Concilier famille et études: les défis et conseils de deux mamans

Concilier famille et études: les défis et conseils de deux mamans
Concilier famille et études: les défis et conseils de deux mamans
Découvrez la réalité des parents qui poursuivent des études tout en élevant une famille.

8 janvier 2024 | Élever une famille tout en poursuivant ses études, ce n’est pas de tout repos. Les parents-étudiants doivent relever plusieurs défis pour tout concilier. À quoi ressemble leur quotidien? Deux mamans et une experte décrivent la situation.

Mariam Kamara, originaire de la Côte d’Ivoire, élève seule son garçon de 7 ans. Elle va aussi à l’école à temps plein pour compléter son secondaire dans un centre de formation pour adultes. Chaque jour, elle fait preuve de discipline pour arriver à tout concilier. « Mon garçon quitte à 7 h pour l’école, ce qui me donne le temps d’arriver à 8 h à mes cours, dit-elle. À 16 h, je termine et je vais le chercher au service de garde. »

À son retour, la maman monoparentale n’a pas le temps de souffler : elle doit préparer le souper et aider son fils à faire ses devoirs. C’est seulement vers 21 h que Mariam peut enfin ouvrir ses livres d’école. Comme elle, environ 188 000 parents sont aux études au Québec. La plupart sont des mères (65 %) et 25 % des mères-étudiantes sont monoparentales.

Un quotidien rempli de défis

Le manque de temps est un des principaux défis des parents-étudiants. Surtout que 76 % d’entre eux occupent un emploi pendant leurs études. C’est le cas de Karen Bouchard, étudiante au doctorat en sciences politiques à l’Université Laval.

« J’étudie près de 30 heures par semaine en plus de travailler 20 heures par semaine comme analyste de recherche. J’ai peu de temps pour la famille, explique la maman d’un garçon de 2 ½ ans qui était sur le point d’accoucher de son 2e enfant au moment de l’entrevue. La fin de semaine, mon conjoint sort avec notre fils pendant que je travaille sur mon doctorat. » Son défi dans ces moments-là? « Éviter l’épuisement et ne pas culpabiliser parce que je passe à côté de moments avec mon enfant », confie-t-elle.

La gestion des horaires de cours complique aussi la vie des parents, mentionne Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l’École des sciences de l’administration de l’Université TÉLUQ. « Il y a des programmes moins flexibles où il faut suivre les cours dans un ordre précis. Et ce ne sont pas tous les programmes qui offrent des cours le soir. Plus c’est contraignant, plus c’est difficile pour les parents-étudiants », indique la professeure qui a produit un rapport sur la conciliation famille-travail-études dans les cégeps et les universités en 2022.

Gérer les imprévus et la garde des enfants

Les imprévus, comme un enfant malade, une garderie ou une école qui ferme, ajoutent des difficultés. « Je suis déjà restée à la maison pendant deux semaines parce que mon fils était malade, raconte Mariam. Ça m’a beaucoup stressée. J’ai dû bosser comme une malade pour rattraper mon retard. »

Trouver un service de garde adapté aux besoins des parents-étudiants représente un autre défi. Il y a parfois des CPE sur les campus des cégeps et universités, mais les places sont souvent majoritairement prises par les enfants du personnel.

« Plusieurs parents-étudiants recherchent un milieu de garde dont l’horaire s’adapte à celui des cours, indique Diane-Gabrielle Tremblay. Par exemple, avec des heures de garde en soirée. » Il y a de l’espoir pour voir apparaître bientôt de pareils services sur les campus. En effet, depuis 2022, le ministère de la Famille a financé des projets-pilotes de haltes-garderies réservées aux enfants d’étudiants dans 7 universités et 5 cégeps.

Composer avec un budget serré

Le stress financier fait aussi partie des difficultés. Mariam n’a pas le temps de travailler. Elle reçoit des prestations d’aide sociale et compose avec un budget serré. « Je dois faire des sacrifices juste pour envoyer mon fils au service de garde », confie la maman. Pour avoir un coup de pouce, elle a fait une demande de bourse à l’organisme Maman va à l’école qui soutient les mères monoparentales aux études.

L’aide financière du gouvernement du Québec peut aussi aider les parents qui étudient à la formation professionnelle, au cégep ou à l’université avec des prêts et bourses. Aucune aide n’est spécialement dédiée aux parents, mais le fait d’avoir un enfant ou d’être enceinte d’au moins 20 semaines est pris en compte dans le calcul. « Certains établissements ont aussi des bourses d’excellence qui peuvent aider, ajoute Diane-Gabrielle Tremblay. Mais étant donné leurs contraintes familiales, certains parents-étudiants s’organisent pour passer leurs cours sans plus. Ça limite leur accès aux bourses d’excellence. »

Avant de tomber enceinte la première fois, Karen a reçu une bourse d’excellence du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada de 32 000$ par année pour son projet de doctorat. « La bourse a même été prolongée pour couvrir mon congé de maternité de 12 mois », raconte-t-elle. Mais sa situation a changé depuis. « Je ne peux plus recevoir de bourses parce que depuis deux ans, je n’ai pas assez publié d’articles, je n’ai pas assisté à des colloques et je n’ai pas donné de cours d’été. Je n’ai plus le temps de participer à ces activités. »

La charge mentale des mères-étudiantes

Une étude québécoise sur les mères qui étudient à l’université indique qu’elles ont « toujours la famille dans la tête ». Pour réussir à concilier leurs responsabilités familiales et leurs études, des mères-étudiantes utilisent leurs pauses entre les cours pour faire des appels en lien avec leur famille ou élaborer des listes de choses à faire. Elles ont donc toujours la tête pleine. La fatigue est d’ailleurs un défi majeur auquel la plupart doivent faire face.

Des accommodements pour les parents-étudiants

Le nombre de parents-étudiants augmente chaque année. Par exemple, dans le réseau des universités du Québec, la proportion de parents parmi les étudiants est passée de 22 % en 2016 à près de 24 % en 2022. Les établissements d’enseignement doivent s’ajuster et plusieurs mettent en place des mesures d’aide. Voici des exemples d’accommodements offerts.

  • Reconnaissance officielle du statut de parent-étudiant, un atout pour obtenir des accommodements comme la reprise d’un examen pour des raisons familiales
  • Cours en ligne
  • Possibilité de modifier son horaire de cours pour des raisons familiales
  • Services de garde avec des horaires flexibles et places réservées aux enfants d’étudiants
  • Salles d’allaitement et de repos pour les parents et leurs enfants
  • Soutien psychosocial pour les parents
  • Atelier sur la conciliation famille-études-travail
  • Dépannage alimentaire
  • Associations formées pour et par des parents-étudiants

Pour l’instant, les mesures varient d’un établissement à l’autre. Toutefois, certains adoptent une politique familiale qui reconnaît le statut de parents-étudiants et précise les accommodements possibles. « Il y a un intérêt pour formaliser davantage les mesures offertes aux parents-étudiants, observe Diane-Gabrielle Tremblay. Si les établissements le font, c’est pour soutenir la réussite des étudiants. » Car quand la conciliation devient trop lourde, il y a un risque pour les parents d’abandonner leurs études.

Les parents-étudiants en chiffres

  • Près de 10 % des parents sont étudiants.
  • 42 % des parents-étudiants ont moins de 35 ans.
  • 47 % des parents-étudiants ont un enfant de moins de 5 ans.
  • 35 % sont issus de l’immigration.
  • Les parents-étudiants fréquentent majoritairement le cégep (47 %), et l’université (42 %). Près de 9 % étudient au primaire ou secondaire.

Conseils pour concilier les études et la famille

Les deux mamans interrogées partagent leurs conseils pour concilier la famille et les études.

  • Renseignez-vous pour connaître les services offerts aux parents-étudiants dans votre établissement d’enseignement.
  • Faites connaître votre situation à vos enseignants.
  • Informez-vous pour savoir s’il y a une association des parents-étudiants. « C’est l’endroit idéal pour obtenir de l’aide, développer des amitiés et un réseau de soutien », dit Karen.
  • Renseignez-vous sur l’aide financière aux études. Les associations étudiantes, les services aux étudiants et l’aide financière de votre établissement peuvent vous aider.
  • Entourez-vous et faites appel à votre famille, vos amis et vos camarades de classe pour trouver des solutions quand vous avez besoin d’aide.
  • Si vous vous sentez dépassé, parlez-en à votre entourage, à des intervenants ou des professionnels. Mariam participe à un groupe de jeunes mères dans une maison de la famille. « On se parle sans filtre, dit-elle. C’est comme une petite thérapie. Ce n’est pas vrai que l’on peut tout surmonter seules, on a parfois besoin d’aide. »
  • Tournez-vous vers des organismes communautaires de votre quartier pour de l’aide de toute sorte : banque alimentaire, cuisine collective, halte-garderie, friperies, etc.
  • Gardez le cap sur votre objectif. Après le secondaire, Mariam veut s’inscrire en techniques d’imagerie médicale. « Je veux offrir une bonne vie à mon fils. C’est motivant de me rappeler pourquoi j’étudie », dit la maman. « Tout ce que je fais aux niveaux académique et professionnel, c’est pour que ma famille soit bien », se rappelle aussi Karen pour persévérer.

La conciliation famille-études à l’Assemblée nationale

Québec Solidaire souhaite que le gouvernement en fasse plus pour les parents-étudiants. Le 6 décembre dernier, la formation politique a déposé un projet de loi-cadre qui obligerait les cégeps et les universités à se doter d’une politique de conciliation famille-travail-études. Ce projet de loi vise notamment à faire reconnaître le statut de parent-étudiant et à assurer certaines mesures comme des congés parentaux et une offre de services de garde adaptés.

RESSOURCES

Julie Leduc – Équipe Naître et grandir

Naître et grandir

Photos : GettyImages/ FG Trade Latin et SDI Productions

Partager