Ça commence bien avant de tenir notre bébé dans nos bras. Quand on observe les autres parents agir. Quand on se permet de critiquer, pensant qu’on ferait mieux. Et vient notre tour…Ça commence bien avant de tenir notre bébé dans nos bras, et même avant le simple désir d’en avoir un…
Ça commence quand on observe les autres parents agir. Quand on se permet d’analyser innocemment leurs gestes, leurs réactions. Quand on se permet de critiquer, pensant qu’on ferait mieux. Pensant qu’on sait comment être parfaits pour faire des êtres que nous voulons tout aussi parfaits.
Et vient notre tour. On promet à notre bébé, encore bien au chaud dans le ventre, une vie parfaite. Pendant 9 mois, on étudie des livres et des livres pour comprendre que, finalement, on ne savait pas tout, mais que maintenant, parce qu’on a lu, on sait tout! TOUT! Quitte à soupirer devant les conseils périmés des autres. Merci, mais non merci, parce que nous, on sait...
Et le bébé arrive, pleurant, gluant, différent de ce que les milliers de pages nous racontaient. On n’est plus certain de tout savoir, les repères prennent le bord en même temps que le placenta. La certitude en prend un coup. Ce qui reste, c’est la promesse et le désir d’offrir le plus que parfait à notre progéniture.
La vérité, c’est que ce ne le sera jamais, parfait. Lui, elle, nous, eux, tout. Jamais. On a beau tenter de scénariser le mieux possible l’histoire qu’on aimerait lui offrir, nous n’avons pas le contrôle sur l’univers entier. La preuve, combien d’entre vous ont réalisé à la perfection leur plan de naissance?
Exiger la perfection impose de la pression inutile.
Un autre exemple : mon plus jeune s’appelle Émile. Émile Beauregard. Dans les scénarios proposés par notre entourage, avec ce nom-là, Émile allait être soit premier ministre ou un grand artiste. Rien de moins. Je comprends que c’était plus souvent des blagues, mais reste que du haut de ses quelques heures, il recevait déjà la pression de la perfection; comme un complet de qualité, mais inconfortable, que l’on doit porter.
Dans l’imaginaire populaire, Émile ne pouvait pas devenir un homme ordinaire avec sa vulnérabilité, se cherchant jusqu’à la mi-trentaine, changeant 2-3 fois de choix de carrière pour finir heureux comme il peut, mais heureux quand même. Non, Émile devait s’élever au-dessus de la moyenne. C’est lourd, non?
On passe notre temps à éviter l’imperfection. On répond toujours « oui » quand on nous demande si ça va. On filtre nos journées grises sur les réseaux sociaux. On justifie sans cesse nos erreurs. Oui, on veut éviter l’imperfection dès les tout débuts de la vie au lieu de simplement assumer que non seulement elle sera là, mais elle sera partie intégrante et importante de notre vie.
Cela dit, je pense que le parfait existe à petite dose. Un moment, un sourire, une bonne blague bien placée, bref, un coup de circuit. Mais la perfection n’aura jamais l’honneur de voyager sur le paisible chemin de la constance.
Même le meilleur frappeur au baseball se fait retirer sur 3 prises un jour ou l’autre! ;)
11 mai 2018
Photo : GettyImages/LightFieldStudios