On croit souvent qu’attachement et amour sont synonymes. Mais avant de vous aimer, votre enfant s’attache d’abord à vous.
Par Nathalie Vallerand
On croit souvent qu’attachement et amour sont synonymes. Mais avant de vous aimer, votre enfant s’attache d’abord à vous.
Votre bébé a faim? Vous le nourrissez. Il a froid? Vous le réchauffez. Petit à petit, il comprend que les soins que vous lui donnez font disparaître les sensations désagréables qu’il ressent. Et il réalise que vous êtes à l’origine de ce bien-être. Il en vient alors à vous faire confiance et à rechercher votre présence. Ce lien est ce qu’on appelle l’attachement.
« Le lien d’attachement prend forme dans les moments difficiles, lorsque le bébé avertit son parent par des cris ou des pleurs ; lorsqu’il a besoin de quelque chose et qu’il obtient une réponse », explique Johanne Lemieux, travailleuse sociale et psychothérapeute.
Le lien d’attachement se crée surtout durant la première année de vie et on considère qu’il est à son maximum après 6 mois de soins. Il continue à se développer et à se renforcer tout au long de l’enfance. Il est nécessaire au bon développement des parties du cerveau reliées aux fonctions affectives et sociales de l’enfant.
Au début, le bébé ressent un attachement plus fort envers le parent qui s’en occupe le plus et qui passe le plus de temps avec lui. Celui-ci devient alors sa figure d’attachement principale. Le jeune enfant s’attache aussi à l’autre parent pourvu qu’il reçoive du réconfort de sa part et qu’il ait des contacts privilégiés avec lui. C’est pourquoi, durant le congé parental, il est important que les deux parents participent aux soins et passent des moments avec le bébé afin de favoriser l’attachement, estime Geneviève Lafleur, psychoéducatrice au CHU Sainte-Justine.
Comment favoriser l’attachement
Pour que l’attachement puisse se produire, il est essentiel de répondre aux besoins de votre bébé, surtout pendant les trois premiers mois, de façon rapide, prévisible, appropriée et constante. Par la suite, lorsque votre bébé a intériorisé et compris que vous lui procurez les soins dont il a besoin, il peut attendre un court délai.
Au début de la vie, les pleurs, les cris et les expressions faciales sont les seuls moyens dont un bébé dispose pour communiquer. Un jeune enfant est incapable de faire un caprice, car son cerveau n’est pas assez développé. Si un bébé pleure pour être pris, c’est qu’il a besoin d’être rassuré. En allant rapidement vers lui pour le calmer, en le nourrissant, en le caressant ou en changeant sa couche, vous lui apprenez à vous faire confiance. Il est rassuré, car il sait qu’il reçoit de l’aide lorsqu’il vous appelle.
Certains bébés ont toutefois besoin d’être rassurés plus que d’autres. Chantal peut en témoigner, elle qui a adopté un bébé originaire du Mali, Zahara Léonie, à l’âge de 8 mois. Pendant plusieurs semaines, la petite se réveillait la nuit en hurlant. Mais comme elles faisaient du cododo, Zahara Léonie se rendormait juste à sentir sa maman contre elle. Ensuite, elle a regagné sa chambre, mais Chantal dormait au pied du lit. « Quand elle se réveillait, je lui frottais le dos et je lui parlais doucement en lui répétant “maman est là”, raconte la mère adoptive. Il lui fallait parfois une heure pour arrêter de pleurer et si je quittais la pièce, elle recommençait de plus belle. Je revenais aussitôt près d’elle, car je voulais qu’elle comprenne qu’elle pouvait compter sur moi. »
Créer un lien d’attachement sécurisant n’exige toutefois pas d’être un parent parfait. « C’est la moyenne au bâton qui compte, soutient la travailleuse sociale Johanne Lemieux. Il peut vous arriver de vous tromper ou d’être plus impatient une journée. Mais l’essentiel, c’est que vous répondiez adéquatement aux besoins de votre enfant la majorité du temps. »
L’enfant qui a un lien d’attachement sécurisant solide avec ses parents est plus sûr de lui pour explorer son environnement et entrer en relation avec les autres.
D’autant qu’au début, ce n’est pas toujours évident de décoder les signaux qu’un bébé envoie. A-t-il faim, chaud ou mal au ventre? Il faut parfois faire quelques essais avant de comprendre ce qu’il veut. « Parfois aussi, vous n’arriverez pas à le consoler, mais au moins vous serez à ses côtés », dit la psychoéducatrice Geneviève Lafleur.
À mesure que vous apprendrez à connaître votre tout-petit, vous comprendrez et décoderez mieux ses besoins. Ainsi, vous arriverez plus facilement à le calmer.
Les bienfaits de l’attachement
Entre 4 mois et 12 mois, un bébé montre ses premiers signes d’attachement : il sourit, il regarde plus intensément son parent, il cherche à rester près de lui (il tend les bras, il rampe vers lui), il a peur des étrangers ou des personnes qu’il connaît peu. Mais c’est entre 12 mois et 18 mois qu’il est possible de voir si un enfant a développé ou non un bon lien d’attachement.
« En général, l’enfant qui a développé un lien solide va explorer son environnement avec confiance, tout en s’assurant que ses parents sont tout près, souligne George Tarabulsy, professeur à l’École de psychologie de l’Université Laval et directeur scientifique du centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles du CIUSSS de la Capitale-Nationale. Il vérifie que ses parents le regardent, il leur montre ses découvertes. » Il se tourne aussi vers ses parents quand il vit une difficulté ou qu’il n’est pas sûr de lui. C’est le cas de Mathilde, 3 ans. À l’heure du conte à la bibliothèque, elle regarde souvent ses parents lorsque l’animatrice pose une question. « Nous lui faisons un sourire, elle comprend alors qu’elle a notre permission et elle lève la main », raconte son père, Daniel.
Quand un enfant est bien attaché à ses parents, il développe sa confiance en lui et il arrive à mieux réguler ses émotions. « Par exemple, il se calme plus facilement seul, car il a compris qu’il est à l’abri du danger », dit Johanne Lemieux. Comme le fait Zahara Léonie qui dort maintenant seule dans sa chambre. La fillette, aujourd’hui âgée de 17 mois, se réveille encore souvent la nuit, mais il lui suffit d’activer elle-même son jouet musical pour se rendormir. Nuit après nuit, par sa présence constante, sa maman lui a prouvé qu’elle serait toujours là pour l’aider.
Quand un enfant se sent aimé et en sécurité, il développe aussi une meilleure estime de lui, ainsi qu’un sentiment positif envers les autres enfants et les adultes. Cela l’aide à avoir de bonnes relations avec les autres. Il peut aussi s’adapter plus facilement aux situations stressantes, comme l’entrée au service de garde. Il peut être un peu triste quand ses parents partent, mais cela ne dure généralement pas parce qu’il sait qu’ils reviendront le chercher.
Les bienfaits de l’attachement vont aussi se faire sentir plus tard à l’école. Les recherches indiquent que l’enfant qui est bien attaché à ses parents a plus de facilité à apprendre. En résumé, un lien d’attachement sécurisant favorise le développement global de votre enfant.
Garderie : quel impact sur l’attachement? |
Certains parents s’inquiètent de l’effet du service de garde sur la relation qu’ils ont avec leur enfant. « Quand le lien d’attachement entre le parent et l’enfant est solide et que le milieu de garde est de qualité, il n’y a généralement pas de problèmes », assure George Tarabulsy, professeur à l’École de psychologie de l’Université Laval. Comme votre enfant vous fait confiance et qu’il sait que vous viendrez toujours le chercher, il est capable de s’attacher à son éducatrice sans que cela ait un effet négatif sur la relation spéciale qu’il a avec vous. De plus, comme la majorité des tout-petits entrent en milieu de garde vers l’âge de 1 an, ils ont déjà eu le temps de créer un bon lien avec leurs parents. |