Le sentiment de culpabilité peut parfois être utile. Il incite les parents à se questionner sur leurs façons de faire et sur leurs comportements.
Par Nathalie Vallerand
« À la fin de chaque journée, je me dis que je n’ai pas passé assez de temps avec mes enfants, que je n’ai pas eu de plaisir avec eux, déplore Marie-Ève, maman de Mia, 6 ans, de Nolan, 2 ans, de Romain, 7 mois, et d’une adolescente de 13 ans. J’ai tellement de choses à faire! Et bientôt, ce sera pire, car mon congé de maternité achève. Je me sens aussi coupable de donner des conséquences à mes enfants quand ils se comportent mal et de faire manger des purées du commerce à mon petit dernier, alors que les autres ont eu des purées maison. »
Quel parent ne ressent pas ce fameux sentiment de culpabilité? Anika, par exemple, travaille de la maison, ce qui permet à Ann-Charlotte, 6 ans, et à Louis-Félix, 4 ans, de profiter de matins moins pressés. Mais elle culpabilise lorsqu’elle doit emmener sa marmaille au service de garde plus tôt que d’habitude. Elle a pourtant une bonne raison : elle fait du bénévolat deux fois par mois au Club des petits déjeuners! Claudine, pour sa part, se sent coupable de ne pas jouer assez avec Thomas, 5 ans, et Leah, 2 ans. « Je n’ai pas toujours le temps ni l’envie de jouer à quatre pattes ou à la cachette. »
Geneviève Henry, intervenante professionnelle à Ligne Parents, reçoit de nombreux appels de parents qui vivent de la culpabilité pour mille et une raisons. « Élever des enfants, c’est une grande responsabilité. Les parents veulent bien faire les choses, mais craignent de se tromper, de ne pas réussir à donner le meilleur à leurs petits. Certains parents peuvent se sentir coupables. » Parfois, aussi, on se sent coupable parce qu’on s’en met trop sur les épaules et qu’on oublie de faire équipe avec l’autre parent.
Le sentiment de culpabilité peut parfois être utile. « Il incite les parents à se questionner sur leurs façons de faire et sur leurs comportements, explique le psychologue Nicolas Chevrier. Cette réflexion peut les conduire à effectuer des changements, si nécessaire, ou au contraire à réaliser qu’il n’y a pas lieu de culpabiliser. »
Par contre, si la culpabilité devient trop présente, il y a un problème. Lorsqu’on a l’impression de ne jamais faire ce qu’il faut, on finit par douter de nos capacités parentales. Par conséquent, notre estime de soi diminue. Et comme on est un modèle pour notre enfant, celui-ci risque à son tour d’avoir de la difficulté à développer une image positive de lui-même.
Se sentir coupable à tout propos entraîne aussi stress et fatigue. Les émotions prennent alors le dessus, on a de la difficulté à réfléchir, à prendre des décisions adéquates, à profiter des bons moments en famille. « Parce qu’ils se sentent coupables, certains parents peuvent parfois compenser en devenant trop permissifs », ajoute Geneviève Henry. Or, les tout-petits ont besoin de règles et de routines pour se sentir sécurisés.
Quelques pistes pour ne pas vous laisser envahir par la culpabilité : - Vous permettre d’essayer des choses. Il est normal de ne pas toujours avoir la solution du premier coup. Pour savoir ce qui convient le mieux à votre enfant, vous devrez peut-être essayer diverses façons de faire. Donnez-vous le droit à l’erreur, car oui, il est possible que vous vous trompiez.
- Relativiser. La plupart du temps, les situations ne sont pas aussi dramatiques que vous l’imaginez. Est-ce la fin du monde si votre enfant a une tache sur ses vêtements aujourd’hui? Si vous n’aimez pas jouer aux petites autos avec lui? Si vous êtes arrivé un peu en retard? Questionnez-vous : dans toute une vie, qu’est-ce que ça représente? Cela vous aidera à prendre du recul.
- Profiter de chaque petit moment avec votre enfant. Vos routines et vos rituels quotidiens sont de belles occasions de passer du temps de qualité avec votre tout-petit (quand votre enfant raconte sa journée au souper, au moment du bain, pendant la lecture avant le dodo…). Vous pouvez aussi transformer en jeu de petites tâches de tous les jours, comme le fait Claudine en demandant à Thomas et à Leah de l’aider à mettre la table. D’autres idées : lui faire compter les boîtes de conserve à ranger, chanter des comptines en lui donnant le bain, demander à fiston de plier les débarbouillettes quand vous pliez le reste des vêtements, etc.
- Faire équipe avec l’autre parent et accepter l’aide des autres. Vous n’avez pas à assumer seul le poids des responsabilités parentales. Revoir avec votre partenaire la répartition des tâches, de la charge mentale et des soins à apporter à votre enfant pourrait vous aider à moins vous sentir responsable de tout ce qui concerne la vie familiale. Il est aussi souhaitable que d’autres prennent le relais quand vous en ressentez le besoin.
- Prendre du temps pour vous. Faire une activité que vous aimez (aller marcher, rendre visite à une amie, lire, faire du sport…) vous aidera à recharger vos batteries et à vous sentir plus solide émotivement.
- Ne pas remettre en question toutes vos compétences lorsque survient une épreuve. Vous n’êtes pas un parent moins compétent parce que vous vivez une période difficile (stress particulier au travail, perte d’emploi, séparation…).
|