Assurer les soins et l’éducation d’un enfant, c’est une grande responsabilité et beaucoup de travail. Les parents ont donc tout à gagner à s’entraider au quotidien et à former une bonne équipe parentale.
Par Nathalie Vallerand
Il n’y a pas si longtemps, la plupart des familles fonctionnaient selon le même modèle : « La mère s’occupait des enfants et des tâches ménagères tandis que le père gagnait l’argent pour faire vivre la famille », rappelle Diane Dubeau, professeure au Département de psychoéducation et de psychologie de l’Université du Québec en Outaouais.
Les choses ont bien changé. Aujourd’hui, c’est presque 80 % des mères d’enfants de 5 ans et moins qui ont un emploi, selon l’Institut de la statistique du Québec. La majorité des tout-petits ont donc deux parents qui travaillent. « L’entrée massive des femmes sur le marché du travail, une plus grande égalité entre les sexes et l’augmentation du nombre de séparations sont tous des changements sociaux qui ont entraîné un meilleur partage des responsabilités parentales », explique Diane Dubeau.
Faire équipe… ou pas?
Gloria Suarez, maman de Maya Sofia, 5 ans, et d’Elliot, 15 mois, est très contente de l’équipe qu’elle forme avec son conjoint. « On s’occupe tous les deux des enfants. On s’entend sur les choses importantes et on partage les tâches. Cela facilite beaucoup la vie de famille. »
Pendant le confinement, le quotidien de bien des familles a été bouleversé. Pour les parents qui ont fait du télétravail tout en s’occupant des enfants, cette période a été particulièrement difficile et stressante. Mari-Lou Bouchard et Philippe Chénier, parents de Xavier, 4 ans, et d’Anaïs, 3 ans, en savent quelque chose. Heureusement, ils ont pu compter l’un sur l’autre : « Ça a été un vrai travail d’équipe, dit Mari-Lou. Nous nous réservions des moments dans la journée où l’un de nous deux se concentrait sur le travail pendant que l’autre s’occupait des enfants. Ça nous a permis de passer au travers! »
Pour certains couples cependant, la coparentalité — c’est-à-dire la façon dont deux personnes éduquent et prennent soin ensemble de leur enfant — se passe moins bien. Cela arrive, par exemple, quand les parents sont souvent en désaccord, se font des reproches ou ne soutiennent pas les interventions de l’autre auprès de l’enfant. Il est normal de ne pas toujours être d’accord, mais il faut en parler entre adultes et non devant votre tout-petit. Certains parents sont aussi en compétition pour obtenir l’attention et l’affection de leur tout-petit. Ces comportements sont à éviter, car ils nuisent au bien-être de l’enfant et à l’harmonie dans la famille.
Heureusement, les couples peuvent améliorer leur mode de fonctionnement. « Quand les parents s’efforcent d’agir en fonction de l’intérêt de leur enfant, ils deviennent des alliés », dit Marie Simard, directrice générale de la Confédération des organismes familiaux du Québec (COFAQ) et instigatrice d’une formation sur la coparentalité.
Pour former une bonne équipe parentale, quatre éléments sont nécessaires : communiquer, faire preuve de cohérence parentale, partager les tâches et reconnaître l’engagement de l’autre.
Coparentalité : un mot, plusieurs définitionsDans ce dossier, le mot « coparentalité » signifie « faire équipe avec l’autre parent ». C’est aussi un terme utilisé depuis plusieurs années pour encourager les parents séparés à collaborer. De plus en plus, on voit également le mot « coparentalité » utilisé pour définir de nouveaux modèles de famille. Par exemple, une femme célibataire qui a un enfant avec un ami, ou un couple qui ne peut avoir d’enfants et qui inclut une troisième personne à son projet. |
Communication : se parler et s’écouter
« Les décisions importantes, on les prend ensemble ma conjointe et moi, dit Guillaume Duguay, papa de Henri, 3 ans, et de Clara, 1 an. On donne chacun notre point de vue, on évalue le pour et le contre. »
La plupart du temps, Mireille St-Pierre et Lydia Larocque sont sur la même longueur d’onde en ce qui concerne l’éducation d’Adèle, qui a presque 2 ans. Mais quand elles ont une divergence d’opinions, elles se demandent ce qui serait le mieux pour leur fille. Ça a été le cas lorsqu’elles ont dû s’entendre sur l’endroit où dormirait Adèle pendant ses premiers mois de vie : dans la chambre parentale ou dans sa propre chambre? Les mamans ont convenu de faire des lectures sur le sujet et de s’en reparler ensuite. « Finalement, Adèle a dormi dans notre chambre, et j’ai été très heureuse de l’avoir près de nous », confie Mireille qui s’est ralliée au souhait de sa conjointe.
Se partager les tâches ainsi que la planification de la vie familiale aide à diminuer le stress des parents.
Chaque parent a d’ailleurs son vécu et voit les choses à sa manière. Il est donc souhaitable de vous entendre avec votre partenaire sur les valeurs à transmettre à votre enfant, les règles et les limites, l’organisation du quotidien, etc. La psychothérapeute Paule Blain-Clotteau conseille de garder en tête que vous venez tous deux de familles différentes et que vous avez reçu une éducation différente. « Cela permet de mieux comprendre l’autre, dit celle qui a contribué au contenu de la formation sur la coparentalité de la COFAQ. Ensuite, c’est plus facile de faire des compromis, de s’adapter et de décider ensemble comment vous voulez éduquer votre enfant. »
Cohérence parentale : être sur la même longueur d’onde
La cohérence parentale, c’est la capacité des parents à se mettre d’accord sur des attentes, des règles et des interventions concernant leur enfant. « Les parents se donnent une vision commune, mais il peut tout de même y avoir des différences dans la manière de faire de chacun », dit Julie Tremblay, psychoéducatrice en CLSC.
La routine du dodo, par exemple. « L’objectif, c’est d’habituer l’enfant à une routine qui le prépare à aller au lit à la même heure chaque soir, poursuit Julie Tremblay. Mais c’est correct si un des parents lit une histoire après le bain tandis que l’autre préfère chanter une chanson. Les parents ne sont pas obligés de tout faire pareil. L’important, c’est de s’entendre sur les grandes lignes. »
Partage des tâches à deux, c’est mieux
Quand chacun des partenaires participe aux tâches quotidiennes, la vie familiale est plus facile. D’ailleurs, mieux répartir les tâches et la charge mentale aide à diminuer le stress et la fatigue. « Là où il y a eu un vrai changement au fil des années, c’est du côté de l’éducation et des soins aux enfants, affirme la professeure et chercheuse Diane Dubeau. L’écart diminue entre les femmes et les hommes. Les papas d’aujourd’hui s’occupent des enfants. »
Cependant, la plupart des femmes font plus de tâches ménagères que les hommes même si elles ont un emploi. La charge mentale, c’est-à-dire tout ce qui implique la planification de la vie familiale, continue aussi de reposer principalement sur les épaules des mères. Prendre un rendez-vous médical, penser à acheter un cadeau pour une fête, inscrire le petit dernier à des cours de natation…
« Chez nous, on s’occupe tous les deux des enfants et on se répartit bien les tâches, mais la réflexion derrière l’organisation familiale, c’est 100 % ma conjointe, reconnaît Guillaume. Je n’ai pas besoin de penser à prendre le rendez-vous pour les vaccins de ma fille, car je sais que ma conjointe va y penser. »
Et pendant le confinement?Durant le confinement du printemps dernier, les parents ont vécu beaucoup de stress et d’anxiété liés aux tâches familiales. Il semble que les femmes aient été particulièrement touchées par la situation. Plusieurs mères auraient vu leurs responsabilités familiales et leur charge mentale augmenter durant cette période. Selon un sondage mené par le Regroupement pour la valorisation de la paternité durant le confinement, 64 % des mères interrogées se sont dites satisfaites du partage des tâches comparativement à 80 % des pères. Aussi, 75 % des hommes étaient tout à fait d’accord ou plutôt d’accord pour dire que le partage des tâches liées aux enfants était équitable, comparativement à 53 % des femmes. Sur une note plus positive, les pères et les mères présentaient sensiblement les mêmes taux de satisfaction (entre 81 % et 84 %) en lien avec différents aspects de la coparentalité (cohérence parentale, reconnaissance de l’apport de l’autre et communication). |
Reconnaissance une motivation pour continuer
Tous les êtres humains ont besoin d’être valorisés et de sentir que leur travail est apprécié. C’est important aussi pour les parents, insiste Marie Simard, directrice de la COFAQ. « Faire équipe, ce n’est pas seulement partager les tâches. C’est aussi soutenir l’autre et reconnaître que ce qu’il fait, il le fait bien. »
Lorsque vous donnez de la reconnaissance à votre partenaire, cela l’encourage à continuer à s’impliquer. Et ça fait plaisir aussi. « J’aime beaucoup quand ma conjointe me demande conseil sur ses interventions auprès de notre fille et qu’on en discute ensemble, confie Lydia. Ça me fait sentir compétente. » Pour sa part, Jean-Marc Michalik, papa de Soléa, 3 ans, et de Cléo, 16 mois, se sent comblé lorsque sa conjointe lui dit qu’il est un super papa. « D’ailleurs, je devrais lui dire plus souvent qu’elle est une mère fantastique! »