Étendue dans mon hamac, entre 2 attaques de bisous, je rigole de tout et de rien avec mes enfants. Soudain, mon fils nous lance : « Choisissez un chiffre entre 1 et 5. » Je dis : « 4 », mon ado : « 2 » et ma petite dernière répond le plus sérieusement du monde : « rose! » Évidemment, on se marre.
Cette couleur l’obsède. Toute chose qui en contient sera choisie d’office, peu importe sa nuance, qu’elle soit rose pâle, rose bonbon ou rose tout court. Tout y passe : bonbons, vélo, poupée, roches, brosse à dents, verre, chapeau, robes (évidemment), etc. Un vrai coup de foudre! À tel point qu’une fois sur deux, j’évite de la laisser choisir ses vêtements, sinon j’ai l’impression de sortir avec la reine d’Angleterre.
À la naissance de mon aînée, la situation était bien différente. En jeune future mère exaltée que j’étais, je criais haut et fort que cette couleur ne mettrait jamais les pieds chez moi. Vade Retro Satana. Ma fille serait vêtue de bleu ou de vert. Résultat, pendant 1 an, les gens m’ont répété sans arrêt : « Quel beau garçon! Mais quel beau garçon, madame! » J’ai tenté le blanc, le jaune, voire le rouge pour sauver ces âmes égarées, conditionnées par des années de propagande colorée. Sans succès. Cette neutralité vestimentaire rendait les passants nerveux. Ils me fuyaient ou, pire, restaient plantés devant moi comme des poteaux, l’air absent à la recherche de phrases asexuées : « Beau bébé! C’est quoi… son nom?!! Énervée, je répondais au gré de mes humeurs « Raoul » avec un air bête, ou « Mariloufe » avec un grand sourire!
Lorsque ma petite dernière a pointé le bout de son nez, j’ai lâché prise. Avec 3 enfants à m’occuper et une tonne de vêtements roses et mauves donnés par les copines, j’ai eu soudain autre chose à faire que de me battre contre des clichés.
J’ai drôlement bien fait! Le rose illumine le teint de ma fille et malgré ses robes de princesse couleur bonbon et ses diadèmes en plastique, elle brandit fièrement son épée en poussant des cris terribles, joue avec des camions et rêve de monter à bord d’une fusée (rose) pour aller sur la lune comme une «stronaute».
Je vote donc pour le bonheur de mes enfants qu’il soit rose, bleu, vert ou jaune. Peu importe, du moment que ça les rend heureux (et qu’il me laisse choisir la couleur de leurs vêtements de temps en temps!)
Ferme les yeux, et le monde devient celui que tu veux.
Alain Berliner
Dialogue du film Ma vie en rose
26 mai 2010