur une chaise berçante au milieu d’une chambre remplie de moutons roses, mais plutôt un bébé accroupi dans une étable en train de tirer les pies d’une grosse vache!
- Que se passe-t-il Catherine? Tu es si pâle tout à coup. Ça ne va pas?
- Vous savez, ma mère m’a nourrie au biberon et je n’en suis pas morte! En plus, j’ai une amie qui a eu un mal fou à donner le sein, alors pas question de m’énerver à cause d’une bouche molle incapable de téter correctement; et puis, hier, j’ai lu dans un magazine que...
- Tu sais, personne ne t’oblige à allaiter, mais essaie au moins. N’écoute pas les histoires des autres. Chaque chemin est différent. C’est entre toi et ton bébé que ça va se passer. Donne-toi au moins une chance de le vivre!
C’est ce que j’ai fait... et trois fois plutôt qu’une! J’ai eu un plaisir fou à allaiter mes enfants, mais si cela n’avait pas été le cas, j’aurais arrêté sans hésitation. J’ai grandi au biberon et mes enfants au lait maternel, mais eux comme moi avons poussé dans les bras d’une maman heureuse et épanouie.
À mon avis, c’est le seul ingrédient qui fait vraiment grandir les enfants!
1 juillet 2009