Maman, tu vas avoir une croix!

Maman, tu vas avoir une croix!

J’ai 3 croix. Ça va mal. Très très mal. J’ai peur.

Mes deux plus jeunes ont chacun un carnet dans lequel ils font des croix quand ils ne sont pas contents. Papa, maman, leur grande soeur et son petit copain, tout le monde a sa page. Maman a crié? Une croix! Papa n’a pas été zentil? Une croix! Ça rigole pas chez nous. Heureusement, il y a aussi des sourires et des coeurs pour compenser. Pour l’instant, le roi des sourires, c’est le petit copain. Zéro croix. Un vrai champion.

C’est ma petite dernière qui a lancé le bal un soir que j’étais énervée parce que je lui demandais pour la énième fois de ramasser ses jouets et ses vêtements qui traînaient dans sa chambre, le salon, la salle de bain, l’entrée... bref partout! Alors, j’ai crié pour me soulager. Sauf que je n’ai plus le droit de le faire. C’est ma promesse aux enfants. J’ai opté pour une méthode beaucoup plus efficace et beaucoup moins stressante : les croix. Quand ils ne m’écoutent pas, je fais une croix sur une feuille. Au bout de 3, il y a une conséquence. On se rend rarement jusque-là parce que ce sont des croix effaçables. Si leur comportement s’améliore ou s’ils font quelque chose de chouette, comme s’entraider, alors on gomme une croix. Ça crée un équilibre plus positif selon moi. Résultat, tout le monde obéit dans le calme. Sauf quand j’ai des rechutes, comme ce soir-là.

Une fois l’orage retombé, ma petite est arrivée dans ma chambre accompagnée de son garde du corps (sa grande soeur). On n’est jamais trop prudent. Les yeux encore pleins d’eau, elle m’a tendu une page barbouillée de croix et comme tous ses mots étaient coincés dans sa gorge, c’est le garde du corps qui m’a expliqué la nouvelle procédure. J’ai serré ma petite dans mes bras et me suis excusée d’avoir crié. Faute avouée aussitôt pardonnée. Elle est repartie en me promettant de ranger sa chambre.

Depuis, je m’en sors assez bien. Jusqu’à hier soir.

J’ai jeté la maison de pain d’épices qui trônait dans la cuisine depuis 2 mois. Avant de le faire, j’ai prévenu les enfants de manger ce qu’ils voulaient. En la voyant plus tard, dépouillée de ses sucreries, j’ai pensé qu’ils avaient pris tout ce qu’ils avaient à prendre et je l’ai balancée à la poubelle pendant qu’ils regardaient la télévision. Quand ma fille l’a découverte 30 minutes plus tard au milieu des épluchures de carottes, ça a été le drame le plus dramatique de l’histoire de notre famille. Et quand, 1 heure plus tard, je les ai privés d’histoire sans passer par la case croix, parce qu’une fois de plus ils ne m’écoutaient pas, ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Au coucher, ma fille m’a expliqué d’un air très sérieux qu’elle avait passé une très mauvaise journée et que pour la peine, elle m’avait mis 3 croix vu que c’était un peu beaucoup à cause de moi. Elle m’a quand même précisé que même si j’avais des croix, elle m’aimait pareil. Elle était juste fâchée. Ça m’a drôlement rassurée. À la vue du fameux carnet, je lui ai demandé au bout de combien de croix, j’avais une conséquence? Elle m’a répondu : 5! Évidemment, je lui ai demandé quelle serait la conséquence.

(silence embêté)

Elle : « Ah ben, ze sais! T’as pas le droit de travailler! Même si tu dois travailler, tu travailles pas. »

Moi : « Qu’est-ce que je fais alors? Je joue avec toi? »

Son visage s’est illuminé : « Ah oui, c’est bien, ça. Tu zoues avec moi! »

Alors, j’ai crié... mais de joie!

 

11 janvier 2013

Naître et grandir

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