Le ciel est bleu. Les oiseaux chantent pendant que je ramasse ma poubelle éventrée par les ratons laveurs. À 2 pas de là, ma fille et son amie Zoé dégustent une crème glacée. Dix minutes plus tôt, en apercevant mes lys et mes pivoines traverser l’espace aérien de mon immense jardin multicolore, j’ai crié : « Pause! » pour calmer le pompon de ces charmantes demoiselles.
Il faut dire que la petite Zoé habite en ville dans un appartement sans cour alors, quand elle arrive chez nous, son corps exulte! Passer du béton à la verdure a, sur elle, un effet saisissant : elle va et vient sans arrêt en poussant des cris stridents, trébuche sur des racines, tombe, fonce dans les arbres, pleure, se relève, rit, lance du sable, arrache les fleurs, bave de joie ou se fait pipi dessus, trop occupée qu’elle est à jouer avec son amie. C’est fascinant. À la fin de la journée, les cheveux hirsutes et les joues rouges, elle repart toujours épuisée pour le plus grand bonheur de ses parents. Ces soirs-là, pas besoin d’histoire, ni de verre d’eau, ni de veilleuse. Même les monstres qui vivent dans son placard sont en congé. La cocotte s’endort comme une bûche.
J’entends soudain les 2 fillettes s’extasier sur le joli papillon qui butine d’une fleur à l’autre et sur les « zazos » qui « cuicuitent » dans les « zarbes ». Je souris, attendrie par leur émerveillement, quand tout à coup, je vois Zoé grimper sur sa chaise en hurlant :
- « Arghhhhhh! FOUMIIIIIIIIII, une foumi! Au secours! »
Ma fille bondit sur ses jambes en criant : «Où ça, où ça? » la main tendue et le regard étincelant, prête à sauter sur sa proie.
- « Là! » lance la pauvre fillette effrayée, en montrant la bestiole installée sur une vieille fraise pourrie échappée de ma poubelle éventrée. Ma petite se jette dessus, la coince entre ses doigts (ça fait « scrouic ») et la place à 3 cm de son visage.
- « Bonzour foumi. Comment t’appelles? »
(silence)
Surprise par tant d’assurance, la petite Zoé descend de sa chaise pour mieux observer le minuscule tas noir qui est en train d’agiter la demi-antenne qui lui reste. Curieuse, elle demande à ma fille : « T’as pas peur? »
« Non. C’est rigolo les foumis. Ça satouille. Tiens! »
En voyant la fillette tendre timidement la main, j’interviens : « S’il te plaît, ne la serre pas trop fort. C’est fragi…»
Re-scrouic, la pauvre bestiole se ratatine un peu plus entre les doigts de son nouveau bourreau qui échappe un retentissant « AÏÏÏÏÏÏÏÏÏE, AÏE, AÏE, AÏE! Elle a mordu moi! » La fourmi éjectée sur le sol tente aussitôt de décoller la tête de son derrière pour fuir cet endroit maudit.
PAF! Ma fille abat sa main sur elle et l’écrabouille en criant :
« PAS ZENTILLE FOUMI! Faut pas morde les zamis. »
Zoé, solidaire, conclut la leçon en écrasant avec son pied ce qui reste du pauvre insecte!
Un conseil : si vous croisez ma fille et son amie Zoé, restez aimable, sinon vous pourriez le payer cher!
9 juin 2010