Il peut parfois être difficile de faire le deuil de l’accouchement rêvé.
Même si chaque expérience d’accouchement est unique, les femmes enceintes sont souvent exposées à différents scénarios d’accouchement parfait. Très tôt pendant la grossesse, les futures mères s’imaginent donc comment se passera la naissance de leur bébé. Elles tentent aussi de se préparer de leur mieux et veulent mettre toutes les chances de leur côté.
Cependant, malgré tous ces efforts, l’accouchement ne se passe pas toujours comme prévu. En fait, très peu de femmes vivent l’accouchement qu’elles ont imaginé. La plupart du temps, ce moment tant attendu est aussi synonyme de douleur et de perte de contrôle. Il peut alors être difficile de faire le deuil de l’accouchement tant espéré.
Un sentiment de déception après l’accouchement
Lorsque la naissance ne se déroule pas comme prévu, la nouvelle mère peut ressentir plusieurs émotions différentes. Bien sûr, elle sera probablement déçue et triste. Elle peut aussi ressentir de la colère et de la frustration. Elle tentera alors de comprendre pourquoi les événements ont mal tourné.
Certaines mères peuvent se sentir responsables de ce qui s’est passé et penser avoir vécu un échec. Elles croient ne pas avoir été à la hauteur et ont l’impression de ne pas avoir vraiment vécu la naissance de leur bébé. Ces femmes préféreront peut-être ne pas reparler de l’événement. Elles seront aussi agacées par les histoires d’accouchement des autres mères et envieront leur expérience.
La mère peut aussi se sentir coupable d’éprouver ces sentiments, car elle garde en tête l’image d’une mère heureuse d’avoir un bébé. Elle pourrait alors garder ses émotions pour elle et ne pas oser en parler.
Le soutien des proches et le fait qu’ils reconnaissent la perte vécue par la mère sont très importants pour le processus de deuil. Cependant, l’entourage de certaines mères n’est pas toujours compréhensif de leur douleur. Il peut leur reprocher de ne pas se réjouir d’avoir mis au monde un enfant en santé. Pourtant, il est possible d’être contente que le bébé aille bien tout en étant déçue du déroulement de l’accouchement.
En fait, les études révèlent que la détresse d’une mère n’est pas liée à la douleur et à la gravité des complications qu’elle a vécues. C’est plutôt l’impression de ne pas avoir reçu le soutien nécessaire pendant l’accouchement, les problèmes de communication avec l’équipe médicale et le sentiment de perte de contrôle qui peuvent causer un traumatisme. Les mères qui ont vécu un accouchement difficile rapportent souvent s’être senties soudainement en danger et dépassées par la situation. En d’autres termes, les sentiments éprouvés au cours de l’événement et la perception de la mère sont plus importants que l’événement lui-même.
Des attentes réalistes pendant la grossesse
Avant même l’accouchement, il est important d’être consciente que l’accouchement imaginé n’est qu’un idéal. Cela permet de laisser de la place à l’imprévu. L’élaboration du
plan de naissance peut être une bonne occasion de réfléchir aux différents scénarios qui pourraient survenir au moment de l’accouchement. Il faut toutefois se rappeler qu’un accouchement est imprévisible. Le plan de naissance n’est donc pas une liste d’exigences et doit demeurer flexible. Il permet de prévoir différentes solutions de rechange et d’en informer le personnel soignant pour que celui-ci en tienne compte pendant l’accouchement.
Quoi faire?
Quelques gestes peuvent aider une femme à gérer la détresse causée par un accouchement difficile :
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Se donner le droit d’éprouver de la déception et de la tristesse par rapport à l’accouchement et reconnaître qu’il peut s’agir d’un processus de deuil;
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Se dire que la majorité des femmes ne vit pas l’accouchement qu’elles ont imaginé et qu’elle n’est donc pas seule à connaître ces sentiments;
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Reconnaître que ce qui s’est passé a une réelle importance pour elle;
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Mettre des mots sur les émotions ressenties;
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Reconnaître qu’il est impossible de tout contrôler dans un accouchement et qu’on n’a pas à se sentir coupable pour une situation qui était hors de notre contrôle;
- Chercher un sens aux sentiments vécus plutôt que de se culpabiliser;
- Se féliciter pour les décisions positives prises au moment de l’accouchement;
- Reparler de l’accouchement avec son médecin, sa sage-femme ou son accompagnante pour avoir une meilleure perspective des événements;
- Parler avec son partenaire de l’accouchement. Sa perception étant différente, cela peut aider à mettre les choses en perspective;
- Discuter avec d’autres mères qui ont vécu un accouchement difficile. Les organismes de soutien comme AVAC-Info peuvent alors offrir des ressources intéressantes;
- Écrire ce qu’on ressent dans un journal intime ou utiliser l’art (dessin, peinture, musique, etc.) pour extérioriser ses sentiments;
- Prendre soin de soi, soit par des soins physiques ou en s’accordant du temps juste à soi, pour récupérer et apprivoiser ce qui s’est passé.
Le processus de guérison peut prendre un certain temps. Il faut donc s’armer de patience. Pour certaines femmes, quelques jours suffiront, alors que pour d’autres plusieurs semaines et même quelques mois seront nécessaires.
Dans certains cas, plusieurs années s’écouleront, car la mère aura tenté d’ignorer ce moment difficile. Les émotions reviennent alors à la surface seulement lorsque l’enfant est plus grand et moins accaparant pour la mère ou lors d’une nouvelle grossesse.
Quand consulter?
Si les souvenirs négatifs de l’accouchement vous empêchent de fonctionner, nuisent à votre relation avec votre enfant ou vous empêchent d’envisager une autre grossesse, il est important d’aller chercher de l’aide professionnelle.
En effet, environ 4 à 6 % des femmes peuvent vivre un trouble de stress post-traumatique après un accouchement difficile et 20 % éprouveront certains symptômes de stress post-traumatique leur causant de la détresse. Par conséquent, si vous présentez les symptômes suivants, discutez-en avec votre médecin :
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Cauchemars à répétition au sujet de l’accouchement;
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Images de l’accouchement qui reviennent à l’esprit de façon troublante et soudaine;
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Tendance à éviter de repenser à l’accouchement et d’éviter les situations qui peuvent le rappeler;
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Sentiment d’être toujours sur ses gardes, irritable, hypervigilante, très émotive et hyperactive;
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Difficulté à se concentrer et à dormir;
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Repli sur soi et sentiment d’être engourdie ou détachée des autres et de l’environnement;
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Difficulté à s’occuper de son bébé ou tendance à l’éviter.
À retenir
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La plupart des femmes ne vivent pas l’accouchement qu’elles ont imaginé.
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Il est normal de vivre de la déception, de la tristesse, de la frustration ou de la colère après un accouchement difficile.
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Si les souvenirs négatifs de votre accouchement vous empêchent de fonctionner et nuisent à votre relation avec votre bébé, consulter un professionnel.
| Révision scientifique : Nicole Reeves, psychologue, Centre des naissances du CHUM Recherche et rédaction :Équipe Naître et grandir Mise à jour : Septembre 2020
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Photo : iStock.com/monkeybusinessimages
Références
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