Loyer élevé, manque d’espace, bruit qui dérange les voisins… Quelles sont les principales difficultés des familles en logement ? Et qu’est-ce qu’elles aiment le plus ?
Par Nathalie Vallerand
Loyer élevé, manque d’espace, bruit qui dérange les voisins… Quelles sont les principales difficultés des familles en logement ? Et qu’est-ce qu’elles aiment le plus?
Pas toujours évident de se trouver un logement. Certains propriétaires ne souhaitent pas louer à des familles avec enfants. Ils le font savoir de manière détournée, par exemple en annonçant que leur logement est idéal pour des retraités, une personne seule ou un couple.
Ce type de façon de faire est interdit par le Code civil du Québec ainsi que par la Charte des droits et libertés de la personne. Mais, comme les propriétaires n’ont pas de difficulté à trouver des locataires, certains hésitent à louer aux familles parce qu’ils ont peur qu’elles fassent trop de bruit.
Chut!
Éloïse Gaudreau a déjà habité avec ses enfants de 5 ans et 3 ans au deuxième étage d’un triplex à Québec. « Le propriétaire demeurait en bas et il cognait au plafond avec un bâton quand mes enfants faisaient du bruit. C’était stressant et comme je ne voulais pas être toujours derrière les enfants pour les empêcher de bouger, j’ai déménagé. »
Une autre maman, Stéphanie, se souvient pour sa part de voisins qui se plaignaient d’entendre son fils marcher et courir tôt le matin. « Robin avait 1 an à l’époque et ils m’avaient demandé de le garder au lit jusqu’à 8 h! »
Selon la loi, les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage. Des bruits de pas, des chaises qu’on déplace, des enfants qui rient ou qui pleurent peuvent être des exemples de bruits normaux de la vie quotidienne. Cependant, la loi dit aussi que les locataires ont droit à la jouissance paisible des lieux (c’est le droit de pouvoir utiliser leur logement sans être dérangés de façon démesurée). Il faut donc éviter de déranger les voisins avec des bruits excessifs.
Que faire si quelqu’un se plaint du bruit que font vos enfants? « Le mieux, c’est de se parler calmement et d’être à l’écoute de l’autre, conseille l’avocat Antoine Morneau-Sénéchal qui pratique en droit du logement. Chacun doit mettre de l’eau dans son vin. » Par exemple, une famille pourrait accepter de marcher sans souliers, mettre des feutres sous les meubles, baisser le son de la télévision…
Prix élevé des loyers
Le prix moyen des logements à louer a explosé ces dernières années au Québec et cela met une pression sur les familles qui déménagent. En 2024, le coût moyen d’un 4 ½ à louer sur le site Kijiji était de 1828 $ par mois comparativement à 1311 $ en 2022, selon l’enquête annuelle du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ). Pour un 5 ½ et plus à louer, le prix moyen s’élevait à plus de 2200 $ comparativement à 1696 $ en 2022.
De son côté, la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) indique qu’en 2024, le prix des loyers pour un logement neuf (achevé au cours des 3 dernières années) de deux chambres s’élevait à 2157 $ à Montréal, comparativement à 1723 $ en 2020. Et la situation n’est pas près de s’améliorer alors que la hausse recommandée des loyers pour 2025 est de 5,9 %, la plus forte augmentation depuis 30 ans!
Cette hausse crée toute une pression financière sur les familles et ajoute à leur difficulté de trouver un logement adapté à leurs besoins. « Il n’y a pas assez de logements abordables et les familles à revenus modestes sont les premières victimes de cette situation », dénonce le RCLALQ.
La situation devient encore plus difficile pour les parents séparés qui n’ont qu’un seul salaire pour payer le loyer. Après sa séparation, c’est dans une coopérative d’habitation qu’Éloïse a trouvé un logement abordable. « Les loyers sont moins chers dans une coopérative, mais les locataires ont des corvées à faire en échange », explique la maman.
Par ailleurs, les familles sans expérience de crédit peuvent avoir plus de difficulté à louer un logement. C’est ce qui s’est passé pour Pierre Richard Carrier et sa femme, lorsqu’ils sont arrivés d’Haïti. « On a visité une quinzaine de logements, mais ça ne fonctionnait jamais parce qu’on n’a pas d’antécédent de crédit, raconte le papa de Mathys, 6 mois. On a finalement trouvé un demi-sous-sol à Laval. La propriétaire a seulement demandé le premier mois de loyer d’avance en trois versements. Une bonne personne sur notre route! »
Pas besoin d’une cour pour être heureux!
![](/DocumentsNG/Fiches/images/la-realite-des-familles-locataires-2.Jpeg) Les parcs et les ruelles sont de formidables endroits de jeux pour les enfants et de rencontres pour les parents. À Montréal, par exemple, une vie communautaire anime plusieurs ruelles. « Entre voisins, on organise toutes sortes d’activités. Jeux et chocolat chaud l’hiver, 5 à 7, Halloween dans la ruelle… Les parents socialisent et les enfants s’amusent », raconte François-Olivier Leblanc, un père qui vit à Montréal avec ses enfants. Dans plusieurs quartiers, des familles se retrouvent aussi au parc pour pique-niquer ou passer quelques heures entre amis dès que les beaux jours reviennent. |
Pas assez de grands logements
Le manque de grands logements complique aussi la vie des locataires. « Les 6 ½ et plus sont très rares, constate le chercheur Xavier Leloup, de l’Institut national de la recherche scientifique. C’est une question de rentabilité pour les propriétaires. Deux petits logements rapportent davantage qu’un grand. »
À partir de trois enfants, une famille peut donc avoir du mal à trouver un logement assez grand. Et c’est encore plus difficile pour les parents qui ont plus d’enfants. En conséquence, des familles doivent s’entasser dans des logements trop petits, trop chers et parfois insalubres. Un rapport de l’Observatoire des tout-petits mentionne d’ailleurs qu’en 2021, un quart des familles vivait dans des logements inadéquats, parce que trop petits, trop chers ou en mauvais état.
Parfois aussi, les logements ont une bonne grandeur, mais ils ne sont pas adaptés aux besoins des familles. « Il y a beaucoup de logements de type loft, avec une grande aire ouverte ou une seule chambre fermée, remarque Xavier Leloup. Avec des enfants, ce n’est pas l’idéal. Aussi, on ne pense pas toujours aux familles quand on développe de nouveaux quartiers sans école à proximité. »
Manque de logements sociaux Malgré l’annonce de mise en chantier de nouveaux projets de logements sociaux dans plusieurs municipalités en 2024, il n’y en a pas assez au Québec pour répondre à la demande. Et ça ne se règlera pas à court terme, car il ne s’en construit pas beaucoup. « À part Montréal, peu de villes favorisent l’inclusion de logements sociaux dans les projets immobiliers, explique le chercheur Xavier Leloup, de l’Institut national de la recherche scientifique. De plus, il y a moins de terrains disponibles et ils coûtent plus cher. » Selon le Front d’action populaire en réaménagement urbain, un organisme qui lutte pour le droit au logement, il faudrait doubler le nombre de logements sociaux d’ici 15 ans pour sortir de la crise du logement. |
Les côtés positifs
Le bon voisinage est l’un des avantages de vivre en logement. « Je m’entends bien avec mes voisins d’immeuble, se réjouit Guylaine, qui habite un quadruplex à Montréal avec son fils Rémi. L’été, on fait un jardin communautaire et on partage parfois un barbecue. On se rend aussi des services. Par exemple, ma propriétaire va souvent chercher mon fils à la maternelle et l’amène chez elle jusqu’à mon retour du travail. »
« Il y a beaucoup d’enfants dans la rue où je vis à Montréal, dit pour sa part Claudine. Ma fille y a des amis et les voisins se connaissent tous. Ça me rappelle l’ambiance de mon enfance. J’aime aussi la diversité culturelle du quartier. C’est enrichissant pour ma fille. »
Un autre aspect positif de vivre en logement, c’est qu’il y a moins d’entretien à faire. « Je n’ai pas à tondre le gazon et, s’il y a un bris, les propriétaires s’en occupent, dit Claudine. Ça donne plus de temps pour la famille! » Et ça évite d’avoir de grosses dépenses imprévues : toit qui coule, système de chauffage qui brise, etc.
De plus, comme beaucoup de logements sont en ville, ils sont habituellement mieux desservis par le transport en commun. « J’habite à sept minutes à pied d’une station de métro, dit Pierre Richard Carrier. C’est pratique. Ça me permet de me rendre facilement au travail. »
La proximité des services est un autre atout. Cela donne aux familles la possibilité de se passer de voiture, donc de réduire leurs dépenses. « L’épicerie, la pharmacie, l’école, tout se fait à pied », se réjouit Geneviève, une maman qui habite à Montréal avec ses trois enfants.
J’aurais voulu avoir une maison
Il n’en demeure pas moins que pour bien des gens, avoir une maison est un symbole de réussite. Le rêve d’être propriétaire est donc bien présent chez certains locataires, même si ce n’est pas toujours réaliste.
« J’ai déjà eu une maison avec mon ancien conjoint, raconte Geneviève. C’était un accomplissement pour moi. Mais, des problèmes financiers nous ont fait perdre la maison. J’ai trouvé ça très difficile. Et je rêve encore aujourd’hui d’une maison à moi. »
Ce qui dérange le plus dans le fait de vivre en logement, c’est de ne pas être maître chez soi. Les locataires ne peuvent pas faire tout ce qu’ils veulent. Ils doivent obtenir l’accord de leur propriétaire par exemple pour ouvrir une garderie en milieu familial ou avoir un animal de compagnie.
Stéphanie, la maman de Robin, considère pour sa part que « le paiement du loyer est une dépense alors que l’hypothèque d’une maison est un investissement ». « D’un autre côté, ajoute-t-elle, je n’ai pas d’argent à rembourser pendant des années. Et, comme locataire, je suis libre de partir à la fin de mon bail. C’est moins compliqué que de vendre une maison. »