Vous souhaitez que votre enfant garde de beaux souvenirs de ses premières années. Mais qu’est-ce qui fait que des souvenirs resteront gravés dans sa mémoire et que d’autres s’effaceront?Vous souhaitez que votre enfant garde de beaux souvenirs de ses premières années. Mais qu’est-ce qui fait que des souvenirs resteront gravés dans sa mémoire et que d’autres s’effaceront?
Luiza, 5 ans, a visité la famille de sa maman au Maroc quand elle avait 3 ans. Elle n’a vu son grand-papa que quelques heures. Pourtant, elle se souvient de ce qu’elle a fait avec lui. « Elle nous raconte qu’il lui a donné des bonbons, des biscuits, qu’ils ont joué ensemble à un jeu », raconte Maria, sa maman.
La fillette se rappelle aussi s’être fait bousculer il y a deux ans dans un autobus scolaire. « Elle a tout oublié du camp de jour où elle se rendait, mais elle nous parle encore de ce qui s’est passé dans l’autobus », s’étonne sa mère.
Quand quelque chose sort de l’ordinaire ou fait vivre une émotion intense à votre enfant, il garde souvent cet événement en mémoire plus longtemps. Comme Luiza, mais aussi comme Émile, 4 ans, qui a vu, il y a un an, un spectacle avec un pirate. « Ça l’a beaucoup excité et depuis, il n’arrête pas d’en parler », dit Elizabeth, sa maman.
Toutefois, ce qui est mémorable pour vous ne l’est pas forcément pour votre enfant. La naissance d’un petit frère ou d’une petite soeur, par exemple. « Comme c’est important, les parents pensent que leur enfant va s’en souvenir, remarque Geneviève Cadoret, professeure à l’UQAM et chercheuse dans le domaine de la mémoire. Mais ce n’est pas toujours le cas. Une sortie spéciale dans un parc sera peut-être plus marquante pour lui! »
Parfois aussi, l’enfant oublie presque tout d’une activité, sauf un détail qui semble sans importance. Émile, par exemple, a fait une belle sortie au musée avec ses parents quand il avait 2 ans. « En sortant, nous avons vu un chien et c’est de ça qu’il nous a parlé les jours d’après », raconte sa mère en riant.
Bien sûr, les enfants se souviennent mieux de ce qui les intéresse. Mais s’ils retiennent peu de choses d’une activité, c’est aussi parce que leur cerveau est en construction, selon Sarah Lippé, neuropsychologue et professeure à l’Université de Montréal. « Pour avoir une vue d’ensemble d’une situation, il faut traiter plusieurs informations à la fois. Mais c’est encore difficile pour un jeune cerveau », dit-elle.
L’amnésie infantile, c’est quoi?
La majorité des adultes situent leurs premiers souvenirs d’enfance entre 3 ans et 4 ans. Avant cela, ils ont presque tout oublié. C’est ce qu’on appelle l’amnésie infantile. En fait, vers 8 mois, les bébés sont capables d’avoir quelques petits souvenirs. Malgré cela, l’enfant devenu adulte aura oublié la fête de son premier anniversaire. Et même tout ce qui s’est passé avant ses 2 ans. Les souvenirs personnels qui se forment dans les deux premières années de vie sont en effet vite envolés. Il ne restera pas grand-chose non plus de la troisième année.
Le tout-petit doit oublier une partie de ses souvenirs pour pouvoir apprendre de nouvelles choses.
La science commence à avoir une bonne idée de ce qui explique ce phénomène, même s’il reste beaucoup à apprendre. Chez l’enfant de moins de 2 ans, l’hippocampe, une région du cerveau, n’est pas encore assez mature pour bien faire son travail de stockage et de récupération des souvenirs. De plus, le cerveau passe son temps à réorganiser les neurones pour devenir plus performant.
« Les nouveaux neurones servent à accueillir les nouveaux apprentissages de l’enfant, nombreux à cet âge, résume Marion Noulhiane, chercheuse en neurosciences au centre de recherche NeuroSpin, en France. Pour faire de la place à ce qui doit être appris, il faut éliminer ce qui n’est plus utile. Cela explique la disparition des souvenirs. »
L’amnésie infantile est aussi causée en partie par la mauvaise maîtrise du langage du tout-petit. En effet, parler d’un événement aide à le garder en mémoire. Or, un enfant qui ne maîtrise pas encore le langage n’est pas capable de raconter ses souvenirs.
Les expériences qu’un enfant a vécues ont-elles un effet plus tard dans sa vie, même s’il les a oubliées? C’est possible. « Si un enfant est maltraité, certaines zones du cerveau peuvent garder des traces des émotions ressenties, dit Marion Noulhiane. Même s’il ne se souvient pas de ce qui s’est passé, cela peut avoir un impact sur sa personnalité et sur son comportement. »
L’aider à se souvenir
Elizabeth parle souvent avec son fils Émile des beaux moments qu’ils ont passés ensemble. C’est une bonne idée! Car même si vous ne pouvez pas décider ce qui restera gravé dans la mémoire de votre enfant, vous avez tout de même une influence.
Lorsque l’enfant dort bien, il retient mieux ce qu’il a appris.
Lorsque vous parlez souvent avec votre enfant de ce que vous avez vécu avec lui et que vous l’encouragez à raconter les choses de son point de vue, vous l’aidez à revivre ses expériences dans sa tête et à mieux structurer son histoire. Il a alors plus de chances de s’en souvenir plus longtemps, selon la professeure et chercheuse Geneviève Cadoret. C’est plus efficace que de seulement le questionner sur les détails des événements vécus. De plus, ceci l’aide à améliorer son langage.
Toutefois, il est aussi possible que des enfants aient des impressions de faux souvenirs. « Il est compliqué de faire la part des choses entre un événement vécu à l’âge de 2 ans dont on se souvient et un événement dont on a vu des photos », conclut la professeure et chercheuse Marion Noulhiane.
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Plus votre enfant grandit, plus il a de la mémoire.
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La mémoire qui permet de se souvenir d’événements passés (mémoire épisodique) prend plus de temps à se développer que les autres formes de mémoire.
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La maîtrise du langage aide les souvenirs à se former.
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| Source : magazine Naître et grandir, octobre 2017 Recherche et rédaction : Nathalie Vallerand Révision scientifique : Cindy Beaudoin, neuropsychologue, conseillère principale de recherche, Laboratoire de neuropsychologie développementale ABCs, Université de Montréal et Centre de recherche de l’Hôpital Sainte-Justine
Mise à jour : Octobre 2023
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RESSOURCESSite web Livres pour les parents - La mémoire de l’enfant, A.-M. Soprano et J. Narbona, Masson, 2009, 216 p.
- L’enfant, la musique et la mémoire, R. Kaddouch et M. Noulhiane, De Boeck, 2013, 96 p.
Autre référence - Memory :Normative development of memory systems. A. Bouyeure et M. Noulhiane, Handbook of Clinical Neurology, 2020, chapiter 17, volume 173, p. 201-213.
sciencedirect.com
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Photos : GettyImages/Freemixer, Maxim Morin et GettyImages/Sidekick