Une avocate et un notaire expliquent les principes du nouveau régime d’union parentale.
17 janvier 2025 | Le nouveau régime d’union parentale entrera en vigueur à partir du 30 juin prochain. Qui sont les parents qui bénéficieront du régime? Quelles sont les protections prévues? Une avocate et un notaire font le point.
Le projet de loi visant à créer l’union parentale a été adopté au printemps 2024 dans le cadre de la réforme du droit de la famille. Ce nouveau régime a été créé pour s’adapter aux réalités actuelles des familles du Québec. Il vise à mieux protéger les enfants dont les parents vivent en union de fait dans un contexte où environ deux tiers des enfants naissent de parents non mariés au Québec.
Grâce à un atelier juridique* présenté par une avocate en droit de la famille et à une entrevue réalisée avec le président de la Chambre des notaires du Québec, nous vous décrivons les changements à venir pour les parents.
Que vient changer l’union parentale?
Certains couples en union de fait pensent à tort qu’ils obtiennent des droits et des obligations l’un envers l’autre à partir du moment où ils ont un enfant ensemble. Ce n’est pas le cas, a expliqué Me Marie-Laurence Brunet lors d’un atelier présenté en ligne en novembre 2024. Actuellement, les couples en union de fait sont considérés comme des célibataires aux yeux de la loi même s’ils vivent sous le même toit, se présentent comme un couple et ont des enfants ensemble.
« Les parents en union de fait sont l’équivalents de voisins », a imagé l’avocate en droit de la famille pour décrire la situation actuelle. À moins d’une entente écrite, ils n’ont rien à partager en cas de décès ou de séparation contrairement à ceux qui sont mariés ou unis civilement. Pour ces derniers, les règles de partage des actifs accumulés durant le mariage sont bien définies dans la loi.
La nouvelle loi va venir changer les choses en créant un régime de type matrimonial qui s’appliquera automatiquement lorsque des conjoints de fait deviendront parents. Ce régime prévoit la création d’un patrimoine d’union parentale de même que l’ajout de plusieurs protections lors d’une séparation ou d’un décès.
Qui sont les parents visés par l’union parentale?
« À partir du 30 juin 2025, tous les couples en union de fait qui auront un enfant ou qui en adopteront un seront automatiquement intégrés au nouveau régime d’union parentale », indique Me Bruno Larivière, notaire et président de la Chambre des notaires du Québec.
Le régime d’union parentale ne s’applique pas aux conjoints de fait sans enfant.
L’union parentale prendra effet à partir de la naissance ou de l’adoption de l’enfant, sans rétroactivité. Cela veut dire que les parents qui ont eu un enfant avant le 30 juin 2025 ne seront pas systématiquement admis. « Si la naissance ou l’adoption de l’enfant a lieu le 29 juin 2025 par exemple, les parents ne seront pas visés par l’union parentale », précise Me Marie-Laurence Brunet.
Il sera toutefois possible pour les conjoints de fait qui ont eu des enfants avant le 30 juin 2025 d’adhérer volontairement au régime d’union parentale. Les parents pourront le faire par acte notarié ou en signant simplement devant deux témoins une entente à l’effet qu’ils acceptent de se prévaloir des disposions du régime. Me Brunet et Larivière s’entendent toutefois pour dire que le mieux reste tout de même de passer devant le notaire pour authentifier cette entente.
Qu’est-ce que le patrimoine d’union parentale?
Une des mesures phares du nouveau régime est la création d’un patrimoine d’union parentale partageable en part égale en cas de séparation des parents. « On peut le comparer au patrimoine familial que les conjoints mariés connaissent, toutefois c’est plus restreint, mentionne Me Bruno Larivière. Ce que l’on vise à protéger, c’est l’environnement quotidien de l’enfant. » Ainsi, le patrimoine d’union familiale comprend :
- les résidences à l’usage de la famille (ex. : maison, chalet, condo)
- les meubles qui se trouvent dans ces résidences
- les véhicules utilisés pour la famille
Ce qui sera partageable selon ce nouveau régime, c’est la valeur de ce patrimoine à partir de la création de l’union parentale. « Il faut garder en tête que c’est à partir de la naissance ou de l’adoption d’un enfant à compter du 30 juin 2025 que la valeur du patrimoine deviendra partageable en part égale, précise Me Brunet. Donc, si vous avez acheté votre maison et votre voiture avant la naissance de l’enfant, c’est seulement la valeur accumulée sur ces biens après sa naissance qui sera partagée. »
Dans le cas, par exemple où une maison ou une résidence secondaire est la propriété d’un seul des parents, « si elle est totalement payée avant la naissance de l’enfant, elle ne fera pas partie des biens à partager », souligne Me Larivière. Il conseille d’ailleurs aux parents de consulter un notaire pour bien comprendre comment s’appliquera le partage du patrimoine d’union parentale selon leur situation, par exemple s’ils sont copropriétaires d’une maison dont l’hypothèque n’est pas partagée de manière égale, s’ils ont déjà un contrat de vie commune ou s’ils veulent éventuellement se marier.
Les parents automatiquement inclus dans le nouveau régime pourront choisir de se retirer du patrimoine d’union parentale si cela ne leur convient pas. Ils devront toutefois absolument le faire par acte notarié. « Ils auront 90 jours après la naissance ou l’adoption de l’enfant pour le faire, note Marie-Laurence Brunet. À ce moment-là, on va considérer qu’il n’y a jamais eu de patrimoine. Après, il sera toujours possible de se retirer, mais il y aura un patrimoine d’union parentale à liquider. »
Quelles sont les autres mesures de protection prévues au régime d’union parentale?
Le projet de loi prévoit aussi de nouvelles mesures pour protéger les conjoints de fait et les enfants en cas de séparation ou de décès des parents. Contrairement au patrimoine d’union parentale, il ne sera pas possible de s’exclure de ces nouvelles protections (même si on s’est retiré du patrimoine de l’union parentale).
- La protection de la résidence familiale. « Selon cette mesure, si un des conjoints en union parentale est le seul propriétaire de la maison ou le seul signataire du bail, il ne peut pas vendre la maison ou céder le bail sans le consentement de l’autre conjoint », explique Me Larivière. Cette mesure est en vigueur tant que les parents sont ensemble et jusqu’à 120 jours après leur séparation, s’il y a lieu. Cette protection inclut le droit d’usage de la résidence familiale. C’est-à-dire qu’en cas de séparation, le tribunal peut attribuer un droit d’usage temporaire de la résidence familiale au conjoint qui obtient la garde de l’enfant.
- Le droit à une prestation compensatoire. Il s’agit du droit de demander, en cas de séparation, une prestation compensatoire si un des conjoints estime s’être appauvri pendant l’union parentale afin de permettre à l’autre de s’enrichir. « Il ne s’agit pas d’une pension alimentaire à verser, mentionne Me Larivière, mais bien d’un montant qui pourrait être versé, après la séparation, par exemple au parent qui est resté à la maison pour prendre soin de la famille pendant que l’autre parent travaillait plusieurs heures par semaine. » Le but de la compensation est de mieux équilibrer la situation financière des ex-conjoints.
- Des droits de succession pour les conjoints de fait. En l’absence de testament, un conjoint en union parentale pourra hériter du tiers de la succession du conjoint décédé, alors que les deux tiers de l’héritage iront aux enfants. C’est tout un changement, car sans testament, les conjoints de fait ne sont pas considérés comme des héritiers légaux entre eux. Les deux juristes estiment malgré tout qu’il s’agit d’une protection minimale et que faire un testament est la meilleure façon de se protéger en cas de décès. « Plus souvent, dans leur testament, les parents lèguent 100 % de leur héritage au parent survivant pour favoriser le fonctionnement économique de la famille, indique le président de la Chambre des notaires du Québec. Ils y prévoient aussi d’autres modalités comme nommer un tuteur pour les enfants en cas du décès des deux parents. »
Est-ce que l’union parentale se compare au mariage?
Oui, il y a des ressemblances, mais l’union parentale n’est pas l’application des règles du mariage aux conjoints de fait, a bien averti Me Marie-Laurence Brunet lors de son atelier de vulgarisation juridique. « Il y a des distinctions à faire, soutient l’avocate. La plus importante, c’est qu’il n’y a pas de partage des produits de retraite comme les REER, les fonds de pension et le RRQ en cas de séparation. Ces biens ne sont pas inclus dans le patrimoine d’union parentale. » Il n’y a pas non plus d’obligation alimentaire entre les ex-conjoints. La pension alimentaire entre époux (différente de la pension calculée pour les enfants) ne s’applique pas en union parentale s’il y a séparation contrairement aux couples mariés.
Si des parents en union parentale veulent bonifier le patrimoine des biens à partager en cas de séparation, ils doivent le faire de manière contractuelle, par exemple par un contrat de vie. Cela peut se faire devant notaire ou devant témoins.
Des protections contre la violence judiciaireLa nouvelle loi donne aussi de nouveaux outils pour aider les tribunaux à détecter et sanctionner la violence judiciaire. On parle ici d’abus de procédure en matière familiale. « Ce genre de violence se produit par exemple lors d’une séparation lorsqu’un des conjoints utilise les tribunaux comme arme contre son ex-partenaire en multipliant les recours judiciaires, a expliqué Me Marie-Laurence Brunet. Cela se fait dans le but de causer du tort et d’appauvrir l’autre partie, qui est généralement plus économiquement vulnérable, en l’amenant à engager plus de frais d’avocat. » Les juges peuvent maintenant condamner ce type de pratique en ordonnant au conjoint abusif de payer des dommages et intérêts à son ex-partenaire. |
Pour en savoir plus :
Chambre des notaires du Québec
Gouvernement du Québec
*L’atelier de vulgarisation juridique sur le régime d’union parentale, organisé par le Regroupement pour la valorisation de la paternité, a été présenté en ligne le 25 novembre dernier.
Julie Leduc – Équipe Naître et grandir
Photo : GettyImages/Anchiy