La chasse aux chips chez grand-maman

La chasse aux chips chez grand-maman
Par Dr Nicolas Chevrier, Psychologue

Le temps des fêtes est à nos portes. Vivement le temps des rencontres de familles, des soupers copieux et des soirées auprès du feu avec la famille élargie. Or, pour certains parents, ces rencontres sont souvent synonymes de stress et parfois même de conflit.

C’est vrai que tous n’ont pas la même relation avec leurs parents ou avec leurs beaux-parents. Pour certains, ces relations sont plus difficiles, alors que pour d’autres, les grands-parents sont des partenaires de tous les jours dans l’éducation de leurs enfants. Mais on ne peut nier un fait : les parents exercent un contrôle presque total sur les choix en lien avec l’éducation de leurs enfants, tandis que du côté des grands-parents, ils ont déjà eu cette même autorité sur nous-mêmes. Il est donc normal pour eux de continuer à ressentir un devoir de protection envers nous et par extension, envers nos enfants. Et parfois, les agissements de nos parents nous demandent de développer une bonne capacité d’adaptation… ce qui m’arrive fréquemment.

Avant tout, une petite mise en contexte. Dans un but purement pédagogique, je profite de cette chronique pour vous faire un coming-out parental : je ne veux pas que ma fille mange de chips. Pour des raisons que je ne vous exposerai pas, j’ai une profonde aversion à l’idée qu’un enfant de moins de 5 ans (si c’était socialement acceptable de dire moins de 10 ans, je le dirais) puisse manger des chips. Sachant cela, que pensez-vous qu’il se passe durant le temps des fêtes lors de notre visite chez les Chevrier? Ma fille part à la chasse aux chips! Elle se promène de la table à café du salon à la table de service de la cuisine, en passant par la table des enfants… à la recherche d’un bol de chips. Notons que son plus jeune frère pratiquait aussi cette activité lorsqu’il était plus petit.

J’ai beau dire, année après année, que ce n’est pas une bonne idée de laisser traîner des chips, que de le faire, c’est comme faire la promotion de la chasse aux chips, lorsque j’arrive chez mes parents, les chips sont toujours aux mêmes endroits, sur les mêmes tables qu’à Pâques, qu’à l’Action de grâce et qu’à la Saint-Jean.

Les premières années, j’ai tenté de ramasser subtilement les bols et de les mettre sur le comptoir de la cuisine. Tellement subtil, que les bols reprenaient leur place après une demi-heure. Lorsque je réussissais à les remettre sur le comptoir une seconde fois, un phénomène psychologique extraordinaire se produisait chez mes enfants : l’adaptation. Mes chasseurs allaient directement demander un bol de chips à grand-maman qui, bien sûr, ne pouvait pas refuser! Désespoir…

Un peu de souplesse

Dans cette situation, mon erreur est de me concentrer sur ma règle de vie trop rigide : un enfant de 5 ans ne doit jamais manger de chips. Comme parents, nous avons souvent ce genre de règles : un enfant doit toujours se coucher à 19 h; un enfant doit toujours se coucher propre; un enfant doit manger de bonnes choses; un enfant ne doit pas regarder la télévision... Ces règles de vie nous permettent d’encadrer le développement de nos enfants, mais elles ne doivent pas les empêcher de profiter de moments où les règles ne s’appliquent pas ou peu, des moments qui permettent à l’enfant de développer une capacité de décider par lui-même.

Or, c’est souvent une application trop rigide de ces règles qui amène des conflits avec les grands-parents. Il faut se rappeler que, la plupart du temps, nos parents font ce qu’ils font par amour et en toute bonne foi. Pour favoriser  une bonne entente, il est donc important de développer une certaine flexibilité vis-à-vis de l’application des règles de tous les jours que nous imposons à nos enfants. Par exemple, lors d’une soirée spéciale, on peut décider de laisser notre enfant manger des « cochonneries », sortir de table avant les autres ou le laisser se coucher plus tard.

Accepter de rendre une règle plus flexible, ce n’est pas de nier son importance, c’est seulement de s’assurer que la règle est bien adaptée dans toutes les situations. Sinon, on la change et on s’adapte aux contraintes de l’environnement. Il n’y a plus que du lait au chocolat pour boire au souper? Tant pis, ils ingéreront plus de sucre ce soir. On propose d’aller jouer dehors alors qu’il fait noir? D’accord, on y va tant qu’il y a assez d’adultes pour assurer la surveillance. Mon garçon veut goûter le vin moelleux que Papa déguste avec son saumon? Celle-ci, je vous laisse le plaisir d’y répondre vous-même…

En attendant, j’en profite pour vous souhaiter, à l’avance, un joyeux Noël et une bonne année. En espérant que vous profiterez pleinement de votre famille et de vos enfants (sauf la journée où l’on va tranquillement s’écraser au spa ou au cinéma, sans les enfants!).

 

16 décembre 2013

Naître et grandir

Partager