Cette nouvelle fait partie de nos archives. Il se peut que son contenu ne soit pas à jour.
Trois études québécoises décrivent comment les enfants ont vécu la 2e vague de la pandémie.
3 juin 2021 | Les enfants ont vécu toute une année scolaire en mode pandémie. Comment s’en sont-ils sortis? Quels ont été les défis rencontrés? Des équipes de recherche québécoises se sont penchées sur le sujet. Voici les constats de trois études présentées récemment lors d’un colloque organisé par la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais.
De façon générale, les résultats sont rassurants. Une de ces études est dirigée par Claire Baudry, chercheuse et professeure au Département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Son étude concerne l’adaptation psychosociale des enfants de 6 à 17 ans en contexte de pandémie. Après avoir évalué leur adaptation en mai 2020, l’équipe de Claire Baudry est retournée étudier l’impact de la 2e vague de la pandémie sur les enfants en janvier et février 2021.
Dans l’échantillon de l’étude de l’UQTR, 70 % des familles sont intactes (parents non séparés), 72 % des parents ont un diplôme universitaire et 70 % rapportent un revenu familial annuel de 76 000$ et plus. Les enfants étudiés grandissent donc dans un environnement favorable.
Pour ce faire, les parents de 276 enfants ont répondu à un questionnaire en ligne. Les résultats préliminaires de cette 2e partie de l’étude démontrent des résultats similaires à la 1re enquête effectuée en mai 2020. « À nouveau, il y a environ les deux tiers des enfants étudiés qui vont globalement bien et qui ne présentent pas de difficultés particulières », indique Claire Baudry.
Selon la chercheuse, plusieurs autres études réalisées ailleurs dans le monde vont exactement dans le même sens et trouvent qu’en général les enfants vont relativement bien.
1re et 2e vague : des difficultés semblables
L’étude de l’UQTR rapporte tout de même qu’un tiers des enfants va un peu moins bien et vit des difficultés psychosociales. En mai 2020, 24 % des enfants manifestaient de l’anxiété, presque 17 % montraient des signes de dépression et environ 30 % avaient des comportements difficiles liés au non-respect des règles. Les résultats de l’hiver 2021 sont presque les mêmes à 1 ou 2 % près. Ces statistiques sont aussi similaires à ce que l’on retrouverait comme problèmes dans un contexte sans pandémie avec un échantillon semblable d’enfants.
L’équipe de recherche a été étonnée de constater que la manifestation des problèmes n’avait pas augmenté l’hiver dernier alors que la majorité des familles vivaient plus de contraintes liées à la COVID-19. Par exemple, 82,9 % des familles interrogées pour cette 2e partie de l’étude vivaient en zone rouge, près de la moitié avaient subi des tests de dépistage et 8,4 % avaient connu le décès d’un proche.
« Ces résultats démontrent que les parents jouent un rôle très important pour soutenir leur enfant, dit Claire Baudry. Les parents cohérents, prévisibles et chaleureux qui passent du temps avec leurs enfants les aident à s’adapter à la situation. » Elle pense que les parents des familles étudiées avaient cette attitude favorisant une bonne adaptation.
La chercheuse reconnaît toutefois que la pandémie demeure une période difficile qui demande des ajustements aux familles. Il est vrai que parmi les deux tiers des enfants qui vont bien certains sont plus stressés et plus irritables qu’avant, mais d’une façon générale, ces symptômes ne sont pas assez importants pour être associés à un diagnostic clinique. « La majorité des difficultés rencontrées par ces enfants représentent de petits défis, mais ils ne sont pas associés à un problème d’adaptation », nuance-t-elle.
Bien-être à l’école
Une autre étude présentée au colloque révèle aussi que les enfants se sont en général bien adaptés à la pandémie malgré les difficultés. Cette étude de l’Université de Sherbrooke porte sur l’influence de la pandémie sur le bien-être à l’école et les apprentissages des élèves.
Pour évaluer le bien-être des élèves un an après le début de la pandémie, l’équipe de recherche a effectué l’hiver dernier un sondage auprès de 303 parents, 221 enseignants, 176 élèves du secondaire et 127 élèves du primaire.
Les résultats préliminaires de l’étude montrent que le niveau de bien-être des élèves est demeuré semblable à celui d’avant la pandémie pour une bonne partie des répondants. Ainsi, la majorité des parents des élèves du primaire sondés croient que leur enfant est généralement heureux, ni plus ni moins qu’avant la pandémie.
Une majorité de parents considèrent également que leur enfant ne semble pas vivre une détresse psychologique liée à la pandémie et que la situation est comme avant. Les résultats varient toutefois selon chaque zone. Tous les parents sondés d’élèves du primaire vivant en zone jaune considéraient que leur enfant ne vivait pas de détresse au moment de l’enquête. Cette proportion était de 71,4 % en zone orange et de 57,9 % en zone rouge.
Réussite et engagement scolaires
« Pour les élèves et les parents d’enfants du primaire, l’étude montre que la perception de réussite est restée sensiblement la même qu’avant la pandémie, mentionne Véronique Rémy, une des étudiantes qui a participé à l’étude. Ce qui nous semble assez rassurant. »
Toutefois, 31,8 % des parents en zone orange pensent que leur enfant éprouve plus de difficultés à faire ses travaux scolaires depuis la pandémie. Cette proportion est de 26,5 % en zone rouge. À noter qu’au secondaire, plus de la moitié des parents et des élèves perçoivent plus de difficulté à réaliser les travaux qu’avant la pandémie. Ces difficultés sont plus fortement perçues quand l’enseignement se fait à distance.
L’étude a aussi mesuré l’engagement des élèves à l’école en questionnant les enseignants. Ces derniers mentionnent qu’en présentiel, 80 % des élèves sont de moyennement à activement engagés, c’est-à-dire qu’ils posent des questions sur la matière enseignée. À distance, plus de la moitié des élèves semblent toutefois peu ou pas engagés.
« D’une manière générale, les élèves ont su s’adapter à la grande variabilité de la situation qui a évolué d’une manière très rapide », souligne Catherine Fortin, une autre étudiante impliquée dans l’étude. À noter que même si le bien-être d’une majorité d’élèves est demeuré stable l’hiver dernier, certains ont mentionné un stress plus élevé, un engagement plus difficile à distance et une tristesse causée par le manque d’interactions, surtout au secondaire.
Grandir pendant la pandémie
Une 3e étude visant à évaluer les effets de la pandémie sur l’attitude face à l’école et le fonctionnement psychosocial des enfants de 6 à 17 ans indique que les jeunes ont vécu plusieurs changements d’émotions durant l’année. Les émotions plus négatives comme la frustration, le stress, la solitude et la tristesse ont augmenté tout au long de la pandémie, particulièrement dans les derniers mois de l’enquête.
Pour réaliser l’étude Grandir pendant la pandémie (toujours en cours), 593 élèves ont répondu à un questionnaire en ligne entre mai 2020 et avril 2021, dont 262 élèves du primaire. Les résultats de l’étude réalisée par des chercheuses de l’UQAM et de l’Université de Montréal montrent que :
- Les élèves ont dit aimer moyennement l’école tout au long de l’enquête. Cette appréciation a toutefois légèrement baissé en novembre et décembre au moment où les mesures se sont resserrées (ex. : enseignement à distance avant et après Noël).
- La peur d’échouer et le fait d’avoir des difficultés à l’école ont augmenté pendant l’étude, surtout en décembre lors de l’évaluation pour le 1er bulletin et de la fermeture des écoles pour Noël.
- Les jeunes ont rapporté vivre peu de colère, de stress, de solitude et de tristesse au début de la pandémie. Ces émotions ont toutefois augmenté lors de l’enquête surtout lors du resserrement des mesures sanitaires en novembre-décembre et dans les derniers mois de l’enquête en mars-avril. Aucune de ces émotions n’a cependant été évaluée comme énormément présentes chez les enfants.
- Les élèves étaient joyeux et contents au début de la pandémie, mais cette émotion a diminué tout au long de l’année. Toutefois même au plus creux, les jeunes ont dit se sentir moyennement joyeux.
En bref, l’équipe de recherche observe que les émotions plus négatives des enfants augmentaient en même temps que les mesures se resserraient ce qui représente une réaction tout à fait adaptative dans le contexte.
Julie Leduc – Naître et grandir
Photos : GettyImages/monkeybusinessimages et Phynart Studio