La réalité des familles LGBTQ+

Les couples de même sexe sont plus nombreux qu’avant à avoir des enfants. Pourtant, il y a encore des questionnements et des préjugés envers ces familles. Nous en avons parlé avec des parents LGBTQ+. Voici ce qu’ils aimeraient voir changer dans le regard des autres.

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La réalité des familles LGBTQ+

Les couples de même sexe sont plus nombreux qu’avant à avoir des enfants. Pourtant, il y a encore des questionnements et des préjugés envers ces familles. Nous en avons parlé avec des parents LGBTQ+. Voici ce qu’ils aimeraient voir changer dans le regard des autres.

Par Nathalie Vallerand

Axton, 10 mois, est un garçon enjoué. Il aime bouger au son de la musique, jouer avec des autos… Il aime aussi se faire donner des câlins par ses deux mamans, Leslie Corrot et Lyse Kwizera. Il est heureux et il se développe bien. Même chose pour le fils de 5 ans de Pierre Mc Cann et Marc-André Raymond. « Il est plein d’énergie et très démonstratif, rapportent les papas. Il adore aussi jouer avec ses amis de la garderie. »

Avoir deux mamans ou deux papas, est-ce que ça change quelque chose pour un enfant? En fait, pas vraiment. « Depuis une quarantaine d’années, plusieurs études se sont penchées sur cette question et leurs conclusions sont les mêmes : il y a plus de ressemblances que de différences entre les enfants des familles homoparentales et ceux des familles hétéroparentales », constate Éric Feugé, professeur au Département de psychologie de l’UQAM.

L’orientation sexuelle ne change rien aux capacités parentales ni à la manière d’élever des enfants. Petite différence cependant : le partage des tâches est plus équitable dans les familles homoparentales. « Il s’agit même d’un facteur de protection pour l’enfant, car les parents qui se répartissent bien le travail vivent moins de stress, explique Éric Feugé. Or, le stress parental peut nuire au bien-être de l’enfant. »

Deux papas : plus de préjugés?

Les familles LGBTQ+ éveillent malgré tout souvent de la curiosité et diverses réactions. « C’est encore plus vrai pour les couples de papas. Ils se font plus regarder, il y a davantage de chuchotements autour d’eux », dit Lani Trilène, coordonnatrice des services aux membres de la Coalition des familles LGBT+. Pourquoi? « Dans notre société, la mère est encore considérée comme le parent principal, indique-t-elle. Alors, lorsqu’il y a deux papas et pas de maman, certaines personnes s’inquiètent. »

Pierre et Marc-André peuvent en témoigner. « Nous recevons souvent des commentaires stéréotypés, dit Marc-André. Les gens nous disent qu’avec deux papas, notre enfant va beaucoup jouer, ou que les pères sont moins doux et moins patients que les mères. Certains nous parlent aussi de l’importance d’une figure maternelle. »

Que veut dire LGBTQ+?
Les lettres LGBTQ+ décrivent les personnes lesbiennes (L), gaies (G), bisexuelles (B), trans (T) et queers (Q). Le signe « + » reconnaît les autres identités sexuelles et de genre qui ne sont pas comprises dans le sigle. En anglais le Q peut aussi signifier « questioning », soit « questionnement » en français.

La réponse du couple? « Un parent, c’est bien, mais deux c’est mieux, peu importe le genre, dit Pierre. Et puis, notre fils a plusieurs modèles féminins dans sa vie : ses grands-mamans qui sont très présentes, sa tante, nos amies, les éducatrices de sa garderie… »

D’ailleurs, dans une étude menée auprès de pères gais qui ont adopté des enfants au Québec, Éric Feugé a démontré que ces pères sont aussi habiles que les mères pour décoder les signaux de l’enfant, reconnaître ses besoins et bien y répondre. Ce sont des compétences importantes, car elles favorisent la sécurité et le lien d’attachement du tout-petit avec ses parents.

Des questions qui dérangent

Les parents LGBTQ+ se font poser toutes sortes de questions à propos de leur famille. La question classique : qui est la vraie mère ou le vrai père? « C’est énervant, dit Lani Trilène. Quand on s’occupe d’un enfant et qu’on lui donne de l’amour, on est son vrai parent, peu importe si on a ou non un lien biologique avec lui. » Vos enfants sont-ils vraiment frère et soeur? Connaissez-vous la mère porteuse, le donneur? Toutes ces questions sont intimes et peuvent rendre les parents mal à l’aise.

Les mamans d’Axton se sont même déjà fait demander si leur donneur de sperme était une personne blanche ou noire. « On n’a pas envie de parler de cela avec tout le monde, lance Leslie. Notre fils a la couleur qu’il a et c’est tout. »

La psychologue Florence Marcil-Denault suggère aux parents de réfléchir à l’avance à ce qu’ils veulent dire ou non, car cela les aidera à répondre avec plus d’assurance. « C’est aussi une bonne idée de commencer tôt à raconter à votre enfant son histoire familiale dans des mots adaptés à son âge, ajoute la psychologue. Il pourra ainsi s’approprier son histoire et mieux comprendre sa réalité familiale. »

Par ailleurs, les recherches démontrent que les commentaires négatifs à propos de l’orientation sexuelle des parents peuvent affecter le bien-être et l’estime de soi de leur enfant. « Ma fille de 5 ans a eu beaucoup de peine lorsqu’une autre enfant lui a dit que ce n’était pas bien d’avoir deux mamans, raconte Lani Trilène. Cette petite a probablement répété ce qu’un adulte a dit. Il est important de prendre conscience que les préjugés et l’homophobie font mal. »

Portrait de famille
Il y a près de 2200 familles homoparentales au Québec, selon le recensement de 2016.
Parmi ces familles composées de deux mamans ou de deux papas :
84 % sont composées de deux mères ;
48 % comptent des enfants d’âge préscolaire ;
56 % ont un seul enfant ;
60 % sont formées de deux conjoints ayant un diplôme d’études collégiales ou universitaires.
Dans 81 % de ces familles, les deux parents sont sur le marché du travail.

Source : Québec, ministère de la Famille, « Les familles homoparentales québécoises : qui sont-elles? Un portrait statistique à partir des données du Recensement du Canada de 2016 »

Ce qu’aimeraient les parents…

Qu’est-ce que les parents de la diversité sexuelle aimeraient voir changer? Tout simplement être considérés comme des parents comme les autres. Et cela commence par des choses qui peuvent sembler banales, comme remplacer les mots « mère » et « père » par « parent 1 » et « parent 2 » sur les formulaires.

« Je ne compte plus les fois où l’un de nous deux a dû s’inscrire dans la case “mère”, se désole Marc-André. De plus, comme mon fils porte le nom de mon conjoint, je dois prouver que je suis son père dans toutes sortes de situations. C’est très agaçant. »

Les familles LGBTQ+ souhaiteraient aussi être davantage représentées dans les livres pour enfants, les films, les émissions de télévision, comme dans Passe-Partout, avec les deux mamans de Cachou. « Il y en a encore trop peu et je trouve cela dommage pour mon fils », dit Leslie.

Plus difficile pour les parents trans ou non binaires
Malgré les commentaires stéréotypés ou les questions indiscrètes, les familles homoparentales sont en général bien acceptées socialement. Toutefois, ce n’est pas encore le cas des parents trans ou non binaires (qui ne s’identifient à aucun genre). « Des personnes mettent en doute leurs capacités parentales et leur équilibre mental ou s’inquiètent de l’impact de leur orientation chez leurs enfants, constate le professeur en psychologie Éric Feugé. D’autres leur demandent s’ils sont la mère ou le père de leurs enfants. Tout cela peut être vécu comme des microagressions par ces parents. »

Il faut savoir que la reconnaissance de leur identité de genre est très importante pour les parents trans et non binaires (ex. : s’adresser à eux en respectant cette identité). Toutefois, leur rôle parental pourrait différer de cette identité. Par exemple, une femme trans qui a eu un enfant avant sa transition peut accepter de continuer à se faire appeler « papa » par son enfant.

Ce que dit la recherche

Les parents de familles homoparentales font aussi face à des préjugés concernant le développement, l’orientation sexuelle et l’identité de genre de leurs enfants. Que disent les études à ce sujet?

  • Les enfants de parents homosexuels vont bien. Ils se développent de façon comparable à ceux élevés par des parents de sexe opposé, et cela, tant sur les plans psychoaffectif, social, cognitif que sexuel. « Ils n’ont pas non plus davantage de problèmes de comportement, d’anxiété, ou d’estime de soi », assure la psychologue Florence Marcil-Denault.

    Quant à l’idée selon laquelle ces enfants auraient moins de contacts avec leur famille élargie, c’est un mythe. Par exemple, les mamans d’Axton l’emmènent souvent rendre visite à ses oncles. Elles le font aussi participer aux appels vidéo avec sa grand-maman qui vit au Burundi.
  • Les enfants de pères gais ou de mères lesbiennes ne sont pas plus susceptibles d’être homosexuels que les enfants de parents hétérosexuels. Ils ne sont pas non plus davantage confus quant à leur identité de genre. La grande majorité de ces enfants se sentent en accord avec leur sexe biologique. Ils ont cependant des intérêts moins stéréotypés. « Leurs parents sont plus susceptibles de leur envoyer le message qu’il n’y a pas de jouets et d’activités pour filles et d’autres pour garçons », remarque Éric Feugé. C’est une bonne chose, car cela aide l’enfant à développer tout son potentiel.

 

À retenir
  • Les familles LGBTQ+ sont des familles comme les autres, mais des préjugés persistent à leur égard.
  • Faire preuve d’ouverture et de respect peut prévenir la discrimination et les difficultés vécues par les familles homoparentales.
  • Les études montrent que les enfants qui ont des parents de même sexe se développent aussi bien que les autres enfants.

 

Naître et grandir

Source : magazine Naître et grandir, juillet-août 2022
Recherche et rédaction : Nathalie Vallerand

 

RESSOURCES

 

Photos (dans l’ordre) : Nicolas St-Germain (les deux premières), GettyImages/LuckyBusiness et GettyImages/FatCamera