Comment faciliter la garde partagée

Au Québec, la garde partagée est le type de garde le plus fréquent chez les parents séparés. Elle permet notamment à l’enfant de voir souvent chaque parent. Cette organisation lui demande toutefois de s’adapter à plusieurs changements. Comment faciliter la garde partagée pour son enfant?

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Aider son enfant à bien vivre la garde partagée

Au Québec, la garde partagée est le type de garde le plus fréquent chez les parents séparés. Elle permet notamment à l’enfant de voir souvent chaque parent. Cette organisation lui demande toutefois de s’adapter à plusieurs changements. Comment faciliter la garde partagée pour son enfant?

Par Nathalie Vallerand

Bonne nouvelle : 95 % des parents séparés qui ont opté pour la garde partagée estiment que leur enfant est heureux, selon l’Enquête longitudinale auprès des parents séparés et recomposés du Québec à laquelle 1 550 parents ont participé.

Un tout-petit peut cependant avoir besoin de temps pour s’habituer à sa nouvelle situation familiale. « L’enfant peut réagir au changement de différentes manières, et c’est normal », dit Caroline Paquet, psychologue et médiatrice familiale.

Benjamin, 2 ans, vit parfois chez son papa, parfois chez sa maman. « Peu après le début de la garde partagée, il a réalisé qu’il ne nous voyait plus autant qu’avant, sa mère et moi, raconte le papa, Daniel Vales. Benjamin s’est mis à réclamer plus d’affection et à toujours vouloir se coller. Il a aussi commencé à pleurer quand nous le laissions à la garderie. »

Dans le cas de Benjamin, tout est rentré dans l’ordre rapidement. Toutefois, l’enfant peut réagir plus fortement lorsqu’un parent a beaucoup de peine, pleure et est en colère contre l’autre parent, soutient Lorraine Filion, travailleuse sociale et médiatrice familiale. « Il est important que les parents retiennent leurs émotions devant leur enfant, qu’ils le protègent le plus possible de ce qu’ils vivent de difficile par rapport à la rupture. » Pour aller mieux, les parents peuvent se confier à leurs proches, mais pas à leur enfant. Et si c’est trop difficile, il faut aller chercher de l’aide (ex. : professionnels, groupes de soutien).

Pas facile de se promener d’une maison à l’autre

Comme les tout-petits n’ont pas encore la notion du temps, ce n’est pas idéal pour eux d’être séparés trop longtemps de chacun de leurs parents. Cécilia Moreno-Rivera peut en témoigner. La maman a quatre enfants, dont trois en garde partagée : Alicia, 8 ans, Caleb, 6 ans, et Loïk, 5 ans. « Pendant un an, mon ex-conjointe et moi avions une garde une semaine/une semaine. Mais Caleb s’ennuyait de moi lorsqu’il était chez son autre maman, et vice-versa. Nous avons donc changé pour la formule 5‑2‑2‑5, c’est-à-dire que chacune a les enfants cinq ou deux jours consécutifs. Et ça va mieux. »

Il faut éviter de dire à votre enfant que vous allez vous ennuyer ou que vous êtes triste lorsqu’il part chez l’autre parent.

Lorraine Filion est d’avis qu’avec les 5 ans et moins, mieux vaut opter pour de courtes périodes de garde. « Sept jours sans voir maman ou papa, c’est souvent trop long. Même cinq jours, c’est beaucoup pour certains. »

Une alternance plus fréquente entre les parents implique toutefois que l’enfant change souvent de maison. Or, les transitions sont difficiles pour plusieurs tout-petits qui ont alors tendance à résister au moment d’aller chez l’autre parent.

Plusieurs raisons expliquent ce comportement :

  • Le passage d’une maison à l’autre change les repères. « Tout est différent : les parents, les jouets, la chambre, les repas, les activités. S’adapter à plusieurs changements est exigeant pour un jeune enfant », rappelle Lorraine Filion.
  • Une relation tendue ou conflictuelle entre les ex-conjoints. « L’enfant ressent les émotions négatives de ses parents. Cela peut affecter son sentiment de sécurité et compliquer les transitions », indique la psychologue Caroline Paquet.
  • Le fait de ne pas avoir un lien d’attachement fort avec le parent chez qui il s’en va. Si l’un des parents ne s’est pas occupé beaucoup de l’enfant depuis sa naissance, il est possible que le tout-petit proteste au moment de la transition. « Un enfant s’attache à ses deux parents quand ils s’occupent bien de lui, qu’ils sont capables de le sécuriser et de le comprendre », explique la psychologue. Pour cela, il faut passer du temps avec son enfant, être à son écoute et jouer avec lui.

Comment réagir lorsque l’enfant ne veut pas changer de maison?

Si vous êtes le parent chez qui l’enfant doit aller, essayez de ne pas en faire une affaire personnelle, même si vous avez le coeur en miettes. « Il ne faut pas croire que votre enfant ne vous aime pas, souligne Lorraine Filion. C’est plutôt qu’il a de la difficulté à quitter l’autre parent et à changer de maison. »

Vous pouvez toutefois évaluer si vous êtes à l’écoute des besoins de votre enfant lorsqu’il est avec vous, si vous passez du temps avec lui, si votre encadrement est rassurant, et vous ajuster au besoin.

Reconnaître les sentiments de votre enfant et exposer vos plans pour son séjour peut aussi favoriser sa collaboration. Vous pouvez dire : « Tu aimerais rester chez maman, mais c’est maintenant le temps de papa avec toi. J’avais hâte de te voir. On va aller au parc en arrivant. On va faire plein de choses ensemble et, dans trois jours, tu vas retourner chez maman. »

Il est conseillé que le parent qui dit au revoir donne son appui à l’autre. C’est ce que fait Cécilia. « Quand mon ex-conjointe vient chercher nos enfants, mon fils Loïk pleure pour ne pas y aller. Je lui dis que c’est au tour de mamou de passer du temps avec lui, qu’elle l’aime et qu’elle s’ennuie de lui. » Et comment réagit mamou ? « Elle lui donne des bisous, le chatouille et essaie de le faire rire, répond Cécilia. Parfois, ça fonctionne. Parfois, non. Mais une fois chez elle, tout va bien. »

Si votre enfant résiste lorsque vous allez le chercher, évitez de le chicaner ou de l’arracher des bras de l’autre. « C’est le parent qui termine sa période de garde qui devrait remettre l’enfant au parent qui vient le chercher », conseille Lorraine Filion.

Mon enfant a oublié sa doudou chez l’autre parent
S’il est inconsolable, prenez soin de reconnaître la peine de votre enfant et proposez-lui un objet de remplacement en attendant son prochain séjour chez votre ex. Toutefois, comme la doudou est souvent unique aux yeux d’un enfant, il est possible que votre tout-petit refuse de la remplacer, même temporairement. S’il n’est vraiment pas bien sans sa doudou, vous pourriez aller la chercher ou l’autre parent pourrait la rapporter.

Pour faciliter les transitions

  • Affichez un calendrier ou un tableau avec l’horaire de garde pour que votre tout-petit le visualise.
  • Préparez votre enfant à la transition. « Il faut l’avertir que sa maman ou son papa va venir le chercher bientôt et se montrer enthousiaste, mentionne Caroline Paquet. Ne sortez pas son jeu préféré cinq minutes avant que l’autre arrive. Sinon, votre enfant risque de ne pas vouloir partir. » Assurez-vous que son bagage est prêt. Et s’il a une doudou ou un toutou préféré, n’oubliez pas de le glisser dedans.
  • N’étirez pas les au revoir. « Donnez un bisou à votre enfant, dites-lui de s’amuser et que vous vous reverrez dans deux ou trois dodos, indique la psychologue. Adoptez une attitude positive et évitez de lui dire que vous allez vous ennuyer. »
  • Effectuez si possible les transitions à la garderie. « C’est plus facile pour l’enfant, car l’éducatrice n’a pas de peine à le voir partir », explique Lorraine Filion. Tandis que si le transfert se fait chez papa et que celui-ci est triste, l’enfant va partir avec le coeur gros.
  • Instaurez un rituel lorsque votre tout-petit revient chez vous. « Quand votre enfant ne vous a pas vu depuis quelques jours, il a besoin de se reconnecter avec vous, affirme Caroline Paquet. Une routine d’arrivée, où vous faites toujours la même chose, est une bonne façon de répondre à ce besoin. » Par exemple, pique-niquer dans le salon, danser, faire un dessin à deux. L’important est d’accorder du temps de qualité à votre tout-petit.

Contacter ou pas votre enfant lorsqu’il est chez l’autre parent?

Il n’y a pas de bonne réponse à cette question. Certains parents appellent leur enfant chaque jour ou presque ; d’autres, pas du tout. « C’est un sujet sur lequel les parents devraient s’entendre, dit Lorraine Filion. Il faut toutefois veiller à ce que les contacts avec l’enfant ne deviennent pas envahissants pour le parent qui a la garde et que ça ne dérange pas sa routine. »

Au retour de votre tout-petit, il est normal de lui demander s’il a passé du bon temps chez l’autre parent. Toutefois, il faut éviter de trop le questionner. « Les enfants n’aiment pas les parents enquêteurs, observe Caroline Paquet. S’ils se font poser trop de questions, ils finissent par faire la tortue, c’est-à-dire se fermer et entrer dans leur carapace. » De plus, si votre enfant constate que ce qu’il rapporte vous déplaît, il peut se sentir pris entre ses deux parents et vivre un conflit de loyauté.

Pour favoriser le bien-être de votre tout-petit, il est important de maintenir une bonne communication avec votre ex. C’est ce que s’efforcent de faire les parents de Benjamin. « Lors de la transition, le parent qui termine sa période de garde fait un compte-rendu à l’autre par texto, dit Daniel. On s’envoie aussi souvent des photos de notre fils. On a parfois des désaccords, mais il faut choisir nos batailles et continuer à se parler. Je me répète une phrase que j’ai entendue dans un groupe de soutien pour les pères : Couple un jour, parents toujours. Ça résume bien la situation des parents en garde partagée. »

Règles et routines : semblables, mais pas pareilles

Les règles et les routines rassurent les tout-petits et leur procurent de la stabilité. Que faire lorsque l’enfant vit dans deux maisons?

Les règles et les routines rassurent les tout-petits et leur procurent de la stabilité. Que faire lorsque l’enfant vit dans deux maisons?

Lorsqu’ils se sont séparés, les parents de Benjamin, 2 ans, ont convenu d’établir des routines qui se rapprochent le plus possible de ce que leur enfant vit à la garderie. « L’idée est d’harmoniser ses journées pour qu’il sache à quoi s’attendre », dit Daniel, le papa du garçon. Ainsi, les fins de semaine, Benjamin dîne et fait sa sieste aux mêmes heures qu’à la garderie.

Le soir, la routine du dodo de l’enfant est une priorité pour les ex-conjoints. « Au moment du coucher, on lui lit des histoires. C’est pareil dans les deux maisons et on y tient », ajoute le papa.

Avoir des règles qui se ressemblent favorise le bien-être de l’enfant.

Lorsque les parents réussissent à s’entendre sur des routines semblables, l’enfant a moins d’adaptations à faire chaque fois qu’il change de maison. C’est donc plus facile pour lui. L’heure du dodo est particulièrement importante. « Si l’enfant se couche à 19 h chez l’un et à 21 h chez l’autre, il est constamment en décalage horaire et ce n’est pas bon pour lui », souligne Caroline Paquet, psychologue et médiatrice familiale.

Quand les parents ne s’entendent pas
Il faut éviter de vous chicaner devant votre enfant, car cela peut lui faire vivre du stress et de l’insécurité. Si vous avez de la difficulté à vous parler calmement, essayez de communiquer par courriel ou message texte. Cela vous donne le temps de réfléchir à ce que vous voulez dire. Pour les décisions importantes concernant votre tout-petit, mieux vaut cependant vous parler de vive voix. Si vous n’arrivez pas à vous entendre, la médiation familiale peut vous aider à trouver un terrain d’entente.

Et pour les écrans?

Les parents devraient aussi avoir des règles semblables concernant l’usage des écrans. « Leur gestion ne doit pas nécessairement être identique, précise Lorraine Filion, travailleuse sociale et médiatrice familiale. Par exemple, la mère peut permettre à l’enfant de jouer sur sa tablette le matin, et le père en fin d’après-midi. »

Que faire si un parent est strict sur le temps d’écran et l’autre n’exerce pas de contrôle? Caroline Paquet propose aux ex-conjoints d’en parler en tenant compte des recommandations officielles et des besoins de l’enfant. « Un tout-petit doit avoir du temps chaque jour pour jouer dehors, bouger, créer, faire des jeux imaginaires, regarder des livres et dormir. Si chaque parent veille à ce que ces besoins soient comblés, il ne restera pas beaucoup de temps pour les écrans. »

À retenir
  • Montrer une attitude positive et appuyer l’autre parent lors des changements de garde facilite les transitions pour votre enfant.
  • Avoir un rituel d’arrivée lorsque votre enfant revient chez vous permet de vous reconnecter ensemble.
  • Garder une bonne communication avec l’autre parent et s’entendre sur des règles et routines semblables aide votre enfant à s’adapter aux changements.
Naître et grandir

Source : magazine Naître et grandir, septembre-octobre 2024
Recherche et rédaction : Nathalie Vallerand
Révision scientifique : François St Père, psychologue et médiateur familial

Photos : Nicolas St-Germain (les deux premières) et Gettyimages/Mstudios Images

RESSOURCES

  • Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec : fafmrq.org
  • JuridiQC : Séparation et divorce – Garde : juridiqc.gouv.qc.ca
  • L’Enquête longitudinale auprès des parents séparés et recomposés du Québec : enquete.arucfamille.ulaval.ca
  • Notre enfant, on le partage comment? Tout pour réussir sa garde partagée, S. Schirm et M.-É. Tremblay, Trécarré, 2024, 152 p.