J’ai gardé le secret jusqu’à ce que mon ventre s’arrondisse un peu. Et puis un soir, j’ai pris sa petite main et je l’ai posée sur mon ventre. II a dit : « manzé beaucoup, maman? » J’ai répondu, « non, mon amour, il y a un bébé dans mon ventre ». Il y a eu un long silence le temps que mes paroles fassent leur chemin dans sa tête, puis j’ai vu sa bouche s’élargir en sourire et me dire : « bébé! » Il a collé son oreille contre ma bedaine, puis sa bouche pour finalement crier : « ALLÔ BÉBÉ! » Comme ça m’a fait rire, il a recommencé et on a fini ça en bataille de bisous pour fêter la nouvelle.
Durant les semaines qui ont suivi, on a parlé de cette petite sœur qui allait entrer dans sa vie. De temps en temps. Pas tout le temps évidemment, pour ne pas qu’elle prenne toute la place. Surtout pas la sienne en tout cas. J’en ai profité pour lui raconter son histoire à lui quand il était dans mon ventre et celle de sa grande sœur qui l’a accueilli quand il est né. On a regardé des livres. Il a gribouillé des dessins pour elle. Il a choisi un petit jouet pour elle dans le magasin… et un gros pour lui!
Quand il est arrivé à l’hôpital tenant la main de sa grande sœur, il était tout intimidé. Je ne savais pas trop comment il allait réagir. Quand ma grande s’est assise dans le fauteuil pour tenir sa petite sœur, mon petit bonhomme s’est approché. Il n’avait pas l’air de savoir quoi faire, alors je lui ai dit que sa petite sœur aimerait beaucoup qu’il lui fasse un bisou… et c’est ce qu’il a fait tout doucement.
Les années ont passé et j’ai continué de glisser des mots doux entre eux tout en évitant autant que possible de les comparer, ni de les mettre en compétition. Cela n’a évidemment pas empêché d’apparaître les disputes et leurs cortèges de frustrations : « Elle m’a pris mon jouet! », « Il m’a poussée! », «Y m’énerve! », « Pourquoi? », « Je sais pas, y m’énerve, c’est tout! »…
Parfois, je les sépare, d’autres fois je les réunis pour qu’ils apprennent à gérer leurs divergences. Parfois, j’en ai marre! Mais cela n’arrive pas souvent heureusement. Dès qu’ils s’éloignent l’un de l’autre, je resserre la toile de leur fraternité à coup de petites phrases du genre : « Tu sais que ta sœur (ou ton frère) t’aime énormément, qu’il aime quand tu fais ceci ou cela », «Et si on faisait plaisir à ton frère en lui préparant son dessert préféré? », « Veux-tu m’aider à lire un livre à ta sœur? », etc. Je me transforme en entremetteuse et je vois bien que cela leur fait du bien de se savoir aimé par l’autre ou de devenir complice de son plaisir. Cela leur donne invariablement envie de revenir l’un vers l’autre. Leur incroyable complicité reprend vite le dessus et ça me touche énormément.
La vie leur apportera son lot de joies et de peines et je tiens à ce que mes enfants puissent compter les uns sur les autres une fois devenus grands. En attendant, je fais de mon mieux pour qu’ils s’aiment et se respectent, même si parfois ils se tapent sur les nerfs et sur les miens par la même occasion!
30 mars 2015