4 faits à rétablir sur l’alimentation des enfants

4 faits à rétablir sur l’alimentation des enfants
Par Stéphanie Côté, Nutritionniste
Un nouveau livre sur l’alimentation des enfants a fait réagir notre nutritionniste Stéphanie Côté. Elle fait une mise au point sur 4 sujets abordés dans ce livre.

Savez-vous si l’information que vous lisez sur l’alimentation des enfants est toujours juste? Pour ma part, certains articles et livres me préoccupent. C’est le cas du récent livre sur l’alimentation des enfants du naturopathe Martin Allard.

La mission est belle et je suis certaine que M. Allard veut bien faire. Cela dit, plusieurs des informations et conseils qu’on y lit sont inexacts ou inadéquats pour les enfants.

Le pédiatre Jean-François Chicoine a d’ailleurs sévèrement critiqué le livre en question dans La Presse. Je tenais de mon côté à faire des mises au point sur 4 sujets qu’il aborde dans son livre.

1- L’heure du déjeuner

M. Allard recommande aux enfants de déjeuner « dès le sortir du lit », ou du moins dans l’heure qui suit leur réveil.

En vérité, déjeuner dans l’heure qui suit le réveil est une exigence de nos routines matinales et non une exigence du corps. L’idéal est que votre enfant déjeune lorsqu’il a faim. C’est important pour qu’il apprenne à se fier aux signaux de faim que son corps lui envoie. Il va survivre 20 minutes, une heure ou même deux sans problème! L’importance du déjeuner est parfois surestimée. Je vous invite à relire ce billet concernant les mythes et les réalités sur le déjeuner. Il vous donne également des trucs si votre enfant n’a pas faim en se réveillant.

2- La boisson d’amande

Sous le titre « Bonifier les céréales en protéines », M. Allard suggère de se tourner vers la boisson d’amande.

Pourtant, la boisson d’amande n’est pas une bonne source de protéines. Elle en contient à peine plus que l’eau! À 1 g par tasse, elle ne contribue pas à rendre un repas nourrissant et rassasiant. Vous pouvez offrir une boisson d’amande à votre enfant à l’occasion pour varier et lui faire explorer différentes saveurs. Mais si vous souhaitez ajouter des protéines au déjeuner pour le rendre plus nourrissant, la boisson de soya, le lait, le yogourt, l’œuf et le beurre d’arachide ou de noix seront pas mal plus efficaces.

3- Les matières grasses

Le lait écrémé et les omelettes aux blancs d’oeufs que l’on retrouve dans les menus que M. Allard suggère dans son livre ne conviennent pas aux enfants. Il suggère que ces aliments fassent partie des « déjeuners pour favoriser les performances sportives ». Sans parler des suppléments de protéines en poudre dont il vante plus d’une fois les mérites.

Les aliments allégés ne sont pas pour les enfants. Les enfants ont besoin de gras et d’énergie parce qu’ils grandissent. Selon leur âge, ils devraient puiser jusqu’à 40 % de leur apport énergétique dans les matières grasses. C’est davantage que les adultes qui vont y chercher 30 % des calories qu’ils consomment.

On parle beaucoup d’obésité, alors il est normal que les gras nous préoccupent. Cela dit, ce sont les aliments gras peu nourrissants, comme le fast food et plusieurs produits transformés, qu’il faut diminuer. Les oeufs, les produits laitiers non écrémés, les viandes non transformées, les beurres de noix et les bonnes huiles végétales peuvent faire partie de l’alimentation des enfants.

Bref, les recommandations adressées aux enfants sont différentes des recommandations pour les adultes… et encore plus différentes des recommandations pour les adultes qui font du fitness.

4- Quoi et quelle quantité manger

M. Allard écrit « Un enfant connaît rarement ses besoins réels, il faut insister pour qu’il mange au moins 3 fois par jour, quitte à lui proposer les aliments qu’il préfère. »

Cette seule phrase va à l’encontre de deux principes de base : ne jamais forcer un enfant à manger et l’aider à développer ses goûts.

L’enfant est le seul à pouvoir reconnaître les besoins que son corps lui exprime. Il naît avec cette précieuse aptitude de savoir respecter sa faim. Son ventre ne « parle » à personne d’autre. Le rôle des parents (et des autres adultes responsables) est de fournir des aliments nourrissants, selon un horaire régulier, dans un lieu approprié et dans une ambiance agréable. ll faut laisser l’enfant décider des quantités quil mange sans insister, même pour 2-3 bouchées de plus. Ce principe de partage des responsabilités est largement étudié et reconnu par les experts en nutrition. Il permet de prévenir ou de régler bien des situations difficiles à table.

Proposer à un enfant les aliments qu’il préfère pour qu’il mange, c’est acheter la paix à court terme, mais c’est nuire à ses habitudes alimentaires, voire à sa santé, à long terme. Cette façon de faire contribue à rendre l’enfant de plus en plus difficile au sujet des aliments.

Ce n’est pas parce que tout le monde mange que tout le monde est un spécialiste de l’alimentation

M. Allard écrit dans son livre : « Cet ouvrage résume ma vision quant à l’alimentation, la nutrition et la diététique. » Or, la nutrition n’est pas une affaire de vision. C’est une science. Plusieurs des conseils en alimentation donnés dans ce livre ne reflètent pas l’état des connaissances sur l’alimentation des enfants. Il ne faut pas oublier que les enfants ne sont pas des mini adultes.

 

13 décembre 2016

Naître et grandir

Photo : iStock.com/bopav

Stéphanie Côté, Nutritionniste
Nutritionniste et maman de 2 enfants, j'ai un intérêt particulier pour l'alimentation des petits. Conseils enrichissants et anecdotes savoureuses sont ici au menu!
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