Comment parler d'itinérance à un enfant?

Comment parler d'itinérance à un enfant?
Comment parler d'itinérance à un enfant?
Comment répondre à votre enfant s’il pose des questions sur une personne en situation d’itinérance? Comment réagir s’il est triste ou s’il a peur?

28 octobre 2024 | Dans les villes et dans certains villages, l’itinérance est de plus en plus visible, que ce soit au parc, sur le chemin de la garderie ou sur celui de l’école. Comment parler à votre enfant de cette situation qui peut l’attrister, lui faire peur ou simplement piquer sa curiosité?

Les enfants sont souvent sensibles à la différence et ils peuvent réagir de multiples façons devant une personne en situation d’itinérance. Ils sont influencés par les mots et les gestes de leur parent, mais ils sont davantage affectés par ce qu’éprouve leur parent.

Il est donc important de commencer par vous questionner sur votre propre rapport à l’itinérance. Avez-vous peur? Êtes-vous triste, indifférent ou empathique? La bonne façon de réagir « part de notre posture parentale », mentionne Annie Trépanier, intervenante à l’organisme Pech, qui accompagne des personnes en situation de vulnérabilité. « Un des privilèges d’être parent, dit-elle, c’est de s’observer et de se demander quelles valeurs on veut léguer à notre enfant. »

Comment répondre aux questions sur l’itinérance?

Si vous vous sentez à l’aise lorsque vous croisez une personne en situation d’itinérance, vous pouvez en profiter pour éveiller la curiosité de votre enfant. « C’est une occasion de le sensibiliser à la différence », soutient l’intervenante. Vous pouvez lui demander, par exemple, s’il a remarqué qu’une personne était endormie sur le trottoir. « On évalue son intérêt. S’il n’en a pas, on n’insiste pas », ajoute-t-elle.

Lorsque votre enfant pose des questions, vous pouvez y répondre en adaptant vos réponses selon son âge et sa maturité. « Même si l’enfant parle comme nous, il n’est pas encore construit psychologiquement comme un adulte », souligne Isabelle Boivin, pédopsychiatre. Elle conseille de ne pas lui mentir, mais de ne pas lui donner des détails qui pourraient l’inquiéter.

Voici des exemples de questions que votre enfant peut poser et de réponses que vous pouvez lui donner.

Pourquoi la personne dort sur un banc et a de gros sacs?

Vous pouvez répondre qu’elle n’a pas de maison et qu’elle doit apporter avec elle toutes ses choses. « On peut faire référence à quelque chose que l’enfant connaît, en disant que c’est comme s’il devait apporter tous ses jouets avec lui », propose Vincent Ozrout, conférencier en milieu scolaire et responsable clinique à L’Itinéraire, un groupe communautaire qui soutient des personnes en situation de précarité. Vous pouvez aussi lui demander comment il se sentirait s’il devait lui aussi tout traîner avec lui afin de susciter son empathie.

Pourquoi la personne n’a pas d’argent?

Mieux vaut être honnête. Vous pouvez dire qu’elle vit peut-être des difficultés qui font qu’elle ne peut pas travailler. « Il faut y aller avec des scénarios généraux et ramener nos réponses au niveau de l’enfant », indique Annie Trépanier. De son côté, la pédopsychiatre Isabelle Boivin suggère de demeurer plus vague. « On peut lui répondre qu’il pose une bonne question, mais qu’on ne connaît pas la réponse. »

Est-ce qu’on peut lui donner de l’argent ou de la nourriture?

Si vous n’êtes pas à l’aise, Isabelle Boivin propose de répondre : « Je vois que tu veux être gentil, mais on va poursuivre notre chemin. » Si vous êtes à l’aise et si la personne est calme, vous pouvez laisser faire votre enfant en l’accompagnant, suggère Vincent Ozrout.

Même s’il est important de répondre aux questions de votre enfant, il faut le faire en respectant vos propres limites. Si vous êtes mal à l’aise ou que vous êtes indifférent face à l’itinérance, mieux vaut demeurer factuel dans vos réponses pour éviter de transmettre vos biais, soutient Vincent Ozrout.

Si votre enfant est triste ou mal à l’aise

Si votre enfant semble triste lorsqu’il croise une personne itinérante, vous pouvez nommer son émotion : « C’est vrai que c’est triste. » Essayez ensuite de voir ce qui le touche et proposez-lui d’offrir à cette personne de la nourriture, un peu d’argent, ou un sourire. « Quand je dis aux enfants que sourire à ces personnes leur fait du bien, ça éveille en eux un sentiment de pouvoir », soutient Vincent Ozrout.

Si votre enfant ne semble pas bien, c’est aussi important de mettre des mots sur ce qu’il ressent. Vous pouvez lui dire par exemple :« As-tu trouvé ça bizarre tantôt que la personne nous demande de l’argent? » Vous pouvez ensuite, si vous sentez que votre enfant est à l’aise, lui proposer de donner ensemble de l’argent ou de la nourriture à la personne. « Il s’agit de l’amener doucement à tolérer son inconfort pour augmenter sa capacité d’adaptation », explique Annie Trépanier.

Temps froid : quoi dire si votre enfant est inquiet?

À l’approche du temps froid, il est normal qu’un enfant s’inquiète pour les personnes en situation d’itinérance. Vous pouvez dire à votre enfant que des gens ont comme travail d’aller leur parler pour leur proposer d’aller dans un refuge. Expliquez-lui que des organismes ouvrent l’hiver pour les accueillir. Vous pouvez aussi proposer à votre enfant d’aller porter ensemble des couvertures dans un refuge, s’il en a envie.

Si votre enfant a peur

Devant une personne intoxiquée ou qui crie, il est normal qu’un enfant ait peur. Dans ce cas, Isabelle Boivin conseille de simplement dire : « Tu peux me prendre la main, on va continuer notre chemin. » ou « Cette personne semble très fâchée. On va la laisser tranquille et changer de trottoir. » Vous pouvez en reparler plus tard avec votre enfant s’il le souhaite, mais évitez de le faire avant qu’il aille au lit.

Il peut arriver qu’un enfant, exposé à des gestes agressifs à répétition près de son milieu de garde ou de son école, ne veuille plus s’y rendre. Si c’est le cas de votre enfant, vous pouvez lui dire qu’un adulte est toujours là pour l’accompagner. Lui proposer d’apporter un objet qui le rassure pour faire le chemin avec vous peut aussi l’aider. « Il faut reconnaître cette émotion et aider son enfant à passer au travers. Cela permet de développer son courage », souligne la pédopsychiatre.

Livres pour enfants

Voici des livres qui abordent le sujet de l’itinérance avec empathie, bienveillance et tendresse :
  • Grand-mère Crevette, texte : M. Zimmer, ill. : I. Drago, Éditions L’atelier du poisson soluble, 2017, 32 p.
  • La case 144, texte : N. Poirier, ill. : G. Desprès, Éditions D’eux, 2019, 32 p.
  • Le parapluie vert, D-J. Yun et J-H. Kim, Éditions Didier, 2017, 48 p.
  • Quelques miettes, texte : P. Cummings, ill. : S. Devries, Scholastic Canada, 2023, 32 p.
  • Sans détour, texte : S. Demasse-Pottier, ill. : T. Haugomat, Éditions L’étagère du bas, 2022, 48 p.

Roxanne Bélair – Équipe Naître et grandir

Naître et grandir

Photo : GettyImages/serikbaib

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