« Mon ami a deux mamans »

« Mon ami a deux mamans »
Par Dr Nicolas Chevrier, Psychologue

Ce mois-ci, c’est l’actualité qui m’inspire mon sujet. Pendant que la France s’entre-déchire au sujet des mariages gais, ici, au Québec, l’attitude est fort différente. Or, un des éléments du débat qui  semble difficile à accepter en France, c’est l’homoparentalité. Malheureusement, on remarque que le débat français est truffé de mythes et de croyances à propos de ce type de famille. Ce débat m’a ramené à un commentaire qu’Akira nous a fait, durant le souper, il y a de cela quelques semaines.

Toute la famille converse comme on le fait d’habitude au souper. Notre plus vieux engage alors la conversation avec nous :

-  Je m’ennuie vraiment de mes amis de la garderie; surtout des jumeaux!

- On pourrait les appeler pour que tu puisses aller passer une journée chez eux?

- Oh! oui, bonne idée!

- On n’a qu’à téléphoner et demander chez laquelle de leurs deux mamans ils seront ce week-end?

À ce moment, je vois que ma femme regarde Akira du coin de l’œil pour scruter sa réaction. Aucune réaction. Est-ce que c’est simplement parce qu’il n’a pas entendu le terme « deux mamans » qu’il ne réagit pas? C’est vrai que lorsqu’on vient d’avoir 5 ans, on n’est pas toujours attentif aux conversations lors du souper.

Dans le doute, elle se lance :

-  Akira, est-ce que tu sais pourquoi on dit que les jumeaux ont deux mamans?

-  Ben oui, nous répond-il, médusé, c’est parce qu’elles sont gaies!

Sur quoi il retourne à son assiette, pas mal plus intéressante que de se faire demander des évidences par ses parents.

La candeur de sa réponse m’a surpris : aucune trace de surprise, aucune trace de dégoût, rien qui puisse signifier une quelconque différence entre sa famille hétéroparentale et celle de ces enfants, une famille homoparentale.

Sur ce, j’ai éprouvé l’immense plaisir de constater que les êtres humains peuvent évoluer de génération en génération. Qu’une situation autrefois crainte devient une norme de société élémentaire. L’homoparentalité peut reprendre la place qui lui revient dans une société moderne, soit la même que celle qui revient aux familles hétéroparentales.

Les recherches sur l’homoparentalité sont claires, les différences entre les deux types de familles sont presque inexistantes. Au-delà des croyances et des mythes, il y a les faits qui s’accumulent depuis maintenant 10 ans. En gros, ces faits nous disent qu’il y a plus de différences entre toutes les familles qu’entre les familles gaies et les familles hétéros.

Les recherches qui portent sur les enfants élevés dans des familles dont les conjoint(e)s sont du même sexe rapportent également que :

  • l’orientation sexuelle des parents ne nuit pas au développement de leurs enfants;
  • les enfants de couples du même sexe n’ont pas plus d’enfants homosexuels;
  • les enfants de couple du même sexe ne vivent pas plus de discrimination que les autres enfants.

C’est donc le préjugé envers ces familles qui devient l’ennemi numéro un du développement de ces enfants.  Et ces préjugés, c’est souvent dans les familles qu’ils se développent. De façon parfois pernicieuse, par des conversations innocentes ou des expressions colorées, nous transmettons à nos enfants ces mythes et ces croyances à propos de ces gens que nous percevons comme différents de nous.

Il en va donc de l’attitude de chaque parent afin de s’assurer que ces préjugés ne seront pas transmis à la prochaine génération. Que ce soit des préjugés en lien avec l’orientation sexuelle, la religion, le sexe ou l’ethnie, il importe de corriger le tir rapidement lorsque nos enfants font eux-mêmes preuve d’intolérance.

Et tout cela, sans oublier que ce type d’apprentissage se fait par apprentissage vicariant, ce qui veut dire que l’enfant va reproduire les comportements qu’il observe dans son entourage. Or, si l’enfant n’a pas accès à des modèles intolérants, il ne développera pas d’intolérance!

 

15 janvier 2013

Naître et grandir

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