«J'aurais donc dû…»: un piège à éviter

«J'aurais donc dû…»: un piège à éviter
Par Dr Nicolas Chevrier, Psychologue
Ut mieuxJ’aurais donc dû… Un piège par excellence pour les parents! Explication de Nicolas Chevrier, psychologue.

Se sentir bien dans notre rôle de parent est primordial. Ça l’est de tout temps, mais j’ai l’impression que depuis un an, c’est encore plus important d’être vigilant dans notre façon de nous percevoir comme parent.

J’avais envie aujourd’hui de vous mettre en garde contre une erreur bien connue chez les parents : les « j’aurais dû savoir ». Il s’agit d’un réflexe particulièrement nuisible qui implique la construction d’une réalité alternative idéalisée. Par exemple : « Si j’avais passé plus de temps à la maison, nous ne nous serions pas séparés. Si je n’avais pas accepté que Cédric aille au parc avec ses amis, il ne se serait pas fait intimider. »

En psychologie clinique, on nomme cette distorsion cognitive le raisonnement a posteriori.

Le piège de cette mécanique, c’est de remettre en question des décisions qu’on a prises à un moment, où nous n’avions pas l’information qu’on a aujourd’hui sur la situation. Et on se culpabilise de n’avoir pas été en mesure d’éviter la conséquence négative tout en s’imaginant une conséquence positive idéalisée si nous avions pris une autre décision.

Un exemple : j’aurais dû ne pas envoyer ma fille au camp

Nous avons envoyé Leeloo dans un camp de jour équestre l’an dernier. Pour ma fille amoureuse des chevaux, c’est l’équivalent de l’envoyer une semaine au paradis. Or, durant le séjour, elle s’est brisé un bras. Interdiction de sport jusqu’en décembre.

Le raisonnement a posteriori serait ici de me dire : « Je n’aurais jamais dû l’envoyer au camp équestre. » Pourtant, j’avais bien fait mes devoirs. Un camp de vacances sérieux, des lieux sécuritaires, une bonne organisation … La décision était manifestement la bonne.

Comment aurais-je pu prévoir que Leeloo allait faire une roulade, entre deux activités, perdre l’équilibre et se casser le bras? De toute évidence, je ne pouvais pas le prévoir.

Lors de mon raisonnement, j’idéalise une conséquence positive : « Si je ne l’avais pas envoyée au camp, elle ne se serait pas cassé le bras. Elle aurait eu un bel été. Elle aurait pu nager et faire du sport tout l’automne. »

Cette perception est idéalisée, car je n’ai pas vécu cette situation. On ne sait pas ce qui aurait pu se passer. Nous ne sommes pas au cinéma dans Le jour de la marmotte, à explorer les différentes conséquences de nos choix et à pouvoir recommencer à notre guise. Je ne le sais pas et je ne le saurai jamais, car la décision a été prise avec l’information que nous avions au moment de prendre ladite décision.

Ne pas se culpabiliser

Le seul effet des « j’aurais dû », c’est de nous rassurer sur le contrôle qu’on a sur nos vies… et nous causer de la culpabilité. La réalité, c’est que, comme parent, je dois faire des choix pour mon enfant à un moment précis dans le temps.

Ces choix impliquent une certaine incertitude et je dois accepter que cette incertitude fasse partie intégrante de la vie. Elle restera toujours. Même si je me culpabilise pour des événements sur lesquels je n’ai aucun contrôle, même si je cherche un indice qui m’aurait permis de savoir ou prévoir ce qui aurait pu se passer…

La réalité? Notre contrôle a une limite qu’on le veuille ou non. Au-delà de cette limite, il n’y a qu’à accepter ce qui s’est passé et être bienveillant envers soi-même…

 

19 mai 2021

Naître et grandir

 

Photo : GettyImages/splendens

Partager