Le virus de la poliomyélite a été détecté à New York et à Londres. Doit-on s’en inquiéter ici?
20 septembre 2022 |Dans les derniers mois, des villes comme New York et Londres ont détecté le virus de la poliomyélite dans leurs eaux usées. Doit-on s’inquiéter ici du retour de cette maladie disparue grâce à la vaccination des tout-petits? Trois experts font le point.
La poliomyélite est une maladie très contagieuse causée par un virus qui se transmet comme ceux à l’origine des gastro-entérites. « Souvent, le virus provoque des problèmes digestifs légers », explique le Dr Nicholas Brousseau, médecin spécialiste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et membre du Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ).
Cependant, chez environ une personne infectée sur 200, le virus cause une paralysie. « Celle-ci peut être permanente, ajoute le médecin. Les séquelles sont donc importantes. » La maladie était d’ailleurs très fréquente dans les années 1940, et certaines personnes âgées vivent encore avec une paralysie parce qu’elles ont attrapé le virus durant leur enfance.
L’arrivée du vaccin contre la poliomyélite dans les années 1950 a toutefois permis de faire disparaître complètement ce genre de complications. Au Canada, on considère même que la maladie est éliminée puisqu’il n’y a pas eu de cas depuis des décennies.
Pourquoi le virus de la polio est-il de retour?
Dans certains pays en voie de développement, le vaccin utilisé contre la polio est un vaccin vivant atténué donné sous forme de gouttes qu’on met dans la bouche. Ce vaccin contient une version affaiblie, mais toujours vivante du virus de la polio.
« Le virus atténué peut se multiplier et être ensuite éliminé dans les selles, souligne le Dr Étienne Racine, médecin spécialiste à l’INSPQ et membre du CIQ. À mesure qu’il circule, le virus peut muter et récupérer sa capacité à causer une paralysie. »
Selon le médecin, c’est ce qui pourrait expliquer le cas de paralysie due à la polio rapporté chez un New-Yorkais en juillet dernier. « Un virus provenant du vaccin atténué a retrouvé sa capacité à causer une paralysie et a probablement été introduit par un voyageur dans la communauté », précise-t-il.
Le virus a ensuite pu se propager parce qu’il n’y avait pas suffisamment de gens vaccinés pour empêcher sa transmission. C’est pourquoi le virus a aussi été détecté dans les eaux usées.
Quelle est la situation de la polio au Québec?
En raison de ses risques associés, le vaccin vivant atténué n’est plus utilisé au Québec, précise la Dre Caroline Quach, épidémiologiste au CHU Sainte-Justine et membre du CIQ. Au Canada, le vaccin contre la polio utilisé est plutôt « un vaccin inactivé qui ne comporte aucune possibilité de causer des paralysies », ajoute le Dr Étienne Racine.
Par ailleurs, la poliomyélite est une maladie à déclaration obligatoire. « La Société canadienne de pédiatrie a un très bon programme de surveillance, indique le Dr Nicholas Brousseau. Dès qu’un enfant a une paralysie dont on ne connaît pas la cause, des tests sont effectués pour déterminer s’il s’agit de la poliomyélite. S’il y avait des cas, ils seraient ainsi détectés et aucun ne l’a été depuis 1995. » Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter selon lui.
Il n’est toutefois pas impossible que le virus soit présent au Québec. « Pour l’instant, nous ne surveillons pas la présence de ce virus dans les eaux usées, explique la Dre Caroline Quach. On ne sait pas si le virus circule ou non. »
Le vaccin contre la polio est-il efficace?
La vaccination contre la poliomyélite est très efficace, soulignent les médecins interrogés. Le programme québécois d’immunisation recommande que le vaccin soit administré aux enfants à 2 mois, à 4 mois, à 12 mois et entre 4 et 6 ans. « Les enfants qui ont reçu toutes les doses sont très bien protégés », mentionne la Dre Caroline Quach. « Si un enfant a reçu ses quatre doses, il est protégé à vie et presque à 100 % contre une paralysie », ajoute le Dr Nicholas Brousseau.
La proportion d’enfants vaccinés contre cette maladie est très élevée au Québec. En effet, 96 % des enfants qui entrent à l’école ont reçu leurs quatre doses. « Cependant, il pourrait exister certaines communautés qui sont moins bien vaccinées, déplore la Dre Caroline Quach. Toute baisse de la couverture vaccinale peut mettre les plus jeunes et les plus vieux à risque de complications. »
Kathleen Couillard – Naître et grandir
Photo : GettyImages/SrdjanPav