Une des pionnières de la parentalité positive en France, Isabelle Filiozat, fait le point sur cette approche éducative qui a fait l’objet de beaucoup de critiques.
31 octobre 2024 | La psychothérapeute Isabelle Filliozat, une des pionnières de la parentalité positive en France, était de passage au Québec récemment. Nous nous sommes entretenus avec elle pour faire le point sur l’éducation positive, qui a été beaucoup critiquée ces dernières années.
Il s’en est d’ailleurs beaucoup écrit et dit des choses sur l’éducation positive depuis qu’elle a vu le jour au début des années 2000. Isabelle Filliozat a publié plus tôt cette année le livre Éduquer : tout ce qu’il faut savoir dans lequel elle remet les pendules à l’heure au sujet de l’approche éducative qu’elle enseigne depuis longtemps. La spécialiste des relations parent-enfant nous dit ce qu’est – et n’est pas – la parentalité positive, selon elle.
Quelles sont les clés de la parentalité positive?
Certains pensent que c’est de dire toujours oui, de sourire tout le temps ou d’accepter n’importe quoi. Mais ce sont là de fausses interprétations. La parentalité positive, c’est l’ensemble des comportements parentaux qui vont aider les enfants à grandir, à éviter ou à surmonter les traumatismes. Face à la réalité de la vie, il y a des traumatismes : deux personnes sur trois rapportent qu’ils vivent avec des traumas liés à l’enfance.
La clé, c’est de fournir une connexion, à travers la relation parent-enfant, pour incarner l’autorité. Et pour y arriver, il faut comprendre les causes derrière un comportement débordant ou dérangeant pour être en mesure d’y répondre.
La parentalité positive, c’est de fournir en amont ce dont l’enfant a besoin pour lui apporter la sécurité affective. Cela va nourrir le lien d’attachement et donner à l’enfant de l’autonomie et de la liberté.
Les codes de la parentalité positive ne sont pas toujours faciles à suivre. Est-ce que la parentalité positive peut ajouter du stress?
Bien sûr que c’est difficile de suivre la parentalité positive, puisque toute la parentalité est difficile! Je pense qu’il faut retenir qu’on n’a pas besoin d’être parfait. La parentalité positive, c’est d’être connecté à son enfant, la plupart du temps. Et de répondre à ses besoins adéquatement, la plupart du temps aussi.
Par exemple, si notre enfant se met à crier, on peut penser qu’il fait une crise, qu’il est en colère. Mais c’est peut-être une réaction de dégoût ou autre chose? Il faut essayer de comprendre la raison derrière pour bien y répondre, même si on sait que ce n’est pas toujours possible, pour toutes sortes de raisons.
On ne peut pas lire dans la tête des autres, que ce soit en couple ou dans notre relation parent-enfant. Et je pense que, dans ce cas, quand on se trompe, l’important, c’est la réparation, c’est-à-dire l’effort investi pour rétablir le lien.
Cette réparation mène à de la sécurité et de la confiance. Ce qui est compliqué, c’est de se réguler comme parent, à la fois pour répondre adéquatement aux besoins de l’enfant, mais aussi pour lui montrer l’exemple et qu’il apprenne lui aussi à gérer ses émotions.
Quel message les parents devraient-ils retenir de la parentalité positive?
Quand une casserole de lait bout, et que ça déborde, la solution, ce n’est pas de mettre le couvercle. C’est d’éteindre le feu et d’enlever la casserole. C’est la même chose pour un enfant dont le comportement est débordant : l’autorité brutale ne réglera rien. Il faut répondre à la cause. Éteindre le feu. Et on connaîtra cette cause en écoutant notre enfant. C’est ce qui va l’aider réellement.
Si notre enfant crie et qu’on monte le ton nous aussi, sans comprendre pourquoi il crie, quel besoin il exprime, on ne va pas l’aider. Et on se place en déconnexion : on est déconnecté de son enfant. À long terme, cela peut affecter le lien. Encore une fois, l’important, c’est la façon dont on réagit ensuite, la fameuse réparation.
Comment se portent les enfants, selon vous?
Mal! Je trouve cela inquiétant. Les enfants d’aujourd’hui ne vont pas suffisamment dehors, ils ne développent pas leurs capacités physiques, qu’elles soient cardiovasculaires ou musculaires. Ils ne font pas assez d’exercices. Ils ne mangent pas toujours bien. Je pense par exemple à la consommation trop importante d’aliments transformés. Aussi, l’effet de la pollution et celui des perturbateurs endocriniens, comme les phtalates, les parabènes et les bisphénols, me préoccupent.
Voyez-vous une différence entre les parents d’avant et d’aujourd’hui?
La principale différence, c’est qu’ils sont hyper stressés. Et ils sont épuisés. Je relie cela à la pandémie, mais aussi à la situation économique, les guerres, la crise climatique, bref, le contexte actuel. La pression vient de partout! Je crois qu’on n’apprend pas assez aux parents comment être parents, comment faire… En Norvège et en Suède, par exemple, on a développé des programmes de compétences parentales. C’est formidable!
Propos recueillis par Maude Goyer – Équipe Naître et grandir
Photo : GettyImages/milanws