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Entrevue avec un père à la maison qui a vu ses filles grandir de près et qui ne le regrette pas.
15 juin 2015 | Père au foyer de 2008 jusqu’à ce que sa petite dernière entre à la prématernelle, en 2014, Pascal Colpron a une bonne expérience de paternité à domicile. Entrevue avec un papa qui a vu ses filles grandir de près et qui ne le regrette pas.
Comment as-tu pris la décision de devenir papa à la maison?
De mon côté, c’est une décision qui s’est prise naturellement. Vers 2008, alors que j’étais nouveau parent, la compagnie pour laquelle je travaillais avait des difficultés financières. C’était un bon moment pour choisir entre un autre emploi ou travailler à mon compte comme illustrateur. L’avantage qu’on a vu, c’est que je pouvais combiner les deux : travailler de la maison et être papa au foyer. Et comme j’avais droit au chômage, je ne me sentais pas forcé d’être sur le marché du travail.
Comment t’organisais-tu?
Autant ma conjointe que moi avons grandi avec un modèle de parent à la maison, alors ça s’est vite inscrit sous un modèle classique. Quand Chantal est retournée travailler, mon but était de la recevoir le soir avec la maison propre, les enfants bien peignés et le souper prêt! Le matin, je reconduisais parfois Chantal au travail, mais après, je m’occupais de ma petite. Je faisais beaucoup de dessins sur commande (des princesses, des petits bonhommes), je préparais le dîner, je la couchais pour la sieste… Là, je n’étais pas juste maître de maison, j’étais aussi travailleur autonome; je devais travailler le plus possible pendant les siestes!
Te sentais-tu seul?
Oui, un peu, mais je pense que c’est une chose normale quand on est à la maison. Parfois, les journées sont longues, mais on s’en sort en variant les stimulis. Au lieu de rester à la maison, j’ai commencé à aller dans un café du quartier pour partager un croissant avec ma petite, à aller au parc à côté, à jaser avec d’autres parents…
C’était très plaisant, ça faisait une distraction pour le papa! Non seulement ça me changeait de l’air de la maison et c’était bon pour Florence. Le fait de discuter avec d’autres parents au parc par exemple me permettait de relativiser certaines choses, certaines étapes du développement de ma fille. On échangeait sur nos expériences respectives, et ça, c’était très précieux.
Quelle était la réaction des gens la plus fréquente quand tu leur disais que tu étais papa à la maison?
Excellente, je dirais, surtout au parc. Les mamans trouvaient donc ça l’fun! Pour la grand-mère de Chantal, c’était un émerveillement et aussi une surprise (« Moi mon mari faisait pas ça! »). Mais c’est normal, ils sont issus d’une génération où les rôles étaient plus définis. Notre génération à nous s’en étonne moins.
Quel genre de papa es-tu?
Plus autoritaire que la moyenne, peut-être. Je veux que mes filles se sentent encadrées, me soucier d’elles sans que ce soit sec ou brusque pour autant. À long terme, ça les aidera à mieux se comporter en société. J’ai un tempérament perfectionniste, aussi. Je suis un adepte de la ponctualité, j’aime quand les choses sont à heures fixes… Peut-être par égoïsme, dans un certain sens, car la conséquence d’un horaire tout croche, c’est que tu ne peux pas t’écraser aussi vite dans le sofa le soir!
Avais-tu du soutien de ta conjointe?
Bien sûr! On a partagé un horaire où certains moments étaient consacrés au travail et d’autres à la famille : on alternait de façon équitable et ça se passait très bien.
Sur le plan professionnel, as-tu douté de pouvoir revenir sur le marché?
Non. Par contre, ce qui me m’embêtait, c’est que j’avais l’impression que je pourrais faire plus si je n’avais pas d’enfants. Je valorisais plus la relation avec mes filles que la carrière, mais j’ai quand même dû refuser des occasions sachant mon temps limité dans une journée. Et j’ai dû faire une croix sur des postes de direction artistique, aussi… Alors j’avais hâte d’appuyer sur l’accélérateur!
T’est-il arrivé de regretter d’être resté à la maison?
Non. Je ne le regrette pas si je regarde les résultats : pour la stabilité et la qualité de la relation qu’on a développée, c’était la chose à faire. Mes filles sont affectueuses, pas craintives des autres, relativement polies (!), empathiques et elles se contrôlent bien.
Mais bon, on envie toujours le voisin : il y a des parents qui s’investissent fort et qui s’épanouissent au travail, mais ils ont leur lot de problèmes aussi! Une maman de l’école me disait dernièrement qu’elle voyait juste ses enfants une petite demi-heure par jour! Moi, je les vois toujours, je les encadre beaucoup et je suis content d’être là pour elles. On ne peut pas tout avoir!
Est-ce qu’il y a des conseils que tu donnerais aux nouvelles familles qui envisageraient de faire la même chose?
La liberté financière, c’est le nerf de la guerre. Il faut se préparer financièrement à la chose, parce qu’avoir assez d’argent de côté apporte la paix d’esprit.
Il faut aussi, je pense, séparer de façon claire dans ta tête les moments où tu te consacres à ton enfant. Quand on est un parent au foyer, on s’occupe pas mal de tout en même temps. Or, j’ai découvert que j’éprouvais plus de bonheur quand j’essayais de concentrer mon attention à 100 % sur ma fille que lorsque je tentais de faire des tâches tout en m’occupant d’elle. D’ailleurs, quand je regarde mes filles avec leurs grands-parents, je remarque qu’elles ont leur attention TOTALE et qu’eux ont des ressources de patience et d’énergie qu’on dirait inépuisables. J’envie de temps en temps ce don total de soi… J’admire les parents qui en sont capables, en tout cas! Mais c’est selon moi difficile de tout équilibrer : il faut accepter que tout ne soit pas parfait!
Propos recueillis par Violaine Ducharme – 37E AVENUE
Crédit illustration : Pascal Colpron