Avant la naissance et pendant la petite enfance, le cerveau est en période de croissance intense, car l’enfant a tout à apprendre. Coup d’œil sur ce qui se passe dans la tête de votre tout-petit.
Par Nathalie Vallerand
Avant la naissance et pendant la petite enfance, le cerveau est en période de croissance intense, car l’enfant a tout à apprendre. Coup d’œil sur ce qui se passe dans la tête de votre tout-petit.
Les bébés grandissent tellement vite! Quelques semaines après leur naissance, leurs premiers pyjamas sont déjà trop petits. C’est invisible à l’œil nu, mais la croissance du cerveau est tout aussi rapide.
Le cerveau d’un nouveau-né pèse environ le quart de celui d’un adulte. « Au cours de la première année de vie, le cerveau double de volume; et entre 3 ans et 4 ans, il aura triplé », indique Miriam Beauchamp, directrice du Laboratoire de neuropsychologie développementale ABCs de l’Université de Montréal et du CHU Sainte-Justine. Chaque progrès, chaque apprentissage de votre enfant témoigne de cette croissance. Sourire, babiller, tenir une cuillère, jouer, marcher : tout cela est lié au développement de son cerveau.
Déjà, pendant la grossesse, le cerveau de l’enfant se forme. Quelques milliers de neurones sont alors créés chaque seconde. Quand le bébé vient au monde, son cerveau possède environ 100 milliards de neurones, soit tous ceux (et même plus!) dont il aura besoin pendant sa vie.
Afin que le cerveau puisse fonctionner, les neurones doivent se connecter entre eux. Les premières connexions apparaissent avant la naissance. « Dans le ventre de sa mère, le bébé entend des bruits et des voix, il bouge, il ressent la sensation du liquide amniotique, dit Miriam Beauchamp. Ces stimulations aident à améliorer les connexions entre les neurones. »
Un cerveau qui se modifie
Après la naissance, les connexions continuent à se multiplier. Le cerveau de votre enfant en crée ainsi des milliards tout au long de ses premières années. Ainsi, chaque fois que votre enfant apprend quelque chose, des connexions se forment dans son cerveau. Jusqu’à l’âge de 3 ans, un million de nouvelles connexions se crée chaque seconde entre ses neurones. En même temps que des connexions se créent, d’autres se solidifient et d’autres, qui ne sont pas utilisées, sont éliminées. Cette capacité du cerveau à transformer ses connexions s’appelle la plasticité cérébrale.
Le saviez-vous?
La connexion entre deux neurones s’appelle une synapse. Chaque bisou, chaque changement de couche, chaque jeu, chaque expérience influence la création de nouvelles synapses ou renforce des synapses existantes. Ces connexions sont essentielles au développement du cerveau de votre enfant.
« Les connexions les plus utilisées deviennent plus fortes et celles qui sont inutiles ou qui fonctionnent mal sont éliminées, dit Miriam Beauchamp. Ça semble bizarre de dire que le cerveau se débarrasse de certaines connexions, mais c’est une étape nécessaire. Cela rend le cerveau plus efficace. On peut faire une comparaison avec un arbre qu’on rend plus fort en coupant les branches abîmées. »
C’est durant la petite enfance, pendant qu’il est en plein développement, que le cerveau se transforme le plus facilement. Il peut ainsi se modifier pour s’adapter aux changements vécus par l’enfant et à ses apprentissages.
La plasticité cérébrale aide aussi un tout-petit à récupérer après une lésion ou une maladie au cerveau. Par exemple, si une blessure survient dans une zone du cerveau, les neurones des autres zones prennent parfois le relais et peuvent créer de nouvelles connexions. « Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de conséquences pour l’enfant, signale Miriam Beauchamp. Son cerveau va faire des efforts pour récupérer, mais selon la gravité de la situation, il peut malheureusement y avoir des effets sur le plan physique, cognitif, social ou comportemental. »
Influence du milieu de vie
Cette capacité du cerveau à transformer ses connexions a des avantages, mais cela le rend aussi plus à risque. Les expériences difficiles affectent davantage le cerveau d’un tout-petit que celui d’un enfant plus âgé. De même, lorsqu’un jeune enfant n’est pas stimulé ou qu’il l’est peu, le développement de son cerveau se fait moins bien, car plusieurs circuits de neurones ne sont pas utilisés. Ces connexions ne sont alors pas renforcées et elles sont à risque d’être éliminées.
Le saviez-vous?
Quand un enfant est entouré de personnes qui prennent soin de lui avec affection, qu’il est stimulé et qu’il vit des expériences variées, son cerveau se développe mieux.
Compte tenu l’importance des premières années de vie pour la croissance du cerveau de l’enfant, les parents ont un grand rôle à jouer. Quand vous donnez de bons soins, du réconfort et de l’affection à votre enfant, que vous lui parlez et que vous jouez avec lui, vous aidez son cerveau à bien se développer.
Votre tout-petit a aussi besoin de bien manger et de bien dormir. « Quand votre enfant dort, son cerveau se repose, mais il n’est pas inactif, explique Miriam Beauchamp. En effet, le cerveau consolide les apprentissages en les mettant en mémoire et il continue à faire des connexions entre les neurones. »
Et quel est le rôle de la génétique dans le développement du cerveau? « Le développement du cerveau est le résultat d’une interaction complexe entre les gènes et le milieu de vie dans lequel grandit l’enfant, indique Linda Booij, professeure titulaire au Département de psychiatrie de l’Université McGill et chercheuse au Centre de recherche de l’Hôpital Douglas et au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine. L’activité des gènes peut être modifiée par ce que vit l’enfant. Et cela, même durant la grossesse. C’est ainsi que le contexte dans lequel se déroule la grossesse a une influence sur les gènes du bébé à naître. »
Quand la croissance du cerveau de votre enfant se terminera-t-elle? La science n’a pas encore toutes les réponses à cette question. On sait toutefois que la plupart des zones du cerveau arrivent à maturité entre 20 et 25 ans. Par la suite, des connexions continuent à se faire et à se défaire, mais beaucoup plus lentement que pendant l’enfance.
Le stress : mauvais pour le cerveau?
Première journée à la garderie, rendez-vous médical, déménagement… Quand votre enfant vit un événement stressant, son cerveau demande à son corps de produire du cortisol, une hormone du stress. Cette hormone aide votre enfant à s’adapter à la situation et à mieux la gérer. « La production du cortisol après un événement stressant est utile, explique Linda Booij, professeure titulaire au Département de psychiatrie de l’Université McGill et chercheuse au Centre de recherche de l’Hôpital Douglas et au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine. Quand une personne vit un stress prolongé, fréquent et intense, son corps n’arrive plus à bien réguler la production de cortisol, et on parle alors de stress chronique ou toxique. » Par exemple, un enfant qui est témoin d’importants conflits familiaux ou qui est victime d’intimidation ou de harcèlement peut vivre du stress toxique.
Ce type de stress n’est pas bon pour un cerveau en développement. En effet, des études ont démontré que le cerveau des nouveau-nés exposés à un stress chronique durant la grossesse est différent du cerveau des bébés qui n’ont pas été exposés à un tel stress. Plus tard, l’enfant pourrait être plus à risque d’avoir des retards de développement ou des problèmes de comportement et de santé mentale. « Toutefois, les effets ne sont pas nécessairement permanents, car le cerveau d’un enfant s’adapte et se transforme », rassure Linda Booij. Le fait qu’un enfant présente ou non un retard dans son développement et des problèmes de comportement en bas âge ou encore qu’il développe ou non un problème de santé mentale plus tard dépend de son risque génétique ainsi que d’autres facteurs environnementaux. Certaines études ont démontré que les bons soins, l’affection et les relations attentionnées lors de la petite enfance peuvent compenser certains effets néfastes du stress chronique.