Bonjour à tous,
Vous avez été nombreux à me poser des questions par le biais de Facebook. J’aurais aimé pouvoir répondre à chacune d’elles! Dans le contexte, j’ai dû en sélectionner un certain nombre, qui me semblent reprendre les interrogations de plusieurs. J’ai également reçu plusieurs questions d’ordre général qui se résument à « Quand consulter? ». Plusieurs fiches sur le site de Naître et grandir, dans les sections « Langage » 1 à 3 ans et 3 à 5 ans, peuvent répondre à cette question et vous donner des pistes pour aider dès maintenant votre enfant ou un enfant que vous côtoyez dans votre milieu de garde.
Voici quelques réponses à vos questions :
Mon enfant a 17 mois. Il a un bon vocabulaire mais prononce mal plusieurs mots.
Mon fils a 21 mois et ne dit aucun mot et ne fait aucun son. Dois-je m’inquiéter?
Mon bébé a 19 mois. Il nomme tous les animaux à quatre pattes « chats ». Est-ce normal?
Mon fils de 26 mois est incompréhensible. Comment puis-je l’aider?
Ma fille de 2 ans est très énervée quand elle parle et nous ne la comprenons pas.
Ma fille de 3 ans et demi commence à bégayer. Dois-je consulter?
L’éducatrice de ma fille parle en espagnol. Quel est l’impact sur le développement de son langage en français?
Mon fils de 3 ans ne prononce pas le son « r ». Est-ce dû à son âge?
Est-ce vrai que l’attente pour consulter un orthophoniste est très longue?
Q : Notre enfant a présentement 17 mois et a déjà un très bon vocabulaire (plus de 70 mots ainsi que quelques phrases de 3-4 mots). Cependant, certains mots ne sortent pas comme il se devrait (p. ex. : « babon » pour « ballon » ou « nono » pour signifier de l’eau). Faudrait-il pousser davantage afin qu’il prononce correctement ou si, à l’âge qu’il a actuellement, nous pouvons le laisser parler « incorrectement » et lui laisser un peu de temps pour développer son langage.
R: Il est à tout à fait normal que votre enfant ne prononce pas correctement tous les mots à 17 mois. Il a déjà un excellent vocabulaire pour son âge, car les enfants utilisent en moyenne une vingtaine de mots vers l’âge 18 mois. D’ailleurs, lorsqu’un enfant ne parle pas à cet âge, il est pertinent de consulter une orthophoniste. Dans le cas qui nous occupe, vous pouvez simplement redire correctement les mots après votre enfant. Il entendra ainsi la prononciation correcte, cela lui donnera un modèle. Vers l’âge de 2 ans, votre enfant devrait être compris environ 50 % du temps par des personnes non familières. L’important est de l’encourager dans tous ses efforts de communication pour qu’il garde ce bel intérêt pour l’échange verbal.
Q : Mon fils a 21 mois et ne dit aucun mot. Pas de sons d’auto, pas de bruits d’animaux. Est-ce normal?
R : Les premiers mots apparaissent généralement vers 12 mois plus ou moins 2 mois. Vous faites une bonne observation : avant de dire des mots, l’enfant produit souvent des bruits d’autos ou d’animaux. C’est le signe qu’il commence à associer un objet à un son; cela fait partie des habiletés qui le mènent au langage proprement dit. Il y a aussi d’autres habiletés qui préparent à parler; par exemple, l’enfant apprend à comprendre des mots et il s’exerce à produire des sons. Il acquiert aussi certaines habiletés nécessaires à la communication, comme regarder la personne qui lui parle, s’intéresser au monde sonore et imiter des gestes pour ensuite imiter des sons, ce qui sera sa façon d’apprendre à dire des mots. Selon moi, il serait pertinent que vous consultiez une orthophoniste. Celle-ci pourrait voir où en est votre enfant dans le développement de ses habiletés communicatives et vous donner des conseils personnalisés pour qu’il en vienne à dire ses premiers mots et communiquer plus clairement. Certains CLSC et hôpitaux offrent des services en orthophonie aux enfants de 0 à 5 ans. Il existe aussi des cliniques privées dont les services sont au moins partiellement remboursés par plusieurs compagnies d’assurances.
Q : Mon bébé de 19 mois acquiert de nouveaux mots presque chaque jour. Pour l’instant, tous les animaux à quatre pattes sont des « chats ». Lorsqu’on le corrige, il nous répond énergiquement « Non, chat! » en pointant le quadrupède en question. Est-ce une étape normale de l’acquisition du langage?
R : Le fait que votre enfant dise de nouveaux mots presque chaque jour est une excellente nouvelle. Il est peut-être dans sa période d’explosion du vocabulaire. Au moment où il commence à dire des mots, l’enfant en utilise de nouveaux à un rythme lent, le temps qu’il s’habitue, en quelque sorte, à associer des étiquettes à des objets. Par la suite, il utilise de nouveaux mots plus rapidement, et son vocabulaire « explose ». Le phénomène que vous rapportez est bien documenté; les experts le nomment la « surgénéralisation » ou la « surextension ». À noter que certains enfants font aussi de la « sous-généralisation » : ils emploient par exemple le mot « chat » exclusivement pour leur propre chat. Tout cela est souvent observable pendant l’acquisition du premier vocabulaire, avant l’âge de 2 ans environ. À mesure que votre enfant s’exprimera davantage verbalement, il apprendra à utiliser les mots dans le bon sens. Tant qu’il dit au moins une vingtaine de mots, son développement langagier est normal.
Q: Mon fils a 26 mois. On voit chez lui un grand intérêt pour le langage, mais il n’y parvient pas. Chaque mot qu’il prononce est pour nous incompréhensible. Nous craignons d’ailleurs que notre fils vive un sentiment d’échec et cesse toutes ses tentatives. Comment pouvons-nous l’aider à progresser?
R : Le fait que votre fils maintienne un bon intérêt pour le langage malgré ses difficultés est très bien. Je comprends aussi votre inquiétude quant au maintien de cet intérêt à long terme. Toutefois, si vous continuez à accorder de l’importance à ce que votre enfant dit et que vous l’accompagnez afin qu’il se fasse comprendre en lui demandant, par exemple, de vous montrer l’objet dont il parle, il pourrait maintenir sa motivation. Quand vous le comprenez finalement, vous pouvez aussi l’encourager en lui montrant que vous avez bien saisi le message transmis et que vous aimez communiquer avec lui, même quand il finit par se faire comprendre par des gestes et des mimiques. Par exemple, vous pouvez lui dire en souriant « Je comprends, tu veux du fromage! D’accord, je t’en donne! » Vous pouvez aussi vous assurer de lui dire le mot qu’il aurait pu dire en articulant clairement et lentement, afin qu’il ait un modèle. Vers l’âge de 24 mois, nous nous attendons généralement à ce qu’un enfant soit compris environ 50 % du temps par des étrangers. Ce que vous rapportez me laisse penser que ce n’est pas le cas de votre fils, et une évaluation en orthophonie serait pertinente, dans cette optique. L’orthophoniste pourra évaluer l’ensemble du langage de votre enfant (sa compréhension des mots, son vocabulaire, etc.) et vous donner des conseils personnalisés pour l’aider à se faire mieux comprendre.
Q : Ma fille de 2 ans connaît une quarantaine de mots. Par contre, lorsqu’elle nous parle et qu’elle essaie de faire des phrases, on dirait qu’elle est trop énervée et nous ne comprenons pas du tout ce qu’elle essaie de nous raconter. Devrions-nous lui faire répéter jusqu’à ce qu’on comprenne ou faire comme si nous avions compris pour ne pas la faire fâcher et lui donner confiance?
R : Il se peut très bien que votre enfant soit emballée à l’idée de vous transmettre un message donné, mais qu’elle n’ait pas encore tous les moyens pour le faire. Il est fréquent qu’un enfant de 2 ans soit moins facile à comprendre lorsqu’il aligne plusieurs mots. Dire quelques mots de suite, cela demande encore plus de mouvements de la langue, des joues, des lèvres, ce qui augmente les probabilités de petites erreurs! Comme mentionné précédemment, vers l’âge de 2 ans, l’enfant est généralement compris la moitié du temps par des personnes non familières. C’est bon signe que votre enfant s’essaie à faire des phrases. Pour maintenir son intérêt à communiquer, vous pouvez l’encourager dès que vous comprenez (« Ah, je comprends, tu veux du lait! ») et lui mentionner que vous n’avez pas compris quand c’est le cas, en l’aidant à se faire comprendre malgré tout (en lui posant des questions, en regardant autour de vous pour voir ce dont elle peut parler, etc.). Elle a besoin de savoir qu’elle n’est pas toujours comprise pour chercher à s’améliorer. Ceci étant dit, votre fille gagnerait sans doute à dire plus de mots pour se faire mieux comprendre. Nous nous attendons généralement à ce que l’enfant dise environ 100 mots à 2 ans. En ce sens, une orthophoniste pourrait évaluer l’ensemble du langage de votre enfant (son vocabulaire, sa prononciation) et vous donner des idées plus ciblées que les miennes.
Q : Ma fille parle très bien depuis l’âge de 2 ans. Maintenant, elle commence à bégayer et elle a 3 ans et demi. Elle ne cherche pas ses mots et ça n’arrive pas tout le temps. Est-ce que je devrais consulter? Que puis-je faire pour l’aider?
R : Plusieurs enfants passent par une période d’hésitations normales entre 3 et 4 ans. Ils reprennent certains mots dans leurs phrases, par exemple : « Je je je veux du lait pis pis des biscuits. » C’est l’âge où l’enfant apprend à faire des phrases plus complexes. Ses idées vont plus vite que sa capacité à les exprimer! On parle véritablement de bégaiement quand les difficultés touchent principalement non pas les mots mais des parties de mots (« une mai-mai-mai-son » ou « une ppppporte »), qu’elles sont très fréquentes, importantes et qu’elles persistent dans le temps. Dans le cas d’hésitations normales, comme on le fera pour le bégaiement, l’attitude à privilégier est de ne pas demander à l’enfant de ralentir ou de prendre son temps, mais de nous-mêmes adopter un débit lent, pour donner un modèle. Un enfant qui parle vite risque davantage d’hésiter. Une fiche sur le bégaiement est aussi disponible sur le site de Naître et grandir. Si la situation vous inquiète, vous pouvez en parler à votre médecin, qui saura vous diriger vers une orthophoniste. À ma connaissance, plusieurs orthophonistes qui travaillent en CLSC ne voient pas les enfants qui présentent un bégaiement. Toutefois, les services appropriés peuvent être trouvés dans certains hôpitaux ou en pratique privée, notamment.
Q : Ma fille de 2 ans est dans une garderie en milieu familial et son éducatrice parle souvent en espagnol. Ma fille dit « benne maman » au lieu de « viens maman ». J’ai beau le lui dire en français, elle ne modifie pas son langage. Je me demandais quel pouvait être l’impact d’une garderie hispano-française sur le développement de son langage?
R : Un enfant exposé à deux langues est capable de les apprendre toutes les deux. Il est toutefois normal qu’il ait plus d’habiletés dans l’une ou l’autre des langues, en fonction de la fréquence d’exposition et de sa motivation. Dans le cas de votre fille, comme elle semble parler l’espagnol seulement avec son éducatrice et qu’elle n’entend peut-être pas beaucoup cette langue autrement, nous pouvons présumer qu’elle a et aura plus de facilité en français. Les études démontrent que le double apprentissage ne nuit aucunement à l’acquisition d’une ou l’autre des langues. Bref, le bilinguisme ne peut expliquer des difficultés langagières. Toutefois, il pourrait être normal que votre fille semble avoir un peu moins de vocabulaire que d’autres enfants en français : il faut considérer le vocabulaire dans les deux langues pour avoir une idée juste de son développement langagier (par exemple, si elle dit « benne » mais pas « viens », le mot fait quand même partie de son vocabulaire « total »). Par ailleurs, la confusion entre les deux langues est normale et n’est pas inquiétante. Pour plus de détails, vous pouvez consulter la fiche portant sur l’apprentissage de plusieurs langues sur le site de Naître et grandir.
Q : Mon fils de 3 ans ne prononce pas le son « r ». Est-ce dû à son âge ou y a-t-il une autre raison? Que pouvons-nous faire pour l’aider? Il n’a pas de difficultés avec les autres sons.
R : Le son « r » est un des sons les plus difficiles à prononcer, avec les sons « ch » (comme dans chat) et « j » (comme dans jaune). Ces sons peuvent être difficiles à prononcer jusqu’à l’âge de 5 ans. Comme plusieurs autres orthophonistes, je n’ai pas tendance à suggérer de travailler spécifiquement une difficulté de prononciation quand celle-ci fait partie du développement normal, à moins que l’enfant soit gêné ou fâché par rapport à cette difficulté. La situation devrait se placer d’elle-même. Si la difficulté persiste entre quatre ans et demi et cinq ans, environ, vous pourriez en parler à une orthophoniste. Par contre, il demeure pertinent de répéter après votre fils les mots mal prononcés, afin qu’il entende le bon modèle, sans dire, par exemple, « Non, rouge! » mais plutôt « Oui, tu as raison, c’est rouge! ». Il est pertinent de donner raison à votre enfant sur la base du contenu de ce qu’il dit afin de s’assurer de maintenir sa motivation à parler et son estime de lui en lien avec ses habiletés langagières. Ce genre de difficulté de prononciation demeure mineure et se travaille généralement bien lorsque nécessaire.
Q : Je suis éducatrice en CPE et j’ai approché la maman d’une petite de 3 ans et demi qui a énormément de problèmes de langage. La maman m’a dit que l’attente pour un orthophoniste est très longue. Est-ce vrai?
R : Malheureusement, il est vrai qu’il y a souvent un délai avant d’accéder à des services en orthophonie dans le secteur public. Je ne suis pas au courant des services partout dans la province, mais je sais que dans la région où je travaille, les enfants attendent actuellement au moins 6 mois avant d’être évalués en CLSC. Les services en orthophonie offerts en CLSC sont souvent les premiers services disponibles dans le réseau public pour les enfants de 0 à 5 ans. L’attente vaut le coup, car les CLSC offrent une aide très pertinente, adaptée à la fois aux besoins des enfants et aux demandes des parents.
Il existe aussi des cliniques qui offrent des services en pratique privée. Ces cliniques peuvent souvent être trouvées par le biais du site de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ) ou en cherchant sur le Web ou dans les pages jaunes. Les services en pratique privée sont souvent couverts partiellement par plusieurs compagnies d’assurances. Lorsqu’un parent n’a pas accès aux services publics et ne peut payer pour un suivi en orthophonie en pratique privée, il est souvent profitable, malgré tout, de faire une évaluation ou un suivi avec des rencontres espacées dans le temps, car le parent peut appliquer lui-même plusieurs conseils à la maison.
NDLR Ces questions ont été soumises dans le cadre d’un concours tenu sur la page Facebook de Naître et grandir. Parmi tous les participants, nous avons fait tirer trois jeux éducatifs créés par des orthophonistes: Les Jeux de Bri-Bri. Le tirage a été effectué, mais les gagnants n’ont pas tous été joints. Nous afficherons le nom des personnes gagnantes sur notre page Facebook dès qu’elles seront connues.
4 octobre 2014