Même si le congé parental peut être utilisé par les deux parents, les mères le prennent encore plus souvent que les pères. Pourquoi? Et quels sont les avantages d’un meilleur partage de ce congé?
Par Nathalie Vallerand et Julie Leduc
Davantage de parents partagent aujourd’hui le congé parental. Toutefois, les mères le prennent encore plus souvent que les pères. Pourquoi? Et quels sont les avantages d’un meilleur partage de ce congé?
Les nouveaux parents apprécient le temps passé avec leur bébé grâce au congé parental. « J’ai aimé pouvoir me consacrer à mon enfant pendant toute une année, dit Tamaro, maman de Jonathan, 4 ans, et d’Olivier, 2 ans. Les bébés grandissent tellement vite, je n’aurais pas voulu manquer ça. »
« Ma conjointe et moi avons pris une partie du congé en même temps, dit pour sa part Lee-Christophe, papa d’Oscar, 23 mois, et de Félix, 4 mois. Nous avons pu nous habituer ensemble à notre vie de famille. Mes collègues plus âgés, qui n’ont pas eu droit à cette mesure, me trouvaient chanceux. » Le jeune papa a aussi pris quelques semaines du congé parental en plus de son congé de paternité. « J’ai choisi d’avoir des enfants et, pour moi, ça implique de m’en occuper. »
Aujourd’hui, comme Lee-Christophe, une grande majorité de pères prennent toutes les semaines du congé de paternité, et plus de 40 % d’entre eux le complètent avec des semaines du congé parental.
Le RQAP en brefLe Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) s’adresse aux travailleuses et travailleurs salariés ou autonomes, admissibles selon certains critères liés à leur emploi.
Dans le cas d’une grossesse et d’une naissance, le RQAP comporte trois congés différents : un pour la mère ou la personne qui a accouché, un pour le père ou le parent qui n’a pas donné naissance à l’enfant et un troisième qui peut être partagé entre les deux parents.
Selon le type de régime choisi, la mère ou la personne enceinte et qui accouche a droit à un congé de maternité de 18 semaines (régime de base) ou de 15 semaines (régime particulier) et le père ou le parent qui n’a pas donné naissance à l’enfant a le droit de prendre 5 semaines (régime de base) ou 3 semaines (régime particulier) de congé. De plus, les parents peuvent se partager 32 semaines (régime de base) ou 25 semaines (régime particulier) du congé parental dans les 18 mois qui suivent la naissance.
Les parents ont aussi droit à 4 semaines de prestations additionnelles si chaque parent prend au moins 8 semaines du congé parental (régime de base). S’ils ont opté pour le régime particulier, ils ont plutôt droit à 3 semaines de prestations additionnelles si chaque parent prend au moins 6 semaines du congé parental.
Dans le cas d’une adoption, chaque parent a droit, selon le type de régime choisi, à 5 semaines (régime de base) ou à 3 semaines (régime particulier) de prestations. Les parents ont aussi droit pour l’accueil, le soutien et l’adoption à 45 semaines (régime de base) ou à 37 semaines (régime particulier), qui peuvent être partagées entre les deux. Si chaque parent prend au moins 8 semaines (régime de base) ou 6 semaines (régime particulier) de prestations d’adoption partageables, ils auront droit à 4 semaines (régime de base) ou à 3 semaines (régime particulier) de prestations additionnelles. En cas de naissance ou d’adoption multiple, chaque parent a droit à 5 semaines (régime de base) ou à 3 semaines (régime particulier) additionnelles de prestations parentales.
Les parents qui ont eu un enfant seul (à la naissance ou par adoption) ont droit à 5 semaines (régime de base) ou à 3 semaines (régime particulier) additionnelles de prestations parentales.
Pour en savoir plus à ce sujet, consultez notre fiche Le congé de maternité, de paternité et parental. |
Pourquoi plus souvent les mamans?
Bien que le nombre de pères qui prennent des semaines du congé parental soit en hausse, c’est encore souvent les mères qui prennent la majorité du congé. « C’était plus compliqué pour mon conjoint de s’absenter du travail, dit Tamaro, qui a pris tout le congé parental. Et surtout, je tenais à allaiter longtemps. » L’allaitement est en effet une des raisons souvent mentionnées pour expliquer le fait que les femmes prennent la majorité du congé parental, selon des études.
L’argent entre aussi en ligne de compte. Encore aujourd’hui, dans une majorité de couples, l’homme gagne davantage que la femme. Par exemple, en 2021, le revenu annuel médian après impôts des femmes était de 33 500 $ contre 39 900 $ pour les hommes. Plusieurs parents évaluent donc que le budget familial diminue moins quand c’est la mère qui prend l’essentiel du congé parental.
Derrière cette décision, il y a également la croyance répandue que les soins aux enfants reviennent surtout aux femmes. Malgré l’implication plus grande des hommes, les femmes sont encore vues comme le « parent principal », remarquent en effet plusieurs études et experts. Le congé parental est donc souvent perçu comme le prolongement du congé de maternité.
La plupart des couples ne discutent d’ailleurs pas vraiment du partage du congé parental. En général, la femme décide comment elle veut le prendre et son conjoint respecte son choix. « Les hommes qui prennent des semaines du congé parental estiment que leur conjointe leur fait une faveur, constate Valérie Harvey, une sociologue qui a fait sa thèse de doctorat sur le congé de paternité. Même si le congé parental appartient en fait aux deux parents, les pères disent que leur conjointe leur en a “donné” une partie. »
« La responsabilité des enfants fait tellement partie de l’identité féminine que moi-même je me suis demandée si j’étais une mauvaise mère parce que mon chum a pris le congé pour nos deux enfants, poursuit la sociologue. Pourtant, je n’avais pas envie d’arrêter de travailler pendant un an. »
Les pères qui utilisent la totalité du congé parental sont rares. En 2021, 8 % des pères ont pris l’ensemble du congé parental contre 19 % des mères. Et souvent, ils le font, car leur conjointe n’est pas admissible au régime d’assurance parentale parce qu’elle est soit aux études, soit sans emploi, soit en congé de maladie.
Le congé parental en chiffres-
plus de 2 millions de parents avaient bénéficié du Régime québécois d’assurance parentale depuis sa création en 2006;
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92 % des familles ayant eu un enfant ont bénéficié du RQAP; 84 % des mères et 74 % des pères ayant eu un enfant ont reçu des prestations du RQAP;
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83 % des familles ont choisi le régime de base (84 % parmi les parents salariés, 66 % parmi ceux en emploi autonome et 72 % parmi ceux dont l’un a un emploi salarié et l’autre autonome);
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35 % des couples ont partagé le congé. Une hausse de 8 points de pourcentage, soit 4 000 familles supplémentaires, par rapport à 2020;
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8 % des parents salariés semblent avoir profité en 2021 de la période supplémentaire de 6 mois pour prendre le congé parental, une mesure encore plus populaire parmi les travailleuses et travailleurs autonomes avec une augmentation de 23 %.
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Congé partagé, tâches partagées
Les parents gagneraient toutefois à mieux se partager ce congé. Quand la mère prend un long congé parental, il y a plus de risques d’inégalités dans le partage des responsabilités familiales. Durant cette période, elle fait souvent la majorité des tâches. Lorsqu’elle retourne ensuite au travail, la mère continue à s’occuper de la majorité des tâches domestiques et des soins aux enfants.
« Plus le père s’implique tôt dans la vie de son enfant, plus il devient à l’aise dans les soins à lui donner et plus il continue à s’en occuper plus tard », affirme Diane-Gabrielle Tremblay, professeure et chercheuse à l’Université TÉLUQ, qui fait des recherches sur le congé parental. Un meilleur partage du congé aiderait donc les femmes à mieux concilier la famille et le travail.
Le père qui prend une partie du congé parental s’implique tôt auprès de son enfant et fait plus de tâches domestiques.
Pour favoriser une meilleure égalité dans le couple, le Conseil du statut de la femme a recommandé, en 2015, que le gouvernement allonge de 3 semaines le congé de paternité réservé aux pères, à condition qu’ils soient seuls avec leur enfant pendant cette période. En effet, un père qui passe quelques semaines à s’occuper de son enfant devient plus conscient des difficultés que cela représente et développe un sentiment de responsabilité envers les besoins de son tout-petit.
C’est aussi une occasion pour lui de créer un lien d’attachement avec l’enfant. « C’est demandant, un bébé, lance Patrick, papa de Sean-Anthony, 4 ans, qui a pris la totalité du congé parental parce que sa conjointe était aux études. C’est beaucoup d’ouvrage, mais j’ai adoré ça. Mon fils et moi sommes très proches. Quand il a besoin de se faire consoler, il vient souvent vers moi. C’est un petit colleux à son papa. »
La présence du père est également bénéfique pour le développement du bébé. « Les deux parents ont chacun leur manière d’agir, de jouer et de s’en occuper, dit la sociologue Valérie Harvey. Ces différences stimulent l’enfant en plus de le préparer à vivre en société. »
Inciter les parents à partager le congé parental
Le RQAP est passé à l’action en 2020 pour favoriser une plus grande implication des pères lors du congé parental. Depuis la création du RQAP en 2006, « la participation des papas québécois n’a jamais cessé d’augmenter », a exposé Marie-Josée Dutil, actuaire au Conseil de gestion de l’assurance parentale, lors des Matinées RQAP en novembre 2023.
Elle indique que 74 % des pères prennent des congés parentaux au Québec comparativement à 30 % dans le reste du Canada. Mais le partage des semaines du congé parental peut encore s’améliorer pour favoriser l’implication des pères. C’est une des raisons qui a mené à l’adoption d’une nouvelle loi en 2020 pour bonifier le régime.
Une des mesures phares de cette nouvelle loi est le bonus de partage du congé parental. Cet incitatif donne droit à 4 semaines additionnelles de prestations (55 % du revenu), si chaque parent utilise au moins 8 semaines du congé parental (régime de base), ou à 3 semaines additionnelles (75 % du revenu) si chaque parent utilise au moins 6 semaines du congé parental (régime particulier).
Les premiers résultats liés à l’application de cette mesure montrent qu’en 2021, 22 % des parents ont partagé suffisamment de semaines du congé parental pour obtenir des semaines supplémentaires de prestation. C’est presque trois fois plus qu’en 2020 (8 %).
Le nombre moyen de semaines de prestations utilisées par les pères est ainsi passé de 9 à 10 semaines (congé de paternité et congé parental compris). La moyenne de 9 semaines était stable depuis plusieurs années. L’augmentation à 10 semaines est donc appréciable, selon le Conseil de gestion de l’assurance parentale qui pourra mieux évaluer l’effet de cette mesure au cours des prochaines années. De leur côté, les mères prennent en moyenne 46 semaines de congé au total.
D’autres idées
Différents intervenants qui étaient présents aux Matinées RQAP de novembre 2023 ont proposé des solutions pour faire en sorte que les pères prennent plus fréquemment ce congé. Voici quelques idées :
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Défaire l’idée que le congé parental appartient à la mère et que cette dernière donne des semaines au papa.
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Encourager la coparentalité dès le début de la grossesse.
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S’assurer que les services et les professionnels en périnatalité incluent les pères dans leur approche.
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Faire connaître les bienfaits de l’engagement des pères.
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Sensibiliser les milieux de travail, notamment ceux à prédominance masculine, pour qu’ils soient plus ouverts aux demandes des papas qui veulent profiter du congé parental.
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Encourager les parents à se renseigner davantage sur toutes les mesures et la flexibilité offertes par le RQAP.