Deux tranches de kiwi en guise d’yeux, une fraise à la place du nez et des morceaux de banane pour former une bouche. Dimanche dernier, la crêpe de ma fille Laura était un bonhomme. C’était son oeuvre mangeable, pas la mienne. Si je m’efforce à préparer des repas appétissants et colorés, je ne transforme pas les aliments en personnages ni en paysages.
Comme parents, nous nous soucions déjà de concocter des repas nourrissants et variés. Se lancer le défi de dessiner Dora l’exploratrice dans la purée de pomme de terre ou de faire Bob L’éponge en sandwich ajoute une pression inutile à mon avis. De toute façon, la magie est éphémère et il faut sans cesse se renouveler. Au lieu d’aider les enfants à élargir leur répertoire alimentaire, les techniques pour les amuser ne risquent-elles pas de renforcer les caprices alimentaires?
Pourtant, l’industrie alimentaire valorise l’aliment-jeu. Combien de compagnies achètent des licences pour utiliser les princesses, Spider-Man et autres héros de ce monde? Les exemples sont nombreux lorsqu’on s’y attarde. Cela dit, j’ai réalisé récemment qu’il existait des marchés encore plus imaginatifs que le nôtre. « Imaginatif » ne doit pas ici être considéré comme un compliment!
Une conférencière, venue de France dans le cadre d’un colloque sur l’alimentation et la santé des jeunes en début de semaine, nous a fait découvrir plusieurs produits. Des biscuits en forme de personnages aimés des enfants; des sandwichs en forme de main; des emballages agrémentés de toutes sortes, etc. Le plus marquant était sans doute les « bouchées aux fruits » (des bonbons, plutôt) en forme de blocs LEGO. Marquant non pas à cause de leur forme, mais à cause des conséquences inattendues qu’ils ont eues… Ces friandises ont dû être retirées du marché parce que certains enfants en étaient venus à tenter de manger... leurs véritables blocs LEGO!
Je souhaite que mes enfants apprivoisent les aliments tels qu’ils sont. Je préfère qu’ils les apprécient pour ce qu’ils sont : des aliments. Je suis bien d’accord avec le plaisir de manger (ça oui!), mais entre l’aliment-plaisir et l’aliment-divertissement, il y a un pas que je ne suis pas prête à franchir. Je dis cela et, pourtant, je réalise que je peux me faire prendre au jeu. Pas plus tard qu’hier, j’ai essayé de reproduire l’araignée et la sauterelle illustrées sur les bâtonnets de fromage Ficello de mes enfants…
8 octobre 2011