Comme je ne suis pas du genre à mentir, je n’ai pas caché le fait de ne pas aimer être enceinte. Et je me suis retrouvée face à un mur d’incompréhension.Comme je ne suis pas du genre à mentir, je n’ai pas caché le fait de ne pas aimer être enceinte. Et je me suis retrouvée face à un mur d’incompréhension.
par Émilie Dory
Être enceinte, quel bonheur! À la lecture du test qui vire au positif, le coeur qui bat la chamade, le début de la grande aventure, la plus belle qui soit, la concrétisation du grand amour, c’est tout simplement magique.
Pour ma part, jusqu’à la rencontre avec « l’Homme », je n’ai jamais été vraiment intéressée par le sujet. Ma vie, c’était mon cheval, mes chiens et la photo. Alors, comme la majorité des gens, j’avais l’image de la femme enceinte vendue dans les magazines et autres médias : une femme rayonnante épanouie, sereine, 100 % pur bonheur.
Quand j’ai rencontré mon chéri, on a d’abord pas mal trippé, puis est arrivé le jour où on a pensé aux enfants. On voulait un bébé, et on a été incroyablement heureux d’apprendre, au premier essai, qu’on était embarqué dans la grande aventure. Le gynéco m’avait pourtant dit que passé 35 ans, le taux de fertilité diminue de 50 %, qu’il faut compter une à deux années pour tomber enceinte. Pour nous, ça a pris un mois, pas le temps de s’y préparer — si tant est que ça soit possible!
Et c’est là que les choses se compliquent. La grossesse comme dans les magazines, la grossesse parfaite, ça existe, bien sûr... Par exemple, la cousine de mon mari en est à sa deuxième grossesse comme ça : aucune nausée, pas de fatigue, pas de sautes d’humeur, aucun des petits maux habituels, à peine une brûlure d’estomac vite calmée par un pansement gastrique!
Mais ce ne fut pas mon cas...
Très vite pour moi sont apparus tous ces fameux « petits maux » de la grossesse. Fatigue, nausées, peau terne, cheveux moches, poitrine qui quintuple de volume, manque d’appétit au premier trimestre, puis appétit gargantuesque au troisième, humeur incontrôlable, insomnies, syndrome des jambes sans repos, sept pipis par nuit.
Des symptômes moins connus aussi : cauchemars et traumatismes qui refont surface avec force. Le tout accompagné d’un régime alimentaire draconien, restrictions en tout genre, même pour les tisanes et des apéros au jus de fruit...
Bref, une longue liste de désagréments plus ou moins pénibles que je ne citerai pas tous, avec pour finir un joli total de + 26 kilos! Chaque fois que j’ai demandé de l’aide sur ces charmants symptômes lors des consultations à la clinique, je n’avais le droit qu’à « c’est normal ça, c’est la grossesse ». J’ai fini par baisser les bras et me résoudre à subir. Mais je dois bien avouer que neuf mois, c’est long!
Alors, avec tout ça, non, je n’ai pas aimé être enceinte.
En soi, rien de grave, être enceinte est simplement un état transitoire. Du moins, c’est ce que je pensais. Mais comme je ne suis pas du genre à mentir, je n’ai pas caché le fait de ne pas aimer être enceinte. Et je me suis retrouvée face à un mur d’incompréhension, voire à subir des remarques condescendantes et moralisatrices. Tu n’as pas le droit de parler comme ça, tout simplement. La liste des excuses est longue, ça va du « pense à ceux qui veulent des enfants et n’arrivent pas à en avoir », à « tu ne peux pas dire ça, c’est le miracle de la vie que tu portes en toi », etc.
Oui, je suis bien d’accord, j’ai beaucoup de chance, car je porte la vie et j’ai bien de la peine pour les gens qui n’arrivent pas à avoir d’enfants, mais il n’empêche que ça n’enlève rien au fait que j’ai le droit de m’exprimer et que non, vraiment je n’aime pas ça. Mais il y a cette pression constante dans le regard des autres de devoir se plier à l’image vendue par les magazines, de devoir incarner cette image à tout prix. Donc, il a fallu ajouter à la liste des désagréments : subir la pression et le jugement pour coller à ce cliché sociétal. Et même en ayant un esprit fort, ces comportements instillent un petit sentiment de culpabilité qui pourtant n’a pas lieu d’être. Je ne m’attendais vraiment pas à vivre tout ça.
Heureusement, j’ai un amoureux en or qui m’a soutenue tout du long et des amis et amies avec qui j’ai pu parler. J’ai discuté avec d’autres mamans qui ont vécu leur grossesse de la même façon que moi (tiens, je n’étais donc pas la seule), puis j’ai aussi trouvé du réconfort et une très belle écoute auprès de Stéphanie du Programme canadien de nutrition prénatale (PCNP). Je pense qu’il est très important de pouvoir s’exprimer avec son conjoint et son entourage, surtout à ce moment de la vie, car une première grossesse est un sacré événement qui chamboule beaucoup de choses dans notre quotidien et dans notre cerveau de maman en devenir!
En fin de compte, j’ai eu un accouchement merveilleux, on a beaucoup ri et on a eu la chance d’avoir une nurse géniale à l’hôpital. J’ai même échappé au fameux baby blues tellement j’étais heureuse de ne plus être enceinte! Ne pas aimer être enceinte, ce n’est pas grave, ça ne signifie en rien que l’on n’a pas désiré cette grossesse ou que l’on n’aimera pas son enfant, et cela n’a rien à voir avec le fait que l’on sera un super parent.
Aujourd’hui, notre petite est là, et nous sommes les plus heureux du monde. Oui, là on est en plein dans le cliché et je l’assume tout autant! J’aime être maman!
NDLR Un livre génial pour déculpabiliser en apprenant tout un tas de choses utiles, J’aime pas être enceinte de Mademoiselle Navie. Édition Marabout.
Grossesse : le guide des copines
Vicki Lovine
Disponible au Centre de ressources du Centre de la francophonie
Ce texte a été originalement publié dans le magazine Le nombril, numéro 13, Printemps 2016.
1 août 2017
Photo : Gettyimages/nd3000