Il pleut depuis 2 jours. Sans arrêt. Je suis enfermée à l’intérieur avec mes enfants.
Premier jour : on se fait des parties de cache-cache, des batailles d’oreillers, des attaques de bisous, des jeux de société, des coloriages et des siestes. On regarde la pluie tomber à travers la fenêtre. On se colle. On s’aime. C’est le bonheur.
Deuxième jour : les enfants muent. Leurs rires deviennent des larmes et leurs baisers des morsures. Ils se mettent à courir de long en large et de travers! Les décibels augmentent. Un bobo n’attend pas l’autre. Découragée, je me cache le temps d’une pause en espérant que personne ne me trouve.
Troisième jour : petite éclaircie. L’heure de liberté a enfin sonné. Ma grande se réfugie chez une amie. Je cale la petite dans le fond de la poussette et je lâche mon garçon dans la rue. Direction le parc. Mon fauve court tant bien que mal avec ses petites bottes de pluie rouges, tout en poussant des cris étranges. Il s’émerveille devant un écureuil, imite le cri du chien qui traverse la rue, tourne trois fois autour d’un arbre, tombe, se relève et part en courant vers la maison. Je le remets dans le droit chemin. Celui du parc. Il court de plus belle. Perd son chapeau. Arrache les fleurs du voisin. Transpire comme un boeuf (pas le voisin, le petit). Repousse des cris. Du coup, moi aussi! L’intrépide lance alors son chapeau au milieu de la rue pleine d’autos. Et là, je craque! Je lui empoigne la main fermement en tentant de le calmer à coup d’arguments : « Arrête de faire n’importe quoi sinon on rentre à la maison! » et je clos mon monologue en lui soufflant à l’oreille : « Dangereux. Voitures. Bobo. Maman pas contente! ».
L’effet est saisissant : il se tortille en rigolant. Il a dû respirer trop d’oxygène en sortant de la maison. Je le porte tant bien que mal en tenant la poussette. Les bottes rouges tombent (j’ai pris la taille au dessus pour qu’il puisse les remettre l’année prochaine). Je repose mon asticot par terre pour ramasser ses bottes. Ravi, il en profite pour s’échapper et courir en chaussettes sur le sol parsemé de flaques d’eau. Je le rattrape, lui remets ses bottes et file récupérer ma petite qui est en train de se détacher. Courage, plus que 500 mètres et le parc est à nous. Ça promet! J’imagine déjà les parents plaindre intérieurement la mère que je suis d’avoir enfanté un tel monstre d’énergie.
En ouvrant la grille du paradis ludique, je vois les yeux de mon petit diable briller à la vue des glissoires, seaux, pelles et enfants hurlants. Je le sens prêt à bondir sur un jeu, tel un lion sur sa proie. Mais rien. Pas un son ne sort de sa bouche. Pas un muscle ne bouge. Les miens se relâchent et je m’écroule sur un banc. Le fruit de mes entrailles observe les autres enfants puis se dirige tranquillement vers un gros ressort surmonté d’un siège en forme de dinosaure. Une fois grimpé à l’intérieur, il se balance calmement en souriant. Surplombant la foule qu’il salue parfois d’un revers de la main, il reste planté là, en harmonie avec son bouddha intérieur retrouvé.
Au bout d’une demi-heure, une mère assise près de moi s’écrie : « Mais qu’est ce qu’il est calme votre enfant, c’est incroyable! On dirait un ange. Il est trop mignon assis dans son petit siège. Vous avez de la chance, ce n’est pas compliqué de le surveiller! ».
Au royaume des apparences, les mamans qui rêvent de perfection restent muettes : je n’ai pas dit un mot!
3 juin 2009